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  • La QPC – Question prioritaire de constitutionnalité

LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ

La « question prioritaire de constitutionnalité » est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit. Si les conditions de recevabilité de la question sont réunies, il appartient au Conseil constitutionnel, saisi sur renvoi par le Conseil d’État et la Cour de cassation de se prononcer et, le cas échéant, d’abroger la disposition législative (définition issue du site : http://www.conseil-constitutionnel.fr)

La question prioritaire de constitutionnalité a été instaurée par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008. Avant la réforme, il n’était pas possible de contester la conformité à la Constitution d’une loi déjà entrée en vigueur. Désormais, les justiciables jouissent de ce droit nouveau en application de l’article 61-1 de la Constitution.

  • Cours de contentieux constitutionnel
  • L’histoire du conseil constitutionnel
  • Les règles applicables au Conseil Constitutionnel
  • Le statut des membres du Conseil Constitutionnel
  • L’organisation du Conseil constitutionnel
  • Les juridictions ordinaires en tant que juge constitutionnel
  • La saisine devant le Conseil constitutionnel
  • La procédure contradictoire devant le Conseil Constitutionnel
  • Les décisions du Conseil Constitutionnel
  • L’exécution des décisions du Conseil Constitutionnel par d’autres juridictions

Le projet de loi constitutionnelle de 1990 et la révision constitutionnelle de 2008 instaurant la QPC

Projet de loi souvent présenté comme ayant voulu instituer en France un mécanisme d’inconstitutionnalité qui aurait permis de soulever l’inconstitutionnalité d’une loi à l’occasion d’un litige . Mais pas une vraie exception d’inconstitutionnalité (comme USA) où le juge ordinaire pouvait statuer. On ne donnait pas au juge ordinaire la possibilité d’écarter la loi.

Le projet de loi prévoyait une procédure de question préjudicielle pour inconstitutionnalité. Le juge devait poser la question au Conseil Constitutionnel et surseoir à statuer.

Si le Conseil Constitutionnel décidait que la loi était inconstitutionnelle, elle aurait cessé de s’appliquer, notamment au litige concerné.

Liste des cours relatifs au contentieux constitutionnel

  • Cours complet de droit du contentieux constitutionnel
  • Le contrôle des lois constitutionnelles
  • Le contrôle des engagements internationaux
  • La procédure devant conseil constitutionnel
  • L’exécution des décisions du Conseil Constitutionnel par les autres juridictions
  • L’autocensure du Conseil Constitutionnel
  • Les recours devant des juridictions ordinaires en matière de constitutionnalité
  • La composition du Conseil Constitutionnel

Depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008 , l’article 61-1 de la Constitution est ainsi rédigé : « Lorsque, à l’occasion d’une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d’État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé. » La loi organique du 10 décembre 2009 détermine les conditions d’application de cet article et institue la question prioritaire de constitutionnalité.

Qu’est-ce qu’une question prioritaire de constitutionnalité ?

Quelles sont les dispositions susceptibles de faire l’objet d’une QPC ?

Quels sont ces « droits et libertés que la Constitution garantit » ?

  • Qui peut poser la question prioritaire de constitutionalité ?

Quand et comment la poser ?

Quelles sont les conditions pour que le Conseil constitutionnel puisse être saisi ?

Peut-on poser la QPC directement au Conseil constitutionnel ?

Quelles sont les conséquences pour le procès en cours ?

Que se passe-t-il après ?

La QPC existe-t-elle dans d’autres pays ?

La question prioritaire de constitutionnalité (QPC) permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d’une disposition législative à l’occasion d’un procès devant une juridiction administrative ou judiciaire, lorsqu’il estime qu’un texte porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

La QPC a été instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 et précisée par la loi organique du 10 décembre 2009. Entrée en vigueur le 1er mars 2010, elle institue un contrôle de constitutionnalité a posteriori.

Seules les dispositions législatives peuvent faire l’objet d’une QPC.

Il s’agit des textes votés par le Parlement : lois et lois organiques ainsi que les ordonnances ratifiées par le Parlement. Il peut s’agir aussi d’une « loi du pays » de Nouvelle-Calédonie. La question de constitutionnalité peut être soulevée à l’encontre de toute disposition législative quelle que soit la date de sa promulgation ; les dispositions législatives antérieures à l’entrée en vigueur de la Constitution du 4 octobre 1958 entrent dans le cadre de la nouvelle procédure.

En revanche, d’autres textes votés par le Parlement, comme les règlements des assemblées ou certaines résolutions, n’entrent pas dans le champ de la QPC.

De même, les décrets, les arrêtés ou les décisions individuelles ne peuvent pas faire l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité. Ce sont des actes administratifs dont le contrôle de constitutionnalité relève du Conseil d’Etat.

Comme pour le contrôle de constitutionnalité a priori, les normes constitutionnelles pouvant être invoquées à l’appui d’une question de constitutionnalité sont très larges et concernent tous les domaines du droit.

Il s’agit de l’ensemble des droits et libertés figurant dans le « bloc de constitutionnalité » qui comprend la Constitution du 4 octobre 1958 et les textes auxquels renvoie son Préambule (Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, Préambule de la Constitution de 1946, Charte de l’environnement de 2004).

Qui peut poser la question prioritaire de constitutionnalité ?

Cette faculté est ouverte aux parties à un procès, la qualité de partie désignant le statut de la personne engagée dans une instance judiciaire.

Lorsqu’elles estiment que la loi qui leur est appliquée au cours de ce procès porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution leur garantit, seules les parties, et uniquement celles-ci, peuvent soulever une QPC.

Une QPC ne peut jamais être posée par le juge lui-même. Néanmoins, le ministère public quand il est partie à un procès, comme par exemple dans le procès pénal, peut soulever une QPC.

La question prioritaire de constitutionnalité peut être posée au cours de toute instance devant une juridiction de l’ordre judiciaire (relevant de la Cour de cassation) ou de l’ordre administratif (relevant du Conseil d’État), quelle que soit la nature du litige (civile, pénale, commerciale, sociale, administrative, fiscale etc). La question peut être posée, en première instance, en appel, ou en cassation.

Une exception, cependant : une QPC ne peut pas être posée devant une cour d’assises. En matière criminelle, la question de constitutionnalité peut être posée soit avant le procès devant le juge d’instruction, soit après le procès, en appel ou en cassation.

La QPC est posée par écrit. Il faut toujours un écrit distinct des autres conclusions produites, même devant les juridictions dont la procédure est orale. A défaut la demande serait irrecevable. Cet écrit doit être motivé.

Les critères pour que le Conseil constitutionnel soit saisi de la question prioritaire de constitutionnalité sont au nombre de trois :

la disposition législative critiquée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

la disposition législative critiquée n’a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel ;

la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux.

Ces trois critères sont appréciés par la Cour de Cassation ou par le Conseil d’Etat selon la juridiction à l’origine de la QPC.

Il n’est pas possible de saisir directement le Conseil constitutionnel. La question prioritaire de constitutionnalité doit toujours être posée au cours d’un procès et la loi prévoit un double filtre, d’abord par le juge du fond, puis par la Cour de cassation ou le Conseil d’Etat selon la nature de la juridiction devant laquelle la question a été posée.

La juridiction du fond doit procéder sans délai à un premier examen. Elle examine si la question est recevable et si les critères fixés par la loi organique du 10 décembre 2009 sont remplis. Si ces conditions sont réunies, la juridiction saisie transmet la question prioritaire de constitutionnalité selon le cas au Conseil d’État ou à la Cour de cassation. Le Conseil d’État ou la Cour de cassation procède à son tour à un examen plus approfondi et décide de saisir ou non le Conseil constitutionnel.

Le refus, par les juridictions suprêmes, de saisir le Conseil constitutionnel ne peut faire l’objet d’aucun recours. Quand la juridiction du fond refuse de transmettre une QPC, cette décision ne peut être contestée que lors d’un appel ou d’un pourvoi en cassation.

Il existe toutefois une exception à la règle du filtrage : lorsque le Conseil constitutionnel se trouve être lui-même juridiction de jugement, ce qui est notamment le cas en matière de contentieux des élections parlementaires. Ainsi dans sa décision n° 2011-4538 du 12 janvier 2012, le Conseil constitutionnel a accepté d’examiner, en tant que juge électoral, une question prioritaire de constitutionnalité soulevée directement devant lui, dans le cadre du contentieux des élections sénatoriales.

Lorsque la question de constitutionnalité est transmise, la juridiction doit suspendre la procédure dans l’attente de la décision des juridictions suprêmes puis, s’il a été saisi, du Conseil constitutionnel.

Toutefois, le juge doit statuer sans attendre lorsque l’instance a pour objet de mettre fin à une mesure privative de liberté. Il peut également ne pas reporter sa décision si la loi prévoit de statuer en urgence ou dans un délai déterminé.

Lorsqu’il est saisi le Conseil constitutionnel a trois mois, à compter du jour où il a été saisi, pour rendre sa décision.

Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée conforme à la Constitution, la juridiction doit l’appliquer, à moins qu’elle ne la juge incompatible avec une disposition du droit de l’Union européenne ou d’un traité.

Si le Conseil constitutionnel déclare la disposition contestée contraire à la Constitution, cette décision a deux conséquences :

l’application de la disposition est écartée dans le procès concerné la disposition est abrogée soit immédiatement, soit à compter d’une date ultérieure fixée par le Conseil lui-même.

Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d’aucun recours.

Nonobstant les pays qui n’ont pas mis en place de contrôle de constitutionnalité des lois (Angleterre, Pays Bas, Suède, Finlande, Luxembourg, Danemark par exemple), nombreux sont les pays qui connaissent sous une forme ou une autre un contrôle de constitutionnalité après l’entrée en vigueur d’une loi.

Mais le contrôle par le biais d’une question préjudicielle (qui oblige une juridiction à suspendre la procédure jusqu’à la décision de la juridiction compétente sur la question posée) est moins répandu. En Europe, la Belgique, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne connaissent ce mécanisme sous des formes voisines.

Ainsi, en Italie, la cour constitutionnelle peut être saisie d’une question préjudicielle par toutes les juridictions dès lors qu’une partie ou le ministère public soulève une question de constitutionnalité. Cette saisine ne fait l’objet d’aucun filtrage.

De même, en Espagne, la saisine du tribunal constitutionnel s’effectue sans filtrage soit à la demande d’une des parties, soit d’office par le juge.

En Belgique, la cour constitutionnelle peut être saisie d’une question préjudicielle posée devant n’importe quelle juridiction, soit à la demande d’une des parties, soit d’office par le juge, après une procédure de filtrage. Contrairement à la France, le juge constitutionnel se limite à écarter la norme contraire à la constitution, il ne l’annule pas.

En Allemagne, l’examen d’une question préjudicielle est toujours soumis à l’autorisation préalable de la cour constitutionnelle.

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La Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) et la protection des droits fondamentaux

Résumé du document.

Dans une décision du 08 juillet 2011 rendue au titre d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC), le Conseil constitutionnel a considéré comme inconstitutionnel le cumul des fonctions d'instruction et de jugement octroyé au juge pour enfants. Cette décision a été rendue au nom du principe d'impartialité des juridictions qui est un droit fondamental constitutionnellement protégé. Il ne s'agit que d'un des nombreux exemples de mise en oeuvre de la QPC pour protéger les droits fondamentaux. La QPC a été instaurée par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Selon la plaquette de présentation disponible sur le site du Conseil constitutionnel, « La QPC est le droit reconnu à toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit ». A partir de cette définition, il nous est donc possible de déduire que la QPC a instauré un contrôle a posteriori des lois. La QPC est censée protéger les « droits et libertés que la Constitution garantit », c'est-à-dire les droits fondamentaux. Ces derniers sont des droits qui peuvent être protégés, y compris contre le pouvoir législatif, par des normes constitutionnelles ou internationales et dont le non-respect peut être sanctionné par un juge. Si la QPC a été instaurée par la révision constitutionnelle de 2008, elle n'est en réalité entrée en vigueur que le 01 mars 2010. Il s'agit donc d'une nouvelle technique juridique sur laquelle nous manquons certainement de recul. De ce fait, même s'il parait évident que la QPC a été instaurée dans le but de renforcer la protection des droits fondamentaux des citoyens, il n'est pas inutile de se demander si sa mise en pratique a effectivement permis un tel renforcement de la protection. Le terme de Question prioritaire de constitutionnalité a été choisi par la France pour désigner un mécanisme de question préjudicielle permettant aux citoyens de contester la constitutionnalité d'une disposition législative. Cette appellation est spécifique à la France, ce qui explique que nous ne nous intéresserons pas, dans nos développements, aux systèmes étrangers similaires. La QPC a été insérée dans la Constitution aux articles 61-1 et 62. La loi organique du 10 décembre 2009 est venue préciser ses modalités d'application (...)

[...] Ainsi, en Europe, la Belgique, l'Espagne, l'Italie et l'Allemagne ont adopté ce contrôle a posteriori. Si l'Espagne et l'Italie n'ont pas mis en place de système de filtrage des questions comme il peut en exister un en France, la Belgique en a institué un (mais le juge constitutionnel ne fait qu'écarter la norme inconstitutionnelle, il ne l'annule pas) et l'Allemagne a subordonné la présentation d'une question préjudicielle à l'accord préalable de la Cour constitutionnelle allemande. L'instauration de la QPC a-t-elle permis une meilleure protection des droits fondamentaux des citoyens français ? [...]

[...] Dissertation : La QPC et la protection des droits fondamentaux. Dans une décision du 08 juillet 2011 rendue au titre d'une Question Prioritaire de Constitutionnalité le Conseil constitutionnel a considéré comme inconstitutionnel le cumul des fonctions d'instruction et de jugement octroyé au juge pour enfants. Cette décision a été rendue au nom du principe d'impartialité des juridictions qui est un droit fondamental constitutionnellement protégé. Il ne s'agit que d'un des nombreux exemples de mise en œuvre de la QPC pour protéger les droits fondamentaux. [...]

[...] Il est ressorti de ces études que 539 QPC avaient été soulevées devant les juridictions judiciaires et 890 devant les juridictions administratives. Sur toutes ces QPC posées, seules 122 ont été renvoyées devant le Conseil constitutionnel par la Cour de cassation et 60 par le Conseil d'Etat. Ainsi, rien que pour l'année décisions ont été rendues par le Conseil constitutionnel au titre de la QPC. Parmi toutes ces décisions, un peu plus de 30% ont fait l'objet d'une décision de non-conformité partielle ou totale. [...]

[...] Le terme de Question prioritaire de constitutionnalité a été choisi par la France pour désigner un mécanisme de question préjudicielle permettant aux citoyens de contester la constitutionnalité d'une disposition législative. Cette appellation est spécifique à la France, ce qui explique que nous ne nous intéresserons pas, dans nos développements, aux systèmes étrangers similaires. La QPC a été insérée dans la Constitution aux articles 61-1 et 62. La loi organique du 10 décembre 2009 est venue préciser ses modalités d'application. Le contrôle de constitutionnalité a priori a été mis en place par la Constitution du 04 octobre 1958. [...]

[...] En cela, le contrôle de constitutionnalité mis en place par la QPC est plus efficace que le contrôle de conventionalité du juge ordinaire. En effet, ce contrôle n'a qu'un effet inter partes et chaque justiciable auquel l'inconventionalité d'un texte est susceptible de s'appliquer doit la demander. Bien qu'améliorant la protection des droits fondamentaux des citoyens, la QPC a tout de même soulevé un certain nombre de questions et de craintes dans le milieu juridique. II. La QPC : une procédure améliorant la protection des droits fondamentaux mais suscitant des craintes. [...]

  • Nombre de pages 5 pages
  • Langue français
  • Format .doc
  • Date de publication 07/12/2011
  • Consulté 267 fois
  • Date de mise à jour 07/12/2011

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La QPC, une révolution dans le paysage juridictionnel

Jean-Baptiste Jacquin

Si elle a transformé le rôle du Conseil constitutionnel en une décennie, la question prioritaire de constitutionnalité, puissant accélérateur de réaction législative, reste néanmoins une affaire de spécialistes.

Publié le 25 novembre 2020 à 12h00 Temps de Lecture 3 min.

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L a question prioritaire de constitutionnalité (QPC) s’est imposée dans le paysage juridictionnel en moins de dix ans. Le volontarisme de Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel jusqu’en 2016, qui a parcouru les barreaux du pays pour faire la pédagogie et la publicité de ces audiences publiques désormais filmées et diffusées en direct sur Internet, a contribué à ce succès.

Son successeur, Laurent Fabius, qui rêve de rebaptiser la QPC en « question citoyenne », a instauré pour sa part des audiences foraines dans des cours d’appel et des cours administratives d’appel en province pour rapprocher l’institution du justiciable. La QPC reste néanmoins une affaire de spécialistes, avec une soixantaine de décisions par an.

C’est avant tout à l’efficacité redoutable de la procédure que l’innovation introduite par la révision constitutionnelle de 2008 doit sa prospérité.

« La plus-value d’une QPC, lorsqu’elle aboutit, réside dans l’énergie et l’efficacité de la mesure qui en découle, c’est-à-dire l’abrogation d’une disposition législative jugée non conforme à la Constitution, estime Patrick Wachsmann, professeur de droit public à l’université de Strasbourg. Sur le fond, le Conseil constitutionnel a souvent transféré dans son analyse les solutions jurisprudentielles élaborées par la Cour européenne des droits de l’homme. »

En 2010, au sujet de la garde à vue, comme en 2020, au sujet des conditions de détention, la loi française avait été jugée contraire à la Convention européenne des droits de l’homme par la Cour de Strasbourg, avant que le Conseil constitutionnel ne censure ces dispositions. Mais c’est cette censure qui contraint le législateur à voter en quelques mois une nouvelle loi. « La QPC est un accélérateur de réaction législative au moins autant qu’un facteur de nouveauté dans la soumission de la loi à la Constitution », résume Patrick Wachsmann.

Un véritable bouleversement

Le justiciable à l’origine de la QPC ne profite pourtant pas toujours de cette efficacité. Une censure totale ou partielle de la disposition contestée, ce qui s’est produit dans 30 % des cas, n’apporte parfois aucun bénéfice à l’auteur de la question. Le Conseil peut décider de différer dans le temps l’effet d’une abrogation pour éviter un vide juridique. Selon une étude commandée par le Conseil constitutionnel à une équipe de l’université de Toulouse-I-Capitole, ces « abrogations platoniques », sans effets concrets pour le justiciable à l’initiative du recours, sont insuffisamment motivées. Surtout, la jurisprudence relative à « l’effet utile » de ses décisions « manque de cohérence », notent les universitaires.

Des progrès sont donc à réaliser, mais la révolution a bel et bien eu lieu. Elle a transformé le rôle du Conseil constitutionnel. « Jusqu’en 2008, il était intégré dans la procédure parlementaire, en intervenant avant la promulgation d’une loi. Désormais, son intervention est enchâssée dans une procédure en cours devant les juridictions judiciaires ou administratives. Sa décision sur une QPC devient un moment de la production d’un jugement », explique Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, qui y voit un véritable « bouleversement » .

Le rôle central du secrétaire général

La Cour de cassation et le Conseil d’Etat s’y sont faits et ont, non sans réticences au début, laissé le Conseil constitutionnel prendre toute sa place dans ce processus. Pour Dominique Rousseau, ce contrôle de constitutionnalité vient contrebalancer « le pouvoir exécutif puisque c’est lui qui a l’essentiel de l’initiative des lois face à un Parlement affaibli par la V e  République » .

Reste le débat sur la composition de ce cénacle érigé en cours constitutionnelle. Pas besoin d’être un juriste reconnu pour y être nommé. Aux côtés des magistrats ou universitaires qui y ont siégé figurent nombre d’anciens ministres ou premiers ministres, laissant au secrétaire général, toujours un éminent juriste issu du Conseil d’Etat, un rôle central derrière lequel certains soupçonnent une influence. « L’organe devrait désormais être mis à la hauteur de la fonction », estime Dominique Rousseau.

Cet article est réalisé dans le cadre d’un partenariat avec le Conseil constitutionnel, à l’occasion des dix ans de la question prioritaire de constitutionnalité.

Le 26 novembre, à 9 heures, le Conseil constitutionnel diffuse l’émission en ligne « QPC 2020. Dix ans de questions citoyennes », animée par les journalistes Caroline Blaes et Ali Baddou.

Cet événement pédagogique à l’attention du grand public démarre avec un mot de l’actuel président du Conseil constitutionnel, Laurent Fabius. L’émission est ensuite construite autour de trois temps forts. D’abord, un état des lieux de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) aujourd’hui : en quoi consiste-t-elle, quel est son bilan, quels sont les bénéfices pour les citoyens et quelles sont ses limites ? L’émission retrace ensuite l’historique de la QPC : sa genèse, les freins et les réticences jusqu’à sa création, avec un témoignage de Robert Badinter. Le programme pose aussi la question de l’avenir de cette mesure : quelles sont les pistes d’évolution de la QPC ? Son périmètre d’application peut-il s’étendre ? Quelle formation pour les magistrats et les avocats ?

A découvrir également, un focus sur plusieurs cas emblématiques de la QPC, de la présence de l’avocat en garde à vue aux mesures de lutte contre le terrorisme.

Avec Emmanuel Macron, Eric Dupond-Moretti, Robert Spano, Bruno Lasserre, Chantal Arens, François Molins, Philippe Bas, Yaël Braun-Pivet, Louis Boré, Arnaud de Chaisemartin, Céline Cooper, Christian Behrendt, Anne Levade, Mathieu Disant.

Pour suivre l’émission le 26 novembre, puis en replay, rendez-vous sur qpc2020.conseil-constitutionnel.fr et sur lcp.fr

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Conseil constitutionnel

  • Commentaire QPC
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  • Droit de l'environnement
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  • procédure consultative

Commentaire de la décision 2021-971 QPC

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 décembre 2021 par le Conseil d'État (décision n os  456524, 456525, 456528 et 456529 du 3 décembre 2021) d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par l'association France nature environnement portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des articles L. 142-7, L. 142-8 et L. 142-9 du code minier ainsi que de la seconde phrase de l'article L. 144-4 du même code, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2011-91 du 20 janvier 2011 portant codification de la partie législative du code minier.

Dans sa décision n° 2021-971 QPC du 18 février 2022, le Conseil constitutionnel a déclaré la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier contraire à la Constitution jusqu'à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. Il a, en revanche, sous une réserve d'interprétation, déclaré cette disposition conforme à la Constitution à compter de cette même date.

I. – Les dispositions contestées

A. – Historique et objet des dispositions contestées

1. – Le régime des concessions minières perpétuelles

* Le droit minier se caractérise par un régime de concession : en raison de leur rareté et de leur valeur économique particulière, les mines sont « distraites de la propriété du sol dès leur découverte » 1 . Ce régime déroge ainsi au principe selon lequel « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous » 2 , sur lequel il fait primer l'exploitation effective des ressources minières.

À cette fin, la loi impériale du 21 avril 1810 3 , revenant sur un régime qui accordait aux propriétaires le droit d'exploiter eux-mêmes leurs sous-sols, confère «  au concessionnaire la propriété perpétuelle de la mine et des servitudes grevant les terrains afin de lui permettre d'effectuer les travaux nécessaires à l'exploitation de sa mine » 4 .

Cette propriété perpétuelle 5 , particulièrement favorable aux exploitants, va influer durablement sur les règles applicables aux concessions minières.

Ainsi, alors que la loi du 9 septembre 1919 6 abolissait les concessions perpétuelles, en prévoyant que les concessions minières sont accordées pour une durée comprise entre cinquante et quatre-vingt-dix-neuf ans selon les gisements, le législateur les a rétablies, lors de l'adoption, en 1956, du code minier, pour toutes les concessions, à l'exception notable de celles portant sur des hydrocarbures liquides ou gazeux dont la durée est demeurée limitée à cinquante ans 7 .

En 1977, il a supprimé définitivement la possibilité pour l'État d'accorder de nouvelles concessions pour une durée illimitée 8  : la durée initiale d'une nouvelle concession a ainsi été limitée à cinquante ans, renouvelable par période de vingt-cinq ans. Toutefois, une exception à l'application de ces règles a été prévue pour les concessions existant à la date de publication de la loi, dont le caractère perpétuel n'a ainsi pas été remis en cause.

Ce n'est qu'avec la loi du 15 juillet 1994 9 que le législateur a fixé le terme définitif des concessions perpétuelles. Selon l'exposé des motifs du projet de loi à l'origine de ces dispositions, il s'agissait de « régler le problème des concessions de mines de durée éternelle qui, lorsqu'elles ne sont pas exploitées, stérilisent une partie du domaine minier français et gênent donc la recherche minière » .

L'article 29 du code minier, dans sa rédaction résultant de cette loi, disposait ainsi que « Les concessions de mines instituées pour une durée illimitée expireront le 31 décembre 2018 » 10 . Toutefois, il prévoyait également un régime dérogatoire de prolongation « de droit » de ces concessions à la condition que les gisements soient toujours exploités à cette même date.

Au regard des travaux préparatoires et de la lettre de cet article, l'objectif poursuivi par le législateur était d'assurer l'exploitation continue des ressources minières, en permettant aux exploitants historiques de conserver leur concession à cette condition.

2. – Les conditions de prolongation des anciennes concessions perpétuelles (les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel)

* À la suite de la codification de la partie législative du code minier par l'ordonnance du 20 janvier 2011, une partie des dispositions de l'article 29 du code minier a été reprise aux articles L. 142-7 (durée de la prolongation) et L. 144-4 du même code (date d'expiration des concessions accordées à titre perpétuel).

L'article L. 144-4 prévoit ainsi que les concessions perpétuelles expirent le 31 décembre 2018. Sa seconde phrase précise que la prolongation de ces concessions correspondant à des gisements exploités à cette date est accordée de droit dans certaines conditions.

Ces conditions sont définies aux articles L. 142-7 à L. 142-9 du code minier : la concession minière peut ainsi faire l'objet de prolongations successives ne pouvant excéder chacune une durée maximale de vingt–cinq ans (article L. 142-7), accordées par décret en Conseil d'État (article L. 142-8 11 ). En outre, le titulaire de la concession reste seul autorisé à poursuivre les travaux d'exploitation si, à la date du terme de la concession, il n'a pas encore été statué sur sa demande de prolongation (article L. 142-9 12 ).

En application de ces dispositions, les exploitants des anciennes concessions minières perpétuelles ont ainsi pu solliciter la prolongation de leur exploitation avant l'échéance du 31 décembre 2018.

* La question de la nature des obligations auxquelles ces exploitants devaient satisfaire dans le cadre de ce régime dérogatoire prévoyant une prolongation « de droit » de la concession s'est alors posée et, en particulier, celle de savoir si, pour se prononcer sur une demande de prolongation, l'administration pouvait prendre en compte ses effets sur l'environnement.

Saisi de décisions par lesquelles l'administration avait refusé de faire droit à des demandes de prolongation, la cour administrative d'appel de Bordeaux a pu ainsi juger que : « l'impact direct de l'exploitation sur les intérêts [environnementaux] ne peut être opposé à une demande de prolongation de la concession d'une mine, laquelle ne permet la réalisation d'aucun travaux miniers lesquels […] doivent faire l'objet d'une autorisation de travaux miniers, la société devant seulement établir au stade du renouvellement de la concession, ses capacités techniques et financières à poursuivre l'exploitation et, par le biais de la notice d'impact à prendre en compte les intérêts notamment environnementaux mentionnés à l'article L. 161-1 du code minier » 13 .

* Plusieurs travaux parlementaires ont également fait le constat que les dispositions du code minier relatives à la prolongation des anciennes concessions minières perpétuelles ne permettaient pas à l'administration de refuser une telle demande pour un motif environnemental.

Ainsi, dans le cadre d'un rapport d'information sur la réforme du code minier, M. Jean-Paul Chanteguet soulignait qu' « il est regrettable que le code encadrant des activités qui ont toujours, par nature, un impact sur l'environnement, les écosystèmes, les paysages, voire les populations avoisinantes n'affiche pas plus clairement la volonté de trouver un nouvel équilibre entre des nécessités économiques bien comprises et les intérêts écologiques et territoriaux. Et il n'est pas optimal que la loi ne prévoie leur prise en compte réelle qu'à l'étape ultérieure de l'autorisation des travaux miniers   » . Il constatait ainsi que « Le fait est que la législation actuelle n'impose pas le plein examen des impacts environnementaux au stade de l'instruction des titres ; il disparaît même complètement au moment où est envisagée leur prolongation alors que plusieurs années, voire plusieurs décennies ont pu s'écouler. Les dispositions réglementaires prévoient certes que le dossier de demande présente, outre un mémoire technique et le programme des travaux envisagés pour l'exploration ou le descriptif des travaux d'exploitation, une "notice d'impact environnemental indiquant les incidences éventuelles des travaux projetés sur l'environnement et les conditions dans lesquelles l'opération projetée prend en compte les préoccupations d'environnement" (articles 17 et 24 du décret n° 2006–648). Ces documents sont soumis aux services publics intéressés et au public consulté par voie électronique et constituent la base du dossier de l'enquête publique menée dans le cadre de l'instruction des demandes de concession. Mais, en-dehors des stockages souterrains, ces dispositions n'expriment aucune exigence précise sur cette notice d'impact environnemental » 14 .

3. – Les modifications introduites par la loi du 22 août 2021

La loi du 22 août 2021 15 a apporté plusieurs modifications au régime de prolongation des concessions visant à soumettre l'autorisation d'exploiter une concession minière à la prise en compte effective des effets de cette activité sur l'environnement.

* À cette fin, un nouvel article L. 114-1 a été introduit dans le code minier afin de prévoir que « L'octroi, l'extension et la prolongation d'un permis exclusif de recherches ou d'une concession sont précédés d'une analyse environnementale, économique et sociale » , dont le contenu est précisé à l'article L. 114-2-1 nouveau 16 .

L'entrée en vigueur de cette disposition a toutefois été différée à la date d'entrée en vigueur du décret en Conseil d'État devant être pris pour son application, et au plus tard au 1 er janvier 2024.

* Deux autres dispositions ont notamment été introduites :

– le paragraphe II de l'article L. 114-3 nouveau du code minier prévoit ainsi que « La demande d'octroi, d'extension ou de prolongation d'un permis exclusif de recherches ou d'une concession est refusée si l'autorité compétente émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder aux recherches ou à l'exploitation du type de gisement mentionné sans porter une atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 161–1 » . Dans cette hypothèse, l'administration doit inviter le demandeur à présenter ses observations et, le cas échéant, à modifier sa demande. En cas de maintien du refus, l'administration doit motiver sa décision ;

– le paragraphe III du même article prévoit qu'un cahier des charges précisant les conditions spécifiques à respecter par l'exploitant peut être annexé à l'acte octroyant le titre minier. Ce cahier des charges peut notamment, si la protection de l'environnement le justifie, interdire le recours à certaines techniques de recherche ou d'exploitation sur tout ou partie du périmètre du titre.

Ces deux dispositions sont applicables aux demandes d'octroi, d'extension ou de prolongation de concession en cours d'instruction à la date de promulgation de la loi, ainsi qu'à celles déposées après cette date 17 .

À leur propos, la ministre chargée de l'environnement soulignait, en séance publique, que « La réforme du code minier a pour but d'intégrer la dimension environnementale dans toutes les étapes d'un projet minier, de la phase de recherche jusqu'à la délivrance des autorisations de travaux. Les amendements permettront également de refuser un titre minier sur la base d'un motif environnemental. De plus, ils visent à permettre l'application de ces dispositions à tous les titres en cours d'instruction, et à soumettre les décisions minières au plein contentieux. Autant dire qu'ils nous aideront pour des projets comme celui de la Montagne d'or » 18 .

B. – Origine de la QPC et question posée

En Guyane, plusieurs concessions minières avaient été initialement accordées pour une durée illimitée. Parmi celles-ci, la société Compagnie minière de Boulanger (CMB) en détenait quatre. Pour poursuivre l'exploitation de ces concessions après la date du 31 décembre 2018, la société CMB avait sollicité leur prolongation auprès de l'administration, qui avait fait droit à sa demande par quatre décrets du 7 juin 2021.

L'association France nature environnement (FNE) avait alors saisi le Conseil d'État de requêtes tendant à l'annulation de ces décrets. À cette occasion, elle avait posé des QPC relatives, d'une part, au premier alinéa du paragraphe I de l'article L. 123–19-2 du code de l'environnement et, d'autre part, aux articles L. 142-7, L. 142-8, L. 142-9 et L. 144–4 du code minier.

* Dans sa décision précitée du 3 décembre 2021, le Conseil d'État avait d'abord considéré que si les dispositions de l'article L. 123-19-2 contestées par l'association requérante faisaient obstacle à l'application du principe de participation du public en cas de prorogation d'une décision administrative individuelle ayant une incidence sur l'environnement, elles n'étaient pas applicables au litige. En effet, il avait estimé que « Eu égard à son objet et à ses effets, la décision par laquelle l'autorité administrative accorde la prolongation d'une concession ne peut être regardée comme une simple prorogation de la décision accordant la concession initiale au sens de l'article L. 123-19-2 du code de l'environnement » . Par conséquent, au regard de « ses incidences directes et significatives sur l'environnement » et en l'absence de disposition spécifique pour assurer cette participation du public, il avait jugé que « la prolongation d'une concession minière, y compris lorsqu'elle est de droit en application de l'article L. 144-4 du code minier, doit être soumise à une procédure préalable de participation du public dans les conditions définies par cet article [L. 123-19-2]  » .

Il avait donc refusé de renvoyer au Conseil constitutionnel la QPC portant sur ces dispositions.

* En revanche, après avoir considéré que la seconde phrase de l'article L. 144–4 du code minier et les articles L. 142-7 à L. 142-9 du même code étaient applicables au litige, le Conseil d'État avait jugé que « Le moyen tiré de ce que ces dispositions, qui prévoient qu'une concession de mines initialement instituée pour une durée illimitée est prolongée de droit à la seule condition que les gisements sur lesquels elles portent soient encore exploités, portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment aux articles 1 er , 2 et 3 de la Charte de l'environnement, soulève une question présentant un caractère sérieux » . Il avait donc renvoyé au Conseil constitutionnel la QPC portant sur ces dispositions.

II. – L'examen de la constitutionnalité des dispositions contestées

L'association requérante, rejointe l'une des parties intervenantes, soutenait que ces dispositions permettaient la prolongation des anciennes concessions minières perpétuelles sans que l'autorité administrative n'ait à prendre en compte les effets sur l'environnement d'une telle décision. Selon elle, il en résultait une méconnaissance des exigences découlant des articles 1 er , 2 et 3 de la Charte de l'environnement.

Elle estimait, en outre, qu'un tel régime de prolongation des concessions minières privait d'effet utile la participation du public à l'élaboration de cette décision, en méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement.

Elle reprochait enfin à ces dispositions d'instituer une différence de traitement injustifiée entre les exploitants de concessions minières puisque seuls ceux qui exploitent une ancienne concession perpétuelle bénéficient de ce régime de prolongation.

Au vu des griefs soulevés par l'association requérante, qui portaient uniquement sur l'absence de prise en compte des effets sur l'environnement lors de l'examen par l'administration des demandes de prolongation des concessions minières, le Conseil constitutionnel a jugé que la QPC portait sur la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier (paragr. 8).

A. – La jurisprudence relative aux articles 1 er et 3 de la Charte de l'environnement

* L'article 1 er de la Charte reconnaît le droit de chacun « de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé » . Son article 3, dispose que « Toute personne doit, dans les conditions définies par la loi, prévenir les atteintes qu'elle est susceptible de porter à l'environnement ou, à défaut, en limiter les conséquences » .

Le Conseil a admis l'invocabilité à l'appui d'une QPC de ces articles dans la décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011 19 .

Dans sa décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, il a déduit de la combinaison de ces deux articles, « qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions » 20 et a rappelé que son contrôle était limité, en la matière  en jugeant : « que le Conseil constitutionnel ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement ; qu'il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les moyens par lesquels le législateur entend mettre en œuvre le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ainsi que le principe de prévention des atteintes à l'environnement » 21 .

Le commentaire de la décision en concluait : « le Conseil constitutionnel a confirmé que les articles 1 er et 3 de la Charte sont invocables ensemble à l'appui d'une QPC mais qu'il n'exerce qu'un contrôle de la dénaturation de ces exigences alors qu'est vaste la compétence du législateur pour définir les modalités selon lesquelles la protection de l'environnement doit être assurée   ».

* Sur le fondement de cette combinaison, le Conseil s'est prononcé, dans cette même décision du 23 novembre 2012, sur des dispositions qui soumettaient à autorisation l'installation de bâches et des dispositifs publicitaires liés à des manifestations temporaires ainsi que l'installation de dispositifs de publicité lumineuse.

D'une part, il a écarté comme inopérants des griefs tirés de la méconnaissance des articles 1 er et 3 de la Charte dirigés contre les dispositions relatives aux bâches et dispositifs publicitaires au motif, implicite, que ces dispositions n'avaient pas d'incidence sur l'environnement 22 .

D'autre part, il a admis le caractère opérant de ces griefs s'agissant de l'instauration du régime d'autorisation des dispositifs publicitaires lumineux. Sur le fond, il l'a toutefois écarté au motif que les dispositions législatives renvoyaient à un décret en Conseil d'État le soin de fixer les prescriptions générales relatives à l'installation et à l'entretien des enseignes en fonction des procédés utilisés, de la nature des activités ainsi que des caractéristiques des immeubles où ces activités s'exercent et du caractère des lieux où ces immeubles sont situés 23 .

* Pour effectuer son contrôle, le Conseil constitutionnel apprécie les garanties apportées par le législateur pour prendre en compte l'atteinte à l'environnement qui pourrait résulter des dispositions mises en cause.

Dans sa décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, le Conseil a examiné, sur le seul fondement de l'article 1 er de la Charte, des dispositions permettant que soient autorisées, d'une part, des constructions et installations dans la zone littorale autrement qu'en continuité avec des agglomérations ou de villages existants et, d'autre part, des aménagements légers dans les espaces remarquables ou caractéristiques et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Ce n'est qu'après avoir énuméré un ensemble de conditions et garanties résultant notamment du caractère limité de ces autorisations et de leur soumission à l'avis d'organismes examinant leur impact sur l'environnement que le Conseil a jugé que ces dispositions ne méconnaissaient pas l'article 1 er de la Charte 24 .

Dans sa décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, le Conseil était saisi de dispositions permettant de déroger aux prescriptions applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement portant notamment sur les mesures propres à prévenir et réduire les risques d'accident ou de pollution de toute nature ainsi que les conditions d'insertion dans l'environnement de l'installation et de remise en état du site après arrêt de l'exploitation.

Il a tout d'abord rappelé la norme de contrôle dégagée par la décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012 précitée selon laquelle, en application des articles 1 er et 3 de la Charte, «  Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ».

Puis, il a écarté le grief tiré de la méconnaissance de ces articles au motif que les dispositions contestées prévoyaient la possibilité de faire obstacle à cette dérogation pour des raisons de sécurité, de santé ou de salubrité publiques ou de respect des engagements internationaux de la France ; qu'elles avaient pour objet d'éviter que de nouvelles prescriptions aient des conséquences disproportionnées sur des installations déjà existantes ou des projets d'installations ayant fait l'objet d'une demande d'instruction complète ; que la demande d'autorisation devait respecter les conditions de forme prévue par le code de l'environnement ; qu'enfin, ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que le préfet prenne, en cas de besoin, des prescriptions particulières complétant ou renforçant les règles et prescriptions générales fixées par arrêté ministériel 25 .

Plus récemment, dans sa décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, le Conseil constitutionnel était saisi des dispositions qui créaient, pour la culture des betteraves sucrières, une dérogation à l'interdiction de mise sur le marché d'insecticides, alors qu'il était établi que ces produits ont des incidences sur la biodiversité ainsi que des conséquences sur la qualité de l'eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine. Pour ce motif, les requérants invoquaient la méconnaissance d'un principe de non-régression en matière environnementale qu'ils déduisaient de l'article 2 de la Charte. Si le Conseil n'a pas reconnu l'existence de ce principe, il a en revanche renforcé les modalités de son contrôle du respect de l'article 1 er de la Charte.

Il a ainsi jugé que « S'il est loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions, il doit prendre en compte, notamment, le devoir de prendre part à la préservation et à l'amélioration de l'environnement mentionné à l'article 2 de la Charte de l'environnement et ne saurait priver de garanties légales le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé consacré par l'article 1 er de la Charte de l'environnement. / Les limitations portées par le législateur à l'exercice de ce droit ne sauraient être que liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par un motif d'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi » 26 .

B. – L'application à l'espèce

* S'inscrivant dans le prolongement de ses décisions n° 2012–282 QPC et n° 2020–807 DC précitées, le Conseil a d'abord rappelé la norme de contrôle dégagée de la combinaison des articles 1 er et 3 de la Charte de l'environnement, selon laquelle « Il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés par cet article, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions » (paragr. 9).

Il s'est ensuite assuré du caractère opérant de ces exigences constitutionnelles au regard de l'objet des dispositions contestées.

À cet égard, le Conseil a écarté l'argumentation tendant à soutenir que ces dispositions ne pouvaient, en elles–mêmes, méconnaître les articles 1 er et 3 de la Charte puisqu'elles n'avaient pour objet que de conférer au titulaire de la concession le droit de réaliser des travaux miniers qui, seuls, affectent l'environnement et sont soumis à une procédure qui permet de prendre en compte suffisamment ces enjeux.

Après avoir rappelé l'objet des dispositions contestées, le Conseil constitutionnel a jugé que « la décision de prolongation d'une concession minière détermine notamment le cadre général et le périmètre des travaux miniers. Au regard de son objet et de ses effets, elle est ainsi susceptible de porter atteinte à l'environnement » (paragr. 10 et 11). Il revenait donc bien au Conseil constitutionnel de s'assurer que les dispositions contestées permettent la prise en compte des conséquences sur l'environnement d'une telle prolongation.

* Au regard de l'évolution de l'environnement normatif depuis l'adoption de la disposition contestée, le Conseil constitutionnel a distingué deux périodes : la première prenant en compte l'état du droit avant l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021 précitée, et la seconde, l'état du droit issu de cette loi dont certaines dispositions avaient pour objet d'encadrer plus strictement la prolongation des concessions minières 27 .

- S'agissant de la première période, le Conseil a constaté que « les dispositions contestées ne soumettaient la prolongation de la concession à aucune autre condition que celle de l'exploitation du gisement au 31 décembre 2018. Ni ces dispositions ni aucune autre disposition législative ne prévoyaient que l'administration prenne en compte les conséquences environnementales d'une telle prolongation avant de se prononcer » (paragr. 12).

Écartant l'argument selon lequel l'administration serait amenée à prendre en compte les intérêts environnementaux lors de l'instruction des demandes d'autorisation des travaux miniers, il a jugé, dans la ligne de la jurisprudence précédemment rappelée 28 , qu' « est indifférente la circonstance que certaines de ces conséquences pouvaient être, le cas échéant, prises en considération ultérieurement à l'occasion des autorisations de recherches et de travaux devant se dérouler sur le périmètre de la concession » (même paragr.).

De ces éléments, il a déduit que « le législateur a méconnu, pendant cette période, les articles 1 er et 3 de la Charte de l'environnement » (paragr. 13).

- S'agissant de la seconde période, le Conseil a d'abord rappelé les mesures introduites par la loi du 22 août 2021 précitée pour assurer la prise en compte par la décision de l'administration des éventuelles conséquences sur l'environnement de la prolongation d'une concession minière.

Il a ainsi constaté, d'une part, qu'en application du paragraphe II du nouvel article L. 114-3 du code minier, l'administration peut désormais refuser une demande de prolongation d'une concession minière si elle émet un doute sérieux sur la possibilité de procéder à l'exploitation du gisement sans porter une atteinte grave aux intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 du même code. Il a relevé, d'autre part, que l'administration peut, conformément au paragraphe III du même article L. 114-3, imposer à l'exploitant de respecter un cahier des charges, annexé à l'acte octroyant le titre minier, pouvant notamment prévoir l'interdiction de certaines techniques de recherche ou d'exploitation (paragr. 14).

Ainsi, le Conseil a jugé que « depuis l'entrée en vigueur de cette loi [du 22 août 2021], le fait que les dispositions contestées prévoient que la prolongation des anciennes concessions perpétuelles est de droit ne saurait être interprété comme faisant obstacle à la prise en compte des conséquences sur l'environnement de la décision de prolongation de ces concessions » (paragr. 15).

Par conséquent, il a considéré qu'à compter de cette date, et sous cette réserve, les dispositions contestées ne méconnaissent plus les exigences résultant des articles 1 er et 3 de la Charte de l'environnement (paragr.16).

Le Conseil a donc déclaré la seconde phrase de l'article L. 144-4 du code minier contraire à la Constitution jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, puis, sous la réserve énoncée, conforme à la Constitution (paragr. 17).

* Enfin, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur les effets de cette déclaration d'inconstitutionnalité.

D'une part, les dispositions contestées étant devenues conformes à la Constitution depuis l'entrée en vigueur de la loi du 22 août 2021, il n'y avait pas lieu prononcer leur abrogation (paragr. 19).

D'autre part, le Conseil a jugé que la déclaration d'inconstitutionnalité était « applicable aux instances introduites à cette date et non jugées définitivement » (paragr. 20).

_______________________________________

1 JCl. Civil Annexes , V° Mines, Fasc. 40 : droit minier, paragr. 2. Selon l'article L. 100-1 du code minier, les mines sont définies au regard des substances qu'elles renferment : « L'assujettissement d'un gîte contenant des substances minérales ou fossiles soit au régime légal des mines, soit à celui des carrières est déterminé par la seule nature des substances qu'il contient, sous réserve de dispositions contraires prévues par le présent code » .

2 Article 552 du code civil. Au contraire, les carrières, considérées comme renfermant des substances moins valorisables demeurent soumises au régime de la propriété du sol.

3 Loi du 21 avril 1810 concernant les mines, les minières et les carrières.

4 JCl. précité, paragr. 9.

5 Conformément à l'article 19 de la loi du 21 avril 1810 précitée, la propriété découlant de la concession « sera distinguée de celle de la surface, et désormais considérée comme propriété nouvelle » .

6 Loi du 9 septembre 1919 modifiant la loi du 21 avril 1810 sur les mines.

7 Article 29 du code minier, dans sa rédaction issue du décret n° 56-838 du 16 août 1956 portant code minier.

8  Loi n° 77-620 du 16 juin 1977 complétant et modifiant le code minier.

9  Loi n° 94-588 du 15 juillet 1994 modifiant certaines dispositions du code minier et l'article L. 711-12 du code du travail.

10 Soit près de vingt-cinq ans après l'entrée en vigueur de la loi, correspondant à la durée de droit commun des prolongations de concessions.

11 L'article L. 142-8 du code minier reprend une règle prévue auparavant au premier alinéa de l'article 49 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrain.

12 L'article L. 142-9 du code minier reprend une règle prévue auparavant au troisième alinéa de l'article 49 du décret du 2 juin 2006 précité.

13 CAA Bordeaux, 16 juillet 2021, n os  21BX00294 et 21BX00716. La cour précise ainsi que « dès lors que la prolongation d'une concession n'a pas pour effet d'autoriser la réalisation du programme des travaux prévus et qu'une étude d'impact et une étude de dangers ne sont exigées qu'au stade de la délivrance de l'autorisation d'ouverture des travaux miniers, l'impact direct des travaux d'exploitation sur les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 ne peut être opposé, au regard des dispositions en vigueur du code minier, que dans le cadre de l'instruction de cette demande d'autorisation de travaux distincte de l'autorisation de prolongation de la concession »

14 Rapport d'information n° 4382 (Assemblée nationale – XIV e législature) de M. Jean-Paul Chanteguet sur la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement, fait au nom de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, déposé le 18 janvier 2017.

15 Loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

16 Cet article précise que l'analyse prend la forme d'un mémoire environnemental, économique et social pour les recherches minières ou d'une étude de faisabilité pour l'exploitation. Elle doit notamment permettre à l'autorité compétente de définir les conditions auxquelles l'activité de recherches ou d'exploitation devra être soumise. Par cohérence, l'abrogation de l'article L. 144-4, par voie d'ordonnance, est prévue par l'article 81 de la loi du 22 août 2021.

17 En application de l'avant dernier alinéa du paragraphe II de l'article 67 de la loi du 22 août 2021.

18 Compte-rendu des débats de la première séance publique du 9 avril 2021, Assemblée nationale.

19 Décision n° 2011-116 QPC du 8 avril 2011, M. Michel Z. et autre (Troubles du voisinage et environnement) .

20 Décision n° 2012-282 QPC du 23 novembre 2012, Association France Nature Environnement et autre (Autorisation d'installation de bâches publicitaires et autres dispositifs de publicité) , cons. 7

21 Ibid ., cons. 8

22  Décision n° 2012-282 QPC précitée, cons. 9. Dans le même sens, le Conseil a jugé que des dispositions permettant d'arracher des arbres plantés en méconnaissance de servitudes légales, eu égard à leur objet et à leur portée, étaient « insusceptibles d'avoir des conséquences sur l'environnement » et que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 1 er de la Charte était inopérant : décision n° 2014-394 QPC du 7 mai 2014, Société Casuca (Plantations en limite de propriétés privées) , cons. 9. Il a jugé, de même, que le droit reconnu aux voitures de tourisme avec chauffeur d'exercer l'activité de transport public de personnes sur réservation préalable ne méconnaissait pas l'article 1 er de la Charte de l'environnement : décision n° 2014-422 QPC du 17 octobre 2014, Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-taxis (Voitures de tourisme avec chauffeurs) , cons. 13.

23 Décision n° 2012-282 QPC précitée, cons. 7 à 10.

24 Décision n° 2018-772 DC du 15 novembre 2018, Loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique , paragr. 7 à 31.

25 Décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, Loi d'accélération et de simplification de l'action publique , paragr. 8 à 15.

26 Décision n° 2020-809 DC du 10 décembre 2020, Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières , paragr. 13 et 14.

27 Pour d'autres cas de contrôle prenant en compte l'évolution de l'environnement normatif d'une même disposition, voir les décisions n° 2014-396 QPC du 23 mai 2014, France Hydro Électricité (Classement des cours d'eau au titre de la protection de l'eau et des milieux aquatiques)  ; n° 2016-595 QPC du 18 novembre 2016, Société Aprochim et autres (Conditions d'exercice de l'activité d'élimination des déchets)  ; n° 2017-692 QPC du 16 février 2018, Époux F. (Amende pour défaut de déclaration de comptes bancaires ouverts, utilisés ou clos à l'étranger III) et n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020, Force 5 (Autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité) .

28 Notamment, sa décision n° 2020-843 QPC du 28 mai 2020 précitée.

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Revue générale du droit

la qpc dissertation droit constitutionnel

B. L’apport fondamental de la QPC : l’accroissement des garanties dans la protection des droits et libertés

Citer : christophe de bernardinis , 'b. l’apport fondamental de la qpc : l’accroissement des garanties dans la protection des droits et libertés, ' : revue générale du droit on line , 2021, numéro 55519 (www.revuegeneraledudroit.eu/p=55519), 1. le développement du contrôle a priori à travers l’émergence de la qpc, a) une approche initiale différente dans les contrôles a priori et a posteriori, i) une différence d’appréciation dans la perception des contrôles.

622 • Le 1 er élément qui marque la spécificité des contrôles se trouve dans la façon de percevoir les décisions prises par le Conseil. L’appréciation effectuée dans le contrôle a priori est une appréciation abstraite en fonction d’un contexte constitutionnel figé sur un texte de loi qui n’a pas encore été appliqué alors que celle effectuée dans le contrôle a posteriori relève d’un contrôle concret visant une loi promulguée ou vivante qui est insérée dans un environnement factuel ou juridique. Les griefs invoqués ne sont pas les mêmes sur une loi déjà appliquée notamment si on tient compte des effets combinées avec d’autres dispositions déjà en vigueur. Par exemple, dans le cadre du contrôle a priori , le Conseil constitutionnel a eu l’occasion de se prononcer à plusieurs reprises sur l’âge de la retraite mais toujours sur de griefs tendant à contester le report de l’âge de la retraite au nom du droit au repos et de la protection sociale des « vieux travailleurs » . La QPC l’a amené, dans ce cadre, à examiner des griefs à front renversé de ceux qui lui ont été soumis dans le cadre du contrôle a priori , les requérants contestant alors le report de l’âge de la retraite dans l’optique opposé de la perte de son emploi et de son droit d’obtenir un emploi (Cf. CC, n°2010-98 DC, 4 février 2011, M. Jacques N. [Mise à la retraite d’office] , JO, 5 février 2011, p. 2355, Rec. CC, p. 108). Dans le même ordre d’esprit, il faut relever que l’environnement dans lequel est prise la décision du Conseil dans le cadre du contrôle a priori a toujours été très politisé amenant à des réactions partisanes et s’inscrivant dans la critique politique de l’opposition, le plus souvent auteur de la saisine. A l’inverse, et comme le note Julien Bonnet, «  le contrôle a posteriori amorce […] un phénomène de dépersonnalisation politique de la figure du législateur dans le contentieux constitutionnel  » (J. Bonnet, «  Les contrôles a priori et a posteriori  », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°40). La décision, ici, est davantage «  juridictionnalisée, désynchronisée du débat parlementaire  » et «  imputée à un législateur perpétuel et impersonnel et non à un législateur actuel et politique  » ( Ibid. ).

ii) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : des normes spécifiques au contrôle a priori parce que non inclus dans la notion de « droits et libertés »

623 • Le 2 nd trait principal de distinction concerne les normes de référence utilisées par le Conseil constitutionnel dans les deux contrôles . Celles-ci sont parfois communes : droits et libertés constitutionnels classiques, immixtion du législateur dans le domaine du pouvoir règlementaire ou encore la violation d’un engagement international qui ne saurait être regardé comme un grief d’inconstitutionnalité dans les deux contrôles . Pour autant, il existe de nombreuses normes spécifiques au contrôle a priori , tout particulièrement celles qui n’ont pas été inclus dans la notion des droits et libertés telle que consacrée par l’article 61-1 C° (Cf. J. Bonnet, «  Les contrôles a priori et a posteriori  », précité ; M. Guerrini, «  Les moyens périphériques aux droits et libertés que la Constitution garantit  »,www.droitconstitutionnel.org). On peut citer, à titre d’illustration et en tenant de l’ordre chronologique des décisions rendues, l’article 88 C° et l’exigence constitutionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires qui «  ne relève pas des « droits et libertés que la Constitution garantit » et ne saurait, par suite, être invoqué dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité  » ( CC, n°2010-605 DC, 13 mai 2010, Loi relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne , JO, 13 mai 2010, p.  8897, Rec. CC, p. 78, cons. n°19), le principe du consentement à l’impôt ( CC, n°2010-5 QPC, 18 juin 2010, SNC Kimberly Clark [Incompétence négative en matière fiscale] , JO, 19 juin 2010, p. 11149, Rec. CC, p. 114), l’article 75-1 C° et le fait que «  les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France  » ( CC, n°2011-131 QPC, 20 mai 2011, Mme Térésa C. et autre [Exception de vérité des faits diffamatoires de plus de dix ans] , JO, 20 mai 2011, p. 8890, Rec. CC, p. 244), l’article 6 de la Charte de l’environnement selon lequel «  les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable  » ( CC, n°2012-283 QPC, 23 novembre 2012, M. Antoine de M. [Classement et déclassement de sites] , JO, 24 novembre 2012, p. 18547, Rec. CC, p. 605), les dispositions de la loi organique relative aux lois de finances ( CC, n°2013-344 QPC, 27 septembre 2013, Société SCOR SE [Garantie de l’État à la caisse centrale de réassurance, pour les risques résultant de catastrophes naturelles] , JO, 1 er   octobre 2013, p. 16306, Rec. CC, p. 945), les 7 alinéas qui précèdent les articles de la Charte de l’environnement ( CC, n°2014-394 QPC, 7 mai 2014, Société Casuca [Plantations en limite de propriétés privées] , JO, 10 mai 2014, p. 7873, texte n° 78) ou encore l’article 1 er al. 1 er C° et le principe de parité ( CC, n°2015-465 QPC, 24 avril 2015, Conférence des présidents d’université [Composition de la formation restreinte du conseil académique] , JO, 26 avril 2015, p. 7355, texte n° 24).

iii) Une différence dans l’utilisation des normes de références : des normes entourant la procédure législative seulement invocables dans le contrôle a priori 

624 • Toujours dans le cas des normes seulement invocables dans le contrôle a priori, il faut citer le cas des normes qui entourent la procédure législative comme le principe de normativité de la loi ( CE, 18 juillet 2011, Fédération nationale des chasseurs , n o 340512  ; CC, n o 2004-500 DC, 29 juillet 2004, Loi organique relative à l’autonomie financière des collectivités territoriales , JO, 30 juillet 2004, p. 13562, Rec. CC, p. 116) ou les normes relatives à la mise en cause des cavaliers législatifs ( CC, n o 2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer] , JO, 23 juillet 2010, p. 13615, Rec. CC, p. 156) ; Voir, pour une étude dans le cadre du contrôle a priori  : D. Chamussy, « La procédure parlementaire et le Conseil constitutionnel », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38, p. 37). C’est aussi le cas des normes relatives à l’organisation territoriale de l’Etat comme celles qui touchent au caractère unitaire ( Cass., 2 ème civ., 12 octobre 2011, n o de pourvoi : 11-40064 ) ou décentralisé de l’Etat ( CE, 15 septembre 2010, Thalineau , req. n o 330734 ). Il faut aussi citer l’article 72-1 C° et la possibilité pour le législateur d’organiser une consultation des électeurs en cas de modification des limites d’une collectivité territoriale ( CC, n°2010-12 QPC, 2 juillet 2010, Commune de Dunkerque [Fusion de communes] , JO, 3 juillet 2010, p. 12121, Rec. CC, p. 134) ou encore l’article 72-2 C° et l’habilitation du législateur à prévoir des dispositifs de péréquation entre collectivités territoriales ( CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports] , JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248).

iv) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : une incompétence négative du législateur seulement invocable indirectement dans le contrôle a posteriori (1)

625 • Des normes constitutionnelles sont évoquées de manière directe dans le contrôle a priori mais simplement de manière indirecte dans le contrôle a posteriori . C’est, en premier lieu, l’hypothèse de l’incompétence négative du législateur et de la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence qui ne peut être invoqué à l’appui d’une QPC que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit (Cf. P. Rrapi, «  L’incompétence négative dans la QPC : de la double négation à la double incompréhension  », Nouveaux Cahiers du CC 2012, n°34 ; A. Le Pillouer, «  L’ incompétence négative des autorités administratives : retour sur une notion ambivalente  », RFDA 2009, p. 1203 ; J. Boucher, «  L’incompétence négative du législateur  », RFDA 2010, p. 704). Le Conseil exclu du champ de la QPC les normes qui ne s’adressent qu’au législateur et aux autorités publiques, les justiciables n’étant, à leur sujet, que les destinataires indirects. Il en est ainsi de la méconnaissance de la procédure d’adoption d’une loi ( CC, n°2010-4/17 QPC, 22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer], précité), l’empiètement sur le champ du règlement dès lors que l’intervention constitue une garantie supplémentaire pour le justiciable ( CE, 15 juillet 2010, Région Lorraine , req. n°340492 ), la méconnaissance par le législateur organique du champ de sa compétence ( CC, n°2012-241 QPC, 4 mai 2012, EURL David Ramirez [Mandat et discipline des juges consulaires] , JO, 5 mai 2012, p. 8016, Rec. CC, p. 236), les autorisations constitutionnelles d’habilitations législatives qui ne font qu’habiliter le législateur à intervenir dans un champ de compétence donné ( CC, n°2015-471 QPC, 29 mai 2015, Mme Nathalie K.-M. [Délibérations à scrutin secret du conseil municipal] , JO, 31 mai 2015, p. 9052, texte n°37).

v) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : une incompétence négative du législateur seulement invocable indirectement dans le contrôle a posteriori (2)

626 • L’incompétence négative de la loi doit affecter « par elle-même » les droits et libertés que la Constitution garantit , en cas contraire, le grief doit être écarté ( CC, n°2012-254 QPC, 18 juin 2012, Fédération de l’énergie et des mines – Force ouvrière FNEM FO [Régimes spéciaux de sécurité sociale] , JO, 19 juin 2012, p. 10179, Rec. CC, p. 292, cons. n°3). Le Conseil a déjà considéré que cette dernière pouvait affecter notamment : la libre administration des collectivités territoriales ( CC, n°2012-277 QPC, 5 octobre 2012, Syndicat des transports d’Île-de-France [Rémunération du transfert de matériels roulants de la Société du Grand Paris au Syndicat des transports d’Île-de-France] , JO, 6 octobre 2012, p. 15654, Rec. CC, p. 508) ; le droit au recours juridictionnel effectif ( CC, n°2012-298 QPC, 28 mars 2013, SARL Majestic Champagne [Taxe additionnelle à la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises – Modalités de recouvrement] , JO, 30 mars 2013, p. 5457, Rec. CC, p. 513); la liberté d’entreprendre ( CC, n°2013-336 QPC, 1 er août 2013, Société Natixis Asset Management [Participation des salariés aux résultats de l’entreprise dans les entreprises publiques] [Participation des salariés aux résultats de l’entreprise dans les entreprises publiques] , JO, 4 août 2013, p. 13317, Rec. CC, p. 918) ; le droit de propriété ( CC, n°2013-343 QPC, 27 septembre 2013, E poux L. [Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole] , JO, 1 er octobre 2013, p. 16305, Rec. CC, p. 942) ; la liberté de communication des pensées et des opinions ( CC, n°2013-364 QPC, 31 janvier 2014, Coopérative GIPHAR-SOGIPHAR et autre [Publicité en faveur des officines de pharmacie] , JO, 2 février 2014, p. 1991, texte n°45) ; la liberté individuelle, la liberté d’aller et venir et le respect de la vie privée ( CC, n°2013-367 QPC, 14 février 2014, Consorts L. [Prise en charge en unité pour malades difficiles des personnes hospitalisées sans leur consentement] , JO, 16 février 2014, p. 2726, texte n° 45) ou encore le principe de la participation du public (art. 7 Charte de l’environnement) ( CC, n°2014-395 QPC, 7 mai 2014, Fédération environnement durable et autres [Schéma régional du climat, de l’air et de l’énergie – Schéma régional éolien] , JO, 10 mai 2014, p. 7874, texte n°79).

vi) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : un principe de séparation des pouvoirs utilisé de façon analogue au principe d’incompétence négative du législateur

627 • Le juge constitutionnel a accepté d’examiner le grief dès lors qu’il était invoqué en tant qu’il en résultait une atteinte à la garantie des droits, elle-même invocable en QPC ( CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010, Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports] , JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248), en tant qu’il en résultait une atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif et au droit à un procès équitable, eux-mêmes invocables en QPC( CC, n°2011-192 QPC, 10 novembre 2011, Mme Ekaterina B., épouse D., et autres [Secret défense], JO, 11 novembre 2011, p. 19005, Rec. CC, p. 528) ou encore en tant qu’il en résultait une atteinte au respect des droits de la défense, lui-même invocable en QPC ( CC, n° 2015-524 QPC, 2 mars 2016, M. Abdel Manane M. K. [Gel administratif des avoirs] , JO, 4 mars 2016, texte n°121). Mais le Conseil a aussi rappelé que le principe n’est pas invocable quand sa méconnaissance n’affecte pas par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Tel est le cas si sont en cause les dispositions du 1 er alinéa de l’article 64 C° relative à l’indépendance de l’autorité judiciaire ( CC, n°2016-555 QPC, 22 juillet 2016, M. Karim B. [Subordination de la mise en mouvement de l’action publique en matière d’infractions fiscales à une plainte de l’administration] , JO, 24 juillet 2016, texte n°29).

vii) Une différence dans l’utilisation des normes de référence : le cas de certains objectifs à valeur constitutionnelle qui ne peuvent être invoqués à l’appui d’une QPC

628 • C’est le cas de certains objectifs de valeur constitutionnelle qui n’ont pas, par nature, vocation à être invoqués dans le cadre de la procédure de l’article 61-1 C° comme l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi ( CC, n°2010-4/17 QPC,22 juillet 2010, M. Alain C. et autre [Indemnité temporaire de retraite outre-mer] , précité) sauf lorsqu’il est combiné avec l’article 2 C° qui fait du français la langue de la République ( CC, n°2012-285 QPC, 30 novembre 2012, M. Christian S. [Obligation d’affiliation à une corporation d’artisans en Alsace-Moselle] , JO, 1 er   décembre 2012, p. 18908, Rec. CC, p. 636). C’est le cas aussi de l’objectif de bonne administration de la justice ( CC, n°2010-77 QPC, 10 décembre 2010, Mme Barta Z. [Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité] , JO, 11 décembre 2010, p. 21711, Rec. CC, p. 384), de l’objectif de sauvegarde de l’ordre public ( CC, n°2014-422 QPC, 17 octobre 2014, Chambre syndicale des cochers chauffeurs CGT-taxis [Voitures de tourisme avec chauffeurs] , JO, 19 octobre 2014, p. 17454, texte n°44) de l’objectif du bon usage des deniers publics ( CC, n°2014-434 QPC, 5 décembre 2014, Société de laboratoires de biologie médicale Bio Dômes Unilabs SELAS [Tarif des examens de biologie médicale] , JO, 7 décembre 2014, p. 20465, texte n°23) ou encore de l’objectif du droit à un logement décent ( CE, 23 mars 2016, M. A. B. contre commune de Colombs-en-Valois , req. n°392638 ).

b) La confusion entre la nature objective et subjective du contrôle a posteriori

I) l’avènement d’un contrôle concret et subjectif de la loi.

629 • Lorsque le dispositif de la QPC a été introduit en France, on a d’abord et surtout parlé de rupture avec le système antérieur amenant à assimiler le contrôle a posteriori à un contrôle nouveau, concret et subjectif du juge par opposition au contrôle a priori jusqu’alors pratiqué procédant plutôt d’un contrôle abstrait et objectif (Voir en ce sens : R. Nollez-Goldbach, « De l’affirmation du Conseil en cour constitutionnelle  », JCP 2011, G, n°26, p. 32 ; O. Pfersmann, « Le renvoi préjudiciel sur exception d’inconstitutionnalité : la nouvelle procédure de contrôle concret a posteriori », LPA 2008, 19 décembre, n°254, p. 103). Le contrôle exercé sur une loi appliquée étant nécessairement concret conformément aux doctrines italienne et allemande jusqu’à lors appliquées (Cf. C. Grewe, «  Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français  », Pouvoirs 2011, n°137, p. 143). Certains éléments tendent en effet vers une telle qualification. C’est une situation concrète qui est à l’origine de la QPC puisque cette dernière nait d’un litige pendant devant les juridictions ordinaires. La décision rendue porte le nom des parties et de leurs représentants , la QPC ne peut être relevé d’office par le juge ordinaire et demeure à la disposition des parties , ce n’est pas un moyen d’ordre public . A cela s’ajoute la juridictionnalisation de la procédure que ce soit à travers la possibilité, pour le Conseil, de prononcer des mesures d’instruction ou de prendre en compte les observations des parties . La concrétisation du contrôle peut également découler du fait qu’il porte sur une loi déjà appliquée et interprétée. Le Conseil apprécie, comme on a déjà pu le voir, les changements de circonstances susceptibles de permettre le réexamen d’une disposition législative. Par là même, il peut remettre en cause l’autorité de chose jugée d’une précédente décision de conformité en tenant compte simplement de circonstances de fait. De façon générale, le Conseil n’est pas cantonné à la seule appréciation de la disposition législative mais peut analyser les effets ou la portée effective de la disposition puisque le justiciable, comme déjà mentionné aussi, a le droit de contester l’interprétation jurisprudentielle constante d’une disposition législative ( Cf. Supra doctrine sur le droit vivant ). Beaucoup d’éléments témoignent aussi de la prise en compte du fait et de l’opportunité dans la procédure et les décisions QPC. Le Conseil prend ainsi garde à l’impact réel de ses décisions dans le paysage juridique . Il se réserve la possibilité de moduler les effets de sa décision et notamment de décider si l’abrogation prend effet immédiatement ou doit être différée ou reportée à une date ultérieure en prenant, par exemple, en compte les contraintes techniques ou matérielles qui s’imposent au législateur ou les objectifs particuliers poursuivis par ce dernier lorsqu’il adopte une loi. De même, le Conseil prend soin de donner un effet utile à la déclaration de non-conformité afin de permettre aux requérants et aux instances en cours de bénéficier des nouvelles dispositions.

ii) Le maintien d’un contrôle abstrait et objectif de la loi

630 • C’est d’abord le législateur organique, lui-même, qui a traduit cette volonté de maintenir une telle nature dans le contrôle a posteriori en rejetant la dénomination de « Cour constitutionnelle », en refusant l’accès direct au Conseil et en instaurant un filtrage des juges du fond ou encore en créant une procédure autonome pour la QPC . C’est toute la logique retenue pour le contrôle a priori qui est, en quelque sorte, ainsi transposée au contrôle a posteriori . La réforme de la QPC relève d’abord d’une logique d’objectivisation. Le Conseil ne devient pas une Cour suprême chapeautant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, il ne se prononce pas directement sur le cas d’espèce. Il traite d’une question de droit, de conformité de la loi à la Constitution. C’est en fonction de la réponse donnée que le juge compétent résout le litige après avoir sursis à statuer. Le contrôle mené par le Conseil est également totalement indépendant de celui des juges ordinaires. Grâce au filtrage des juges ordinaires, chacun des juges garde son domaine de compétence, un contrôle des données factuelles concret et singulier pour les juges ordinaires, un contrôle plus normatif, objectif et abstrait pour le Conseil. Ce n’est pas pour leur situation personnelle et subjective que les parties sont admises à agir devant le Conseil, mais pour les prétentions objectivesqu’elles font valoir ce que confirme la possibilité pour les juges ordinaires de ne pas transmettre de QPC qu’elles jugent dépourvues de moyens sérieux. Le Conseil effectue également un contrôle complet de la disposition législative en ce sens qu’elle sera réputée conforme à l’ensemble des normes constitutionnelles, et ne pourra donc plus, en principe, lui être déférée. A noter enfin que l’extinction de l’instance au fond n’a pas d’incidence sur l’examen de la QPC par le Conseil dès lors que celui-ci a déjà été saisi ( art. 23-9 de la loi organique n°2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l’application de l’article 61-1 C° ).

iii) Un Conseil constitutionnel qui s’inscrit dans la logique abstraite et objective par l’utilisation de certaines techniques contentieuses

631 • Le maintien et l’extension de techniques qui relèvent de l’office du juge constitutionnel dans le contrôle a priori permettent à ce que le procès incident dans le cadre de la QPC n’absorbe pas le contrôle a priori tout en conduisant à une répartition équilibrée des contentieux. On peut citer, à cet égard, l’utilisation renouvelée de la technique des moyens soulevés d’office qui est remobilisée dans le contrôle a posteriori et qui implique que le Conseil s’estime saisi de l’intégralité de la loi ( cette faculté s’est notamment manifestée à 2 reprises : CC, n°2011-147 QPC, 8 juillet 2011, M. Tarek J. [Composition du tribunal pour enfants] , JO, 9 juillet 2011 , p. 11979, Rec. CC, p. 343 où le Conseil a soulevé d’office le grief tiré de ce que la présidence du Tribunal pour enfants par le juge des enfants qui a instruit la procédure porterait atteinte au principe d’impartialité des juridictions ; CC, n° 2011-153 QPC, 13 juillet 2011, M. Samir A. [Appel des ordonnances du juge d’instruction et du juge des libertés et de la détention] , JO, 14 juillet 2011, p. 12251, Rec. CC, p. 362 où le Conseil a estimé que l’article 186 CPP prévoyant les possibilités d’appel contre les ordonnances du juge d’instruction ou du JLD devait être examiné de façon plus générale, au regard de l’équilibre des droits des parties dans la procédure et pas seulement au titre du droit à un recours effectif comme alors suggéré par les auteurs de la QPC ). A l’inverse de ce qui est prévu devant le juge de droit commun, le Conseil ne se considère pas comme contraint ou lié par les moyens d’inconstitutionnalité invoqués par les parties. Quand il examine la loi, il le fait en tenant compte de tous les éléments de la Constitution et non pas sur le fondement des seuls griefs contenus dans la question de constitutionnalité. Tous les griefs utiles sont ainsi destinés à être étudiés. La sphère de contrôle du Conseil se doit ainsi d’être la plus large possible pour assurer objectivement le respect du principe de sécurité juridique. Les techniques de l’économie de moyens et de jonction des saisines démontrent aussi que le but premier n’est pas tant de répondre aux moyens invoqués par les parties pris individuellement mais plutôt répondre à la question plus générale de la conformité à la Constitution de la disposition législative.

iv) Un effet erga omnes des décisions rendues en QPC qui s’inscrit également dans le caractère abstrait et objectif du contrôle

632 • S’agissant des effets proprement dits de la décision rendue par le Conseil, c’est un effet erga omnes qui est attaché aux décisions rendues par ce dernier et non un objet inter partes . La norme n’existe plus pour tous, pas simplement pour les parties. Il n’y a pas de distinction entre le traitement de la procédure dans laquelle la QPC a été posée et les autres procédures. La déclaration d’inconstitutionnalité n’est pas réservée à l’instance qui a donné lieu à la QPC, et le constituant parle bien d’ «  abrogation  » totale de la disposition législative (article 62 C°). L a préservation des droits subjectifs du requérant n’est en réalité qu’une conséquence du contrôle, elle n’est pas systématique, ce n’est que si le Conseil en décide ainsi que l’abrogation de la disposition législative bénéficie à l’auteur de la QPC . Par exemple, grâce à l’article 62 C°, le Conseil est investi du pouvoir de déterminer des règles transitoires en attendant l’adoption d’une éventuelle réforme qui remédierait à l’inconstitutionnalité quand cette dernière est prononcée. Il ne s’est, par exemple, pas limité à abroger la composition des tribunaux maritimes commerciaux, il a aussi établi que ceux-ci siègeront, dans l’attente d’une éventuelle loi, dans la composition des juridictions pénales de droit commun ( CC, n°2010-10 QPC, 2 juillet 2010, Consorts C. et autres [Tribunaux maritimes commerciaux] précité).

c) Un contrôle a priori au dynamisme nouveau : l’influence de la QPC

I) des facteurs nouveaux et des pouvoirs plus importants pour le juge a priori  .

633 • Le contrôle a priori et le contrôle a posteriori contribuent, aujourd’hui, de façon complémentaire au respect des exigences constitutionnelles, la jurisprudence du Conseil s’enrichi sous l’effet combiné de ces deux modes de contrôle. Le contrôle a posteriori est fortement marqué par le legs du contrôle a priori mais il faut aussi indiquer que le nouveau dispositif QPC présente des caractéristiques en mesure de renouveler, de manière substantielle l’exercice du contrôle par voie d’action. Dans le cadre de la QPC, plusieurs éléments sont susceptibles d’avoir une influence notable sur la pratique du contrôle a priori  : outre les personnes susceptibles de saisir le Conseil et la publicité des audiences, l’accroissement du nombre des dispositions législatives contestées, la possibilité de faire contrôler des lois anciennes, y compris des lois antérieures à 1958 (Cf. CC, n°2014-429 QPC, 21 novembre 2014, M. Pierre T. [Droit de présentation des notaires] , JO, 23 novembre 2014, p. 19677 qui a ainsi conduit le Conseil à contrôler une disposition relative au droit de présentation des notaires qui figurait dans une loi du 28 avril 1816 sur les finances ), la prise en compte,  par le Conseil, des conditions d’application de la loi ou, par les juges ordinaires, de l’interprétation de la loi . Les pouvoirs du Conseil se sont aussi développés dans le cadre de la QPC : par exemple, la possibilité laissé au Conseil de choisir la date d’effet de sa déclaration d’inconstitutionnalité, la possibilité d’établir les conditions et les limites dans lesquelles les effets produits par la disposition sont sen mesure d’être remis en cause, le pouvoir d’injonction implicite au législateur ou encore le pouvoir d’immixtion dans les procédures juridictionnelles .

ii) La création de certains monopôles et l’encadrement des saisines blanches

634 • La saisine a priori bénéficie aussi indirectement de la combinaison des contrôles qui est susceptible de conduire à une forme de spécialisation du contrôle par voie d’action notamment à l’égard des normes constitutionnelles qui intègrent la périphérie des droits et libertés que la Constitution garantit. Le contrôle par voie d’action a ainsi, par exemple, un monopolesur les questions de procédure législative, l’exigence constitutionnelle de transposition des directives de l’Union, le principe du consentement à l’impôt, ou encore le principe de péréquation financière des collectivités territoriales. C’est le cas pour toutes les règles qui intégreront cette catégorie et qui ne pourront dépendre que d’un contrôle unique par voie d’action. Pour ces moyens périphériques, il n’y aura pas de 2 nde chance. De la même façon, le contrôle du respect des principes de droit budgétaire ou de ceux applicables au financement de la sécurité sociale ne peut être assuré que dans le cadre du contrôle a priori . La modification des modalités contentieuses du contrôle a priori pour mieux protéger le contrôle a posteriori témoigne aussi de cette nouvelle complémentarité des contrôles. Plusieurs exemples peuvent être mentionnés. Le législateur a mis en avant que, sauf changement des circonstances, les QPC qui portent sur des dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution seraient irrecevables. Il a limité le champ d’application de cette irrecevabilité aux seules dispositions déjà jugées conformes à la Constitution « dans les motifs et le dispositif » d’une décision du Conseil ( article 23-2 2° de l’ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 précitée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ). La question était aussi de savoir si la pratique des «  saisines blanches  », en l’occurrence les saisines des parlementaires ne formulant aucun grief, ne pouvait apparaître comme faisant obstacle de manière injustifiée au droit des justiciables de poser une QPC. Elles conduisent, en effet, à une validation quasi mécanique de la loi s’il n’existe pas de grief ou encore un possible et réel examen de la constitutionnalité. Le Conseil a, en conséquence, recadré la pratique en décidant que, faute de griefs, la loi est désormais déclarée conforme à la Constitution dans le dispositif de la décision sans avoir été spécialement examinée dans ses motifs, ce qui ne ferme pas la voie à une éventuelle QPC ( CC, n°2011-630 DC, 26 mai 2011, Loi relative à l’organisation du championnat d’Europe de football de l’UEFA en 2016 , JO, 2 juin 2011, page 9553, texte n° 2, Rec. CC, p. 249, cons. n°3 ; voir M. Guerrini, « De l’articulation des contrôles a priori et a posteriori de constitutionnalité : le cas des saisines blanches », RFDC 2012, vol. 1, n° 89, p. 109 et suiv.). Depuis 2011, le juge constitutionnel adopte une attitude identique à l’égard des saisines blanches, en refusant de les examiner intégralement et en ne leur accordant plus de brevet de constitutionnalité (Voir, par ex., CC, n° 2016-730 DC, 21 avril 2016, Loi de modernisation de diverses règles applicables aux élections , JO, 26 avril 2016, texte n°6).

iii) L’encadrement des griefs uniques tenant à la procédure législative

635 • Dans la même logique que celle des saisines blanches, le Conseil a cessé de déclarer conforme à la Constitution, dans le dispositif de ses décisions, les dispositions contre lesquelles seul un grief tenant à la procédure législative est soulevé , réservant ainsi la voie à une contestation de ces dispositions par d’éventuelles QPC (Voir, par ex., CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 ,JO, 17 août 2012, p. 13496, Rec. CC, p. 461). Le juge constitutionnel veille aussi à préserver l’avenir en se gardant de soulever d’office des conclusions au-delà de celles figurant dans la saisine parlementaire (Cf. CC, n°2013-665DC, 28 février 2013, Loi portant création du contrat de génération , JO, 3 mars 2013, p. 3946, Rec. CC, p. 412 ; Cf. C. Bezzina, «  L’étendue du contrôle du Conseil Constitutionnel sur la loi ordinaire à travers l’étude des moyens et conclusions soulevés d’office  »,www.droitconstitutionnel.org). Si les requérants ne contestent que la procédure d’adoption de la loi, le juge constitutionnel, aujourd’hui, «  préserve « le droit à QPC »  » (C. Fernandes, « Le contrôle de constitutionnalité a priori exercé sur les lois ordinaires depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité », RFDA 2018, p. 387 et suiv.) en n’effectuant pas de contrôle intégral sur les dispositions contestées (Cf. CC, n° 2016-744 DC, 29 décembre 2016, Loi de finances pour 2017 , JO, 30 décembre 2016, texte n°5 ; CC, n°2016-745 DC, 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté, JO, 28 janvier 2017, texte n°2 ; CC, n° 2017-752 DC, 8 septembre 2017, Loi pour la confiance dans la vie politique , JO, 16 septembre 2017, texte n°5).

iv) La mise en place du triple test de proportionnalité

636 • C’est plus ou moins conjointement à la mise en place de la QPC que le juge constitutionnel a rehaussé l’intensité de son contrôle en exerçant désormais un triple test de proportionnalité en vertu duquel les atteintes portées à la liberté individuelle doivent être «  adaptées, nécessaires et proportionnées aux objectifs poursuivis  » ( CC, n°2008-562 DC, 21 février 2008, Loi relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental , JO, 26 février 2008, p. 3272, Rec. CC, p. 89 ; Voir V. Goesel Le Bihan, « Le contrôle de proportionnalité exercé par le Conseil constitutionnel, technique de protection des libertés publiques ? », Jus Politicum 2012, n° 7 qui souligne les limites néanmoins apportées par un tel contrôle) avant de l’étendre à la liberté d’expression et de communication ( CC, n°2009-580 DC, 10 juin 2009, Loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet , JO, 13 juin 2009, p. 9675, Rec. CC, p. 107 et CC, n°2012-647 DC, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi , JO, 2 mars 2012, p. 3988, Rec. CC, p. 139) puis au droit au respect de la vie privée ( CC, n°2012-652 DC, 22 mars 2012, Loi relative à la protection de l’identité , JO, 28 mars 2012, p. 5607, Rec. CC, p. 158) ou, plus récemment, à la liberté de manifester ( CC, n° 2019-780 DC, 4 avril 2019, Loi visant à renforcer et garantir le maintien de l’ordre public lors des manifestations , JO, 11 avril 2019, texte n°2). Dans la même logique, c’est la même année que le Conseil a rendu sa 1 ère décision DC procédant un report dans le temps des effets d’une déclaration de non-conformité ( CC, n°2008-564 DC, 19 juin 2008, Loi relative aux organismes génétiquement modifiés , JO, 26 juin 2008, p. 10228, Rec. CC, p. 313).

v) L’épanouissement de la jurisprudence État d’urgence en Nouvelle-Calédonie

637 • Le dernier exemple du développement du contrôle a priori depuis l’instauration de la QPC réside dans l’épanouissement de la jurisprudence «  Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie  » ( CC, n°85-187 DC, 25 janvier 1985, Loi relative à l’état d’urgence en Nouvelle-Calédonie et dépendances , JO, 26 janvier 1985, p. 1137, Rec. CC, p. 43) permettant de connaitre d’une disposition législative promulguée à l’occasion de l’examen des dispositions d’une loi nouvelle qui la «  modifient, la complètent ou affecte son domaine  ». Il s’agissait de faire obstacle aux lacunes du contrôle a priori en introduisant un assouplissement nécessaire en cas d’élément nouveau survenant après l’adoption de la loi. En dépit de son caractère novateur, cette jurisprudence a été très peu utilisée, il a fallu attendre 1999 ( CC, n°1999-410 DC, 15 mars 1999, Loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie , JO, 21 mars 1999, p. 4234, Rec. CC, p. 51) puis 2002 ( CC, n°2002-464 DC, 27 décembre 2002, Loi de finances pour 2003 , JO, 31 décembre 2002, p. 22103, Rec. CC, p. 583) pour voir les premières applications. L’entrée en vigueur de la QPC semblait avoir dissous l’utilité de cette jurisprudence mais on a assisté, paradoxalement et au contraire, à une résurgence assez spectaculaire de la pratique selon des modalités, qui plus est, assez inédites et plus extensives quant aux conditions de recours à cette jurisprudence (Cf. C.-E. Sénac, «  Le renouveau de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie  », RDP 2013, p. 1453 ou C. Fernandes, «  Le contrôle de constitutionnalité a priori exercé sur les lois ordinaires depuis l’entrée en vigueur de la question prioritaire de constitutionnalité  », RFDA 2018, p. 387 et suiv.). L’idée étant dorénavant de renforcer le contrôle a priori par rapport au contrôle a posteriori , le Conseil pouvant se prononcer sur la loi antérieure sans être dépendant d’une QPC. C’est en réalité une voie de droit autonome qui est mise en avant, le Conseil disposant ainsi et désormais de deux voies pour contrôler la conformité à la Constitution des lois en vigueur : la QPC et la jurisprudence «  néocalédonienne  ». Des conditions originales apparaissent dans l’utilisation de la procédure. Certains ont, par exemple, pu faire état de la chronologie inversée des contrôles dorénavant opérée (C.-E. Sénac, «  Le renouveau de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie  », précité) ou de la mise en œuvre du mécanisme à l’égard d’une disposition nouvelle qui affecte « indirectement » le domaine d’application de la loi en vigueur conduisant à déclarer contraire à la Constitution la disposition législative promulguée tout en déclarant conforme la loi nouvelle (Cf. J. Bonnet, «  L’épanouissement de la jurisprudence Etat d’urgence en Nouvelle-Calédonie  », AJDA 2014, p. 467 ; CC, n°2012-659 DC, 13 décembre 2012,  Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 , JO, 18 décembre 2012, p. 19861, Rec. CC, p. 680 ; CC, n°2012-662 DC, 29 décembre 2012, Loi de finances pour 2013 , JO, 30 décembre 2012, p. 20966, Rec. CC, p. 724).

vi) L’utilisation de techniques contentieuses qui n’avaient jamais été utilisées jusque-là dans le contrôle a priori

638 • Un autre aspect de l’originalité de la démarche renouvelée du Conseil réside dans l’utilisation de techniques contentieuses qui n’avait, jusque-là, jamais été utilisées dans ce cadre précis. Par exemple, le Conseil reprend, depuis 2012, les déclarations d’inconstitutionnalité dans le dispositif allant même affirmer, de manière inédite, qu’une disposition législative promulguée est déclarée contraire à la Constitution ( CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II) , JO, 17 août 2012, p. 13496, Rec. CC, p. 461, annonce faite dans le dispositif). Toujours dans le dispositif, le Conseil règle dorénavant lui-même les effets dans le temps de la déclaration d’inconstitutionnalité. C’est grâce à une interprétation constructive des textes qu’il a importée, depuis le contentieux QPC, la possibilité de moduler dans le temps les effets de sa décision «  néocalédonienne  » ( CC, n°2013-672 DC, 13 juin 2013, Loi relative à la sécurisation de l’emploi , JO, 16 juin 2013, p. 9976, Rec. CC, p. 817, cons. n°14). Le dispositif peut également s’appuyer sur des réserves d’interprétation. Le Conseil a, à titre d’illustration, dans le contrôle de la loi du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe, porté à son examen, tout à la fois les dispositions de la loi déférée qui ouvrent le mariage et l’adoption aux couples de personnes de même sexe et les dispositions sur l’adoption que cette loi rend applicables aux couples de personnes de même sexe. S’il a jugé la loi ouvrant le mariage aux personnes de même sexe conforme à la Constitution, il a également formulé, aux fins de respect de dispositions constitutionnelles tenant à l’intérêt de l’enfant, une réserve d’interprétation relative à l’agrément en vue de l’adoption de l’enfant ( CC, n°2013-669 DC, 17 mai 2013, Loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe , JO, 18 mai 2013, p. 8281, Rec. CC, p. 721).  Au final, avec la combinaison des contrôles, c’est à un véritable dialogue avec le législateur auquel on assiste. Plus que jamais, le Conseil est conduit à fournir un mode d’emploi au législateur qu’il ait désormais lieu avant la promulgation ou après l’entrée en vigueur de la loi .

d) L’apport des contrôles de constitutionnalité a priori et a posteriori au travail du législateur

I) un juge constitutionnel qui protège toujours le législateur.

639 • Comme peut le relever Georges Bergougnoux, le Conseil n’est pas, quelque part, l’ennemi des parlementaires, en réalité, il « protège le législateur  » (G. Bergougnoux, «  Le Conseil constitutionnel et le législateur  », Nouveaux cahiers du CC 2013, n°38) mais cette protection il l’exerce dans une optique de dialogue avec ce dernier. Par exemple, lorsqu’une procédure est utilisée par la majorité, de manière quelque peu abusive voire détournée pour des gains de temps notamment, le Conseil ne remet pas systématiquement en cause la procédure et tient compte des circonstances dans lesquelles elle est intervenue ( il prend en compte, par exemple, le fait qu’elle constitue une réponse à une obstruction caractérisée de l’opposition  : CC, n°95-370 DC, 30 décembre 1995, Loi autorisant le Gouvernement, par application de l’article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale , JO, 31 décembre 1995, p. 19111, Rec. CC, p. 269, cons. n°12 ; en ce sens, G. Bergougnoux, «  Le Conseil constitutionnel et le législateur  » précité). De même, au cours de la période récente, la jurisprudence du Conseil relative aux conditions d’exercice du droit d’amendement a connu de sensibles inflexions : ce droit s’est vu opposer un certain nombre de limites ( CC, n°2005-532 DC, 19 janvier 2006, Loi relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers , JO, 24 janvier 2006, p. 1138, Rec. CC, p. 31, cons. n°24 à n°27) mais qui sont en réalité protectrice du Parlement. C’est en se fondant sur le nouveau principe constitutionnel de « clarté et sincérité du débat parlementaire » ( explicitement dégagé par la décision CC, n°2005-526 DC, 13 octobre 2005, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale , JO, 20 octobre 2005, p. 16610, Rec. CC, p. 144, cons. n°5 et confirmé par la décision CC, n°2006-537 DC, 22 juin 2006, Résolution modifiant le règlement de l’Assemblée nationale , JO, 27 juin 2006, p. 9647, Rec. CC, p. 67, cons. n°10 ) fondé sur l’article 6 DDHC (« La Loi est l’expression de la volonté générale ») et l’article 3 al. 1 er C° (« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants […]  ») que le Conseil a fondé sa jurisprudence.

ii) Un juge constitutionnel qui adopte une interprétation neutralisante de l’art. 88-1 C°

640 • Lorsque des droits et libertés protégés par la Constitution le sont aussi par les conventions internationales, le Conseil prend également soin de préserver le législateur national à travers une interprétation neutralisante de l’article 88-1 C° . La primauté de la Constitution amènerai normalement au contrôle et à la censure éventuelle des dispositions législatives contraires à la norme fondamentale, malgré leur origine liée au droit de l’Union. Mais l’exercice d’un tel contrôle entrainerait, de manière virtuelle, une possible paralysie de la transposition de la directive , au mépris des obligations liées au droit de l’Union de notre pays.Face à ce problème, le Conseil constitutionnel va réussir à établir un compromis propre à accommoder la primauté traditionnelle de la Constitution et la nécessaire réalisation de l’opération de transposition en établissant une obligation constitutionnelle de transposition des directives, sur le fondement de l’article 88-1 C° à laquelle il ne pourrait être fait obstacle qu’en raison d’une disposition expresse ( CC, n°2004-496 DC, 10 juin 2004, Loi pour la confiance dans l’économie numérique , JO, 22 juin 2004, p. 11182, Rec. CC, p. 101, cons. n°7) et spécifique ( CC, n°2004-498 DC, 29 juillet 2004, Loi relative à la bioéthique , JO, 7 août 2004, p. 14077, Rec. CC, p. 122, cons. n°7) contraire de la Constitution. La primauté constitutionnelle interne est ainsi préservée tout en assurant le principe de primauté du droit de l’Union. Dans la même logique, le Conseil a clairement affirmé «  que la transposition d’une directive ne saurait aller à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » ( CC, n°2006-540 DC, 27 juillet 2006, Loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information , JO, 3 août 2006, p. 11541, Rec. CC, p. 88, cons. n°19), partant du postulat de principe selon lequel l’existence du principe de primauté «  est sans incidence sur l’existence de la Constitution française et sa place au sommet de l’ordre juridique interne  » ( CC, n°2004-505 DC, 19 novembre 2004, Traité établissant une Constitution pour l’Europe , JO, 24 novembre 2004, p. 19885, Rec. CC, p. 173, cons. n°10). La primauté du droit de l’Union reste inopposable, dans l’ordre juridique interne, aux dispositions de la Constitution française inhérentes à ses structures fondamentales. Enfin, et poursuivant cette évolution, le juge constitutionnel a pu juger qu’en «  imposant l’examen par priorité des moyens de constitutionnalité avant les moyens tirés du défaut de conformité d’une disposition législative aux engagements internationaux de la France, le législateur organique a entendu garantir le respect de la Constitution et rappeler sa place au sommet de l’ordre juridique interne » ( CC, n°2009-595 DC, 3 décembre 2009, Loi organique relative à l’application de l’article 61-1 de la Constitution , JO, 11 décembre 2009, p. 21381, Rec. CC, p. 206, cons. n°14).

iii) Une QPC qui amène à ce que le juge constitutionnel devienne coproducteur de la loi

641 • Au-delà de la protection du législateur ainsi établie par le Conseil, la procédure de QPC renouvelle en profondeur les rapports entre la procédure législative et le contrôle de constitutionnalité. Le contrôle a priori ne constitue qu’une étape de l’élaboration de la loi à laquelle participe les parlementaires. Le contrôle a posteriori s’inscrit en dehors de cette élaboration de la loi, la procédure législative et le contrôle de constitutionnalité se succédant dans le temps. Plus précisément, la QPC se déroule dans le cadre d’une procédure juridictionnelle vis-à-vis de laquelle les parlementaires sont exclus. Donc, a priori , la QPC ne touche pas directement la procédure parlementaire mais on peut dire qu’elle va produire, indirectement, des effets non négligeables sur le travail des représentants au Parlement . C’est toute la législation en vigueur qui est en mesure de subir le contrôle de la Constitution. Il est certain qu’aujourd’hui, «  le législateur négatif que doit être le Conseil constitutionnel devient un participant direct à la confection de la loi, un coproducteur de la loi  ». (G. Drago, «  L’influence de la QPC sur le parlement ou la loi sous la dictée du Conseil constitutionnel  », Jus Politicum 2011, n°6). Le contrôle par voie d’action avait déjà, en son temps, exercé une influence notable sur le travail parlementaire. Le 1 er exemple est l’attitude du Conseil vis-à-vis du principe de séparation des pouvoirs. Le juge sanctionne comme une atteinte à la séparation des pouvoirs les intrusions, non prévues par la Constitution, d’un pouvoir dans l’exercice des fonctions d’un autre, même si, on le sait, il ne sanctionne pas l’intrusion de la loi dans le domaine réglementaire ( même s’il n’hésite pas à sanctionner un législateur s’aventurant hors de son domaine de prédilection. Cf. Censure de la modification du traitement du Président de la République et du Premier ministre, soulevée d’office : CC, n°2012-654 DC, 9 août 2012, Loi de finances rectificative pour 2012 (II) , JO, 17 août 2012 , p. 13496, Rec. CC, p. 461, cons. 81 et 82 ). En d’autres termes, «  invoquant le principe de la séparation des pouvoirs, le Conseil cherche à maintenir les équilibres mis en place par la Constitution, quitte parfois à opter pour une conception très rigide du principe qui privilégie la spécialisation des fonctions à la répartition de celles-ci  » (Cf. A. Roblot-Troizier, «  Un concept moderne : séparation des pouvoirs et contrôle de la loi  », Pouvoirs 2012, n°143, p. 89). Ainsi, concernant les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, le législateur ne saurait, sans méconnaître le principe de la séparation des pouvoirs, adresser des injonctions au gouvernement tendant à ce qu’il consulte une commission parlementaire ( CC, n°2009-577 DC, 3 mars 2009, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision ,JO, 7 mars 2009, p. 4336, Rec. CC, p. 64, cons. n°29 à n°31).

iv) Un juge constitutionnel qui rappelle l’indépendance des juridictions et qui corrige les dérapages du pouvoir législatif dans la protection des droits

642 • Le Conseil rappelle l’indépendance des juridictions et «  le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur ni le gouvernement  » ( CC, n°80-119 DC, 22 juillet 1980, Loi portant validation d’actes administratifs , JO, 24 juillet 1980, p. 1868, Rec. CC, p. 46, cons. n°6) quand il doit évoquer les rapports entre le pouvoir législatif et le pouvoir juridictionnel. Pour lui, «  il n’appartient pas au législateur de censurer les décisions des juridictions et d’enfreindre par là même le principe de séparation des pouvoirs  » ( CC, n° 87-228 DC, 26 juin 1987, Loi organique relative à la situation des magistrats nommés à des fonctions du premier grade , JO, 26 juin 1987, p. 6998, Rec. CC, p. 38, cons. n°8), ni à des commissions parlementaires d’enquêter sur des faits donnant lieu à des poursuites judiciaires ( CC, n°2009-582 DC, 25 juin 2009, Résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat , JO, 28 juin 2009, p. 10871, Rec. CC, p. 132). Il s’est aussi montré plus que vigilant dans son rôle de défenseur des droits fondamentaux et des libertés essentielles, face aux excès de pouvoir législatifs, en accordant une protection toute particulière aux libertés de 1 er rang. Il n’a pas été appelé à créer des droits fondamentaux nouveaux et il a pris garde à ne pas porter atteinte au pouvoir d’appréciation et de décision du législateur mais, dans le cadre de son pouvoir d’interprétation des normes, il a pu préciser le contenu et la portée des droits et libertés. On peut citer, à titre d’exemple, l’interprétation donnée à l’article 8 DDHC consacrant les principes de nécessité, proportionnalité et d’individualisation des peines. Pour le Conseil, l’article ne concerne pas seulement les peines prononcées par les juridictions répressives mais s’étend à toute sanction ayant le caractère d’une punition ( CC, n°82-155 DC, 30 décembre 1982, Loi de finances rectificative pour 1982 , JO, 31 décembre 1982, p. 4034, Rec. CC, p. 88). Il implique aussi bien une proportionnalité des délits et des peines ( CC, n° 88-248 DC, 17 janvier 1989, Loi modifiant la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication , JO, 18 janvier 1989, p. 754, Rec. CC, p. 18, cons. n°30) que l’exigence de l’application immédiate d’une loi pénale plus douce ( CC, n°80-127 DC, 19 et 20 janvier 1981, Loi renforçant la sécurité et protégeant la liberté des personnes , JO, 22 janvier 1981, p. 308, Rec. CC, p. 15).

v) Une QPC qui influence les débats législatifs

643 • L’influence de la QPC se répercute aussi, de manière générale, sur les débats législatifs . On a déjà pu parler, à propos du contrôle a priori , d’un véritable processus de réécriture de la loi , que ce soit après des décisions de censure partielle ou totale ou que ce soit après des décisions de conformité à la Constitution mais accompagnées de réserves d’interprétation à destination des parlementaires. La menace du recours au Conseil a imprégné ainsi, peu à peu, le travail d’écriture de la loi. Cette évolution n’a fait que se confirmer avec l’avènement de la QPC dont la crainte pèse ainsi sur les débats législatifs. Les parlementaires doivent redoubler d’attention pour éviter d’éventuelles failles juridiques portant atteinte aux droits et libertés . Dorénavant, l’absence d’opposition juridique dans le contrôle a priori ne suffit plus à pallier le risque d’inconstitutionnalité. La QPC a, par exemple, été invoquée directement dans les débats sur la loi visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures par fracturation hydraulique ( loi n°2011-835 du 13 juillet 2011 (JO, 14 juillet 2011, p. 12217) visant à interdire l’exploration et l’exploitation des mines d’hydrocarbures liquides ou gazeux par fracturation hydraulique et à abroger les permis exclusifs de recherches comportant des projets ayant recours à cette technique ) ou lors de l’examen de la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ( Loi n°2013-404 du 17 mai 2013 (JO, 18 mai 2013, p. 8253) ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe ). Les QPC seront ultérieurement transmises mais sans succès (respectivement, CC, n°2013-346 QPC, Société Schuepbach Energy LLC [Interdiction de la fracturation hydraulique pour l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures – Abrogation des permis de recherches] , JO, 13 octobre 2013, p. 16905, Rec. CC, p. 988 et CC, n°2013-353 QPC, M. Franck M. et autres [Célébration du mariage – Absence de « clause de conscience » de l’officier de l’état civil] , JO, 20 octobre 2013, p. 17279, Rec. CC, p. 1002). Il faut aussi relever que les autorités parlementaires et gouvernementales participent à l’instruction d’une QPC devant le juge constitutionnel, elles ont le même statut procédural que les parties. Les décisions rendues au titre de l’article 61-1 C° sont communiquées aux présidents des assemblées ( art. 23-11 al. 2 de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958 ). Le contradictoire s’applique à eux comme aux parties. Ils sont destinataires des décisions de renvoi QPC (art. 23-8 al. 1 er de l’ordonnance n°58-1067 du 7 novembre 1958) et de toutes les productions des parties au cours de la procédure contradictoire ( art. 1 er Règlement QPC ) sur lesquelles, à chaque fois, ils peuvent adresser leurs observations. En pratique, cette possibilité n’est guère utilisée par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat eu égard au fait que le 1 er Ministre, qui bénéficie du même statut procédural, intervient à chaque audience QPC par le biais d’un agent du secrétariat général du gouvernement pour prononcer ses observations (art. 10 al. 2 Règlement intérieur QPC) (Cf. O. Dord, «  La QPC et le Parlement : une bienveillance réciproque  », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38).

vi) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (1)

644 • La sanction des atteintes de la loi aux droits et libertés que la Constitution garantit prend la forme, inédite, dans le contentieux constitutionnel, d’une abrogation des dispositions législatives fautives. Cette sanction peut apparaitre comme un affront ou relevant du «  gouvernement des juges  » mais, dans son contrôle et dans l’exécution des décisions, le Conseil laisse, la plupart du temps, «  la parole au Parlement  » (O. Dord, «  La QPC et le Parlement : une bienveillance réciproque  », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°38) ou est amené, toujours la plupart du temps, à sauver la disposition litigieuse de l’abrogation. Le plus souvent, la disposition portant atteinte est abrogée avec effet immédiat ce qui n’amène pas d’intervention du législateur, la décision se suffisant à elle-même. Le Conseil prend néanmoins garde de se voir accuser de participation directe à la fonction législative. On peut néanmoins citer la décision relative à la composition des commissions départementales d’aide sociale (CDAS) où le Conseil a fait le choix non de censurer l’article L. 134-6 CASF mais de déclarer contraires à la Constitution ses 2 ème et 3 ème alinéas qui prévoient la présence au sein de la CDAS, respectivement, des trois conseillers généraux et des trois fonctionnaires ( CC, n°2010-110 QPC, 25 mars 2011, M. Jean-Pierre B. [Composition de la commission départementale d’aide sociale] , JO, 26 mars 2011, p. 5406, Rec. CC, p. 160). Le choix de cette censure partielle correspond à la volonté de permettre que la décision soit applicable immédiatement et bénéficie notamment à la partie qui a soulevé la QPC mais la solution ainsi dégagée ne se prive pas de redonner la main au législateur en ajoutant à la déclaration de constitutionnalité «  sans préjudice de modifications ultérieures de cet article  » (cons. n°9) ce qui préserve la liberté du législateur tout en l’invitant à intervenir.

vii) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (2)

645 • Dans le cas où l’abrogation immédiate n’est pas possible, le Conseil peut décider de différer dans le temps la date d’abrogation en fixant lui-même la date à laquelle elle intervient . Le délai ainsi délimité permet au législateur d’intervenir pour remédier à l’inconstitutionnalité sanctionnée et fait en sorte que ce dernier participe directement au système juridictionnel ainsi mis en œuvre dans le cadre de la QPC. Plusieurs considérations peuvent justifier le report : l’abrogation immédiate pourrait avoir des conséquences manifestement excessives, les conséquences à tirer de la disparition de la norme inconstitutionnelle pourraient conduire le Conseil à se substituer au Parlement ou encore l’abrogation immédiate pourrait ne pas satisfaire aux exigences constitutionnelles qui ont été méconnues . Lorsqu’il agit de la sorte, le Conseil règle aussi la question de la période transitoire. Il peut maintenir en application la disposition déclarée inconstitutionnelle (par ex., CC, n°2014-387 QPC, 4 avril 2014, M. Jacques J. [Visites domiciliaires, perquisitions et saisies dans les lieux de travail] , JO, 5 avril 2014, p. 6480). Il peut, aussi, pour préserver l’effet utile de la déclaration, effectuer deux types de demande. Il peut demander au juge ordinaire, qui est saisi d’instances concernant l’application des dispositions déclarées inconstitutionnelles, de surseoir à statuer jusqu’à ce que la loi intervienne tout en précisant que le législateur devra rendre cette loi applicable aux instances en cours à la date de la publication de la décision (Par ex., CC, n°2010-83 QPC, 13 janvier 2011, M. Claude G. [Rente viagère d’invalidité] , JO, 14 janvier 2011, p. 811, Rec. CC, p. 57 et CC, n°2013-343 QPC, 27 septembre 2013, Époux L. [Détermination du taux d’intérêt majorant les sommes indûment perçues à l’occasion d’un changement d’exploitant agricole] , JO, 1 er octobre 2013, p. 16305, Rec. CC, p. 942). Il peut, enfin,  combiner une abrogation reportée dans le temps et une réserve d’interprétation transitoire neutralisant les effets inconstitutionnels de la disposition en cause jusqu’à son remplacement par une loi nouvelle (Cf. CC, n°2014-400 QPC, 06 juin 2014, Société Orange SA [Frais engagés pour la constitution des garanties de recouvrement des impôts contestés] , JO, 8 juin 2014, p. 9674 et CC, n°2014-404 QPC, 20 juin 2014, E poux M. [Régime fiscal applicable aux sommes ou valeurs reçues par l’actionnaire ou l’associé personne physique dont les titres sont rachetés par la société émettrice] , JO, 22 juin 2014, p. 10315).

viii) Une abrogation de dispositions législatives toujours envisagé en dernier ressort et toujours en prenant en compte la parole du législateur (3)

646 • Il y a des cas aussi où le Conseil est amené à sauver la disposition législative litigieuse de l’abrogation. Comme on a déjà pu le voir (Cf. Supra ), le juge peut d’abord se fonder sur la jurisprudence du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation pour déclarer conforme à la Constitution la norme qu’il interprète (Cf. Par ex., CC, n°2011-210 QPC, 13 janvier 2012, M. Ahmed S. [Révocation des fonctions de maire] , JO, 14 janvier 2012, p. 753, Rec. CC, p. 78 où la décision se fonde sur « la jurisprudence constante du Conseil d’Etat » (cons. n°5) pour écarter les griefs tirés de la violation de l’article 8 DDHC par un article du CGCT relatif à la révocation et à la suspension des maires et de leurs adjoints ). Pour éviter la censure de dispositions législatives, le Conseil peut aussi utiliser la technique des réserves d’interprétation, technique issu du contrôle par voie d’action alors transposée en matière de QPC. Dans ce cadre, il ne se prive pas d’aider à l’exécution de la décision pour encadrer les effets potentiellement néfastes de la réserve (Cf. Par ex., CC, n°2010-8 QPC, Epoux L. [Faute inexcusable de l’employeur] , JO, 19 juin 2010, p. 11149, Rec. CC, p. 117 où le Conseil pose une réserve permettant d’élargir les possibilités pour une victime d’un accident de travail d’indemnisation par l’employeur (considérant n°18) avec le commentaire autorisé de la décision qui détaille expressément 5 conséquences directement attachées à cette réserve  : www.conseil-constitutionnel.fr ). Ces réserves font parfois l’objet de critiques mais ces dernières procèdent plus d’un dialogue entre le Conseil et le législateur que d’une logique de conflit.

2. Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour constitutionnelle

647 • Le Conseil constitutionnel ne peut plus, aujourd’hui, prétendre à correspondre aux qualificatifs dont il avait pu faire l’objet lors de sa création : «  chien de garde de l’exécutif  » (Michel Debré), «  canon braqué contre le Parlement  » (Charles Eisenmann), l’institution qui «  rend des services et non pas des arrêts  » ( selon le qualificatif employé sous la restauration à propos de la Chambre des pairs, chambre haute en charge alors d’une justice exceptionnelle et à l’inverse de l’expression alors employé par le baron Antoine de Séguier, 1 er président de la Cour d’appel de Paris de 1811 à 1848, en 1824 en réponse au garde des sceaux qui lui demandait d’être indulgent dans un procès contre la presse ) ou encore, comme il s’était lui-même qualifié, organe régulateur de l’activité des pouvoirs publics  » ( CC, n°62-20 DC, 6 novembre 1962,   Loi relative à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct , préc., cons. n°2). Le dialogue quotidien qu’il a engagé, depuis l’instauration de la procédure, avec les citoyens, les juges ordinaires ou encore les juges européens fait qu’il se transforme en une «  juridiction constitutionnelle pleine et entière  ».

a) Un juge constitutionnel nouveau

I) la constitutionnalisation du droit et la naissance de l’ordre constitutionnel.

648 • Le succès de la QPC a renforcé l’évolution qui a vu, depuis 40 ans, le Conseil devenir le défenseur des droits et libertés constitutionnellement garantis. L’action conjuguée du législateur et du Conseil lui-même a permis, progressivement, à partir des années 1970, de soumettre la sphère politique aux droits et libertés garantis par la Constitution mais cette action conjointe a aussi «  permis, concomitamment, l’enclenchement d’un autre processus durable et profond : le droit lui-même a été saisi par la Constitution  » (O. Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique », Jus Politicum 2009, n° 2). C’est le processus de la «  constitutionnalisation des branches du droit  » cher au professeur Favoreu (L. Favoreu, « La constitutionnalisation du droit  », Mélanges Drago, Paris, Economica, 1996, p. 42 ou, plus récemment, études réunies par N. Molfessis, «  Sur les rapports entre le Conseil constitutionnel et les diverses branches du droit », Cahiers du CC 2004, n° 16, p. 98). C’est la naissance de l’ «  ordre constitutionnel  » (Cf. L. Favoreu, Droit constitutionnel, Paris, Dalloz, 5 ème éd., 2002, p. 304 et suiv. qui y consacre un chapitre) qui peut alors se définir comme étant « un «  ordre politique   » , mais «   saisi par le droit   » ; […] un «   ordre juridique   » , mais saisi par la Constitution  » (O. Jouanjan, « Modèles et représentations de la justice constitutionnelle en France : un bilan critique » précité), le nouveau droit constitutionnel se définissant comme étant un «  droit de la Constitution  » en même temps qu’une «  constitution du droit  » (L. Favoreu, « Le droit constitutionnel, droit de la Constitution et constitution du droit », RFDA 1990, n° 1, p. 72).

ii) La juridictionnalisation progressive de l’institution à partir des années 1970/1980

649 • L’une des premières questions touchant au Conseil constitutionnel, pendant les années 1970, était relative au fait de savoir s’il était ou non une juridiction. Il n’y avait rien, dans le texte constitutionnel, qui évoquait la notion de «  juges  » ou celle de «  fonction juridictionnelle  ». C’est la doctrine qui, devant le silence des textes, allait attribuer une nature juridictionnelle au Conseil (Cf. Par ex., F. Luchaire, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction ?  », RDP 1979, p. 27 ; «  Le Conseil constitutionnel et la protection des droits et libertés  », Mélanges Waline, Paris, LGDJ, vol. 2, 1974, p. 563). Le terme «  jurisprudence  » pour désigner les décisions du Conseil ne se diffuse véritablement qu’à partir du milieu des années 1970 lorsqu’il est créé dans la Revue de droit public, une chronique régulière de «  jurisprudence constitutionnelle  » sous la direction de Louis Favoreu et Loïc Philip. Le droit constitutionnel devient ainsi progressivement un droit «  jurisprudentiel  » et les constitutionnalistes transposent la posture d’ «  arrêtiste  », caractéristique du travail de la doctrine en droit administratif, à l’étude des décisions du Conseil (Cf. A. Viala, «  Le droit constitutionnel à l’heure du tournant arrêtiste. Questions de méthode  », RDP 2016, p. 1137). Ils se fondent, pour cela, sur 3 éléments principaux : le fait que le Conseil tranche, par une décision définitive, une contestation, au sens large, portant, en réalité, sur une question de droit, le fait qu’il existe, devant lui, un litige qui nécessite l’intervention d’une tierce personne et, enfin, le fait que les décisions du Conseil vont être revêtues de l’autorité de chose jugée (Cf. D. Rousseau, P.-Y. Gahdoun, J. Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 11 ème éd., 2016). C’est le Conseil, lui-même, sur ce dernier point, qui allait se faire «  juridiction  » en précisant, face à l’imprécision de l’article 62 C°, que l’autorité attachée à ces décisions était une autorité de chose jugée ( l’expression ne sera présente expressément dans la jurisprudence du Conseil qu’en 1988  : CC, n°88-244 DC, 20 juillet 1988, Loi portant amnistie , JO, 21 juillet 1988, p. 9448 ; Rec. CC, p. 119). Puis la juridictionnalisation s’est progressivement installée dans le contrôle a priori par l’instauration pas à pas du contradictoire, la publication, à partir de 1983, des lettres de saisines au journal officiel puis des observations en défense du gouvernement.

iii) Une juridictionnalisation renforcée par la création du contrôle a posteriori

650 • Avec la création du contrôle a posteriori, la juridictionnalisation est immanquablement renforcée. Le litige constitutionnel s’insère dorénavant dans un litige ordinaire, auquel il apporte une solution. L’autorité de la chose jugée renforce ainsi la position du Conseil comme interprète de la Constitution et l’installe comme une véritable juridiction . Le Conseil n’a pas tous les signes extérieurs de la juridiction ( il ne statue pas, par ex., au nom du peuple français ) mais «  la chose juridictionnelle est là  » (Cf. D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité qui souligne notamment que, depuis le 10 mai 2016, la formule « jugé par le Conseil constitutionnel dans sa séance du … » figure en bas des décisions QPC ). Pour autant, si le Conseil constitutionnel est désormais une juridiction, il n’est pas une juridiction comme les autres mais une juridiction constitutionnelle. Dans un 1 er temps, ces juridictions particulières étaient exclues du champ d’application de l’article 6-1 ConvEDH, avant que n’intervienne une jurisprudence contraire ( CourEDH, 23 juin 1993, Ruiz-Mateos contre Espagne , req. n°12952/87 , § 59 ; CourEDH, 16 septembre 1996, Süssmann contre Allemagne , req. n°20024/92 , § 39) soumettant notamment les procédures constitutionnelles qui déterminent l’issue d’un litige portant sur des droits et obligations de caractère civil ou une accusation pénale, ce qui est le cas de la QPC (Cf., en ce sens, S. de la Rosa, «  L’article 6 § 1 de la Convention européenne, le Conseil constitutionnel et la question préjudicielle de constitutionnalité  », RFDC 2009, p. 817 ; D. Szymczak, «  Droits européens et question prioritaire de constitutionnalité : « les nouvelles liaisons dangereuses »  », Politeia 2010, n° 17, p. 239 ; en sens inverse : M. Guillaume, «  Question prioritaire de constitutionnalité et Convention européenne des droits de l’homme  », Nouveaux Cahiers du CC 2011, n° 32, p. 67).

iv) Un juge constitutionnel qui doit se conformer aux principes du procès équitable

651 • Au lendemain de la QPC, le Conseil constitutionnel doit se conformer aux standards du procès équitable, tels qu’adaptés aux spécificités de la justice constitutionnelle. Le constituant comme le législateur organique n’ont rien prévu à cet effet et, là encore, la juridictionnalisation sera l’œuvre du Conseil lui-même par l’adoption de son règlement intérieur du 4 février 2010 (www.conseil-constitutionnel.fr et JO, 18 février 2010, p. 2986 ; Cf. M. Guillaume, «  Le règlement intérieur sur la procédure suivie devant le Conseil constitutionnel pour les questions prioritaires de constitutionnalité  », LPA 2010, n°38, GP 2010, 23 février, n° 54, p. 10 et F. Jacquelot, «  La procédure de la question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel  », AJDA 2010, p. 950). Ce nouveau règlement permet au Conseil de largement répondre aux standards du procès équitable : délai raisonnable, contradictoire, publicité de l’audience et oralité des débats, indépendance et impartialité du juge ( principes énoncés à l’article 23-10 de l’ordonnance n°58-1067 de 1958 inséré par la loi organique de 2009 et ils sont repris et détaillés par le règlement intérieur du Conseil ). Ils font, enfin, du Conseil une juridiction à part entière sous l’égide de la source commune du droit processuel que constitue le droit à un procès équitable de l’article 6-1 ConvEDH. Reste un souci majeur dans le cadre du respect de ses principes processuels, celui qui touche à la question du respect du principe d’indépendance et d’impartialité des juges.

v) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (1)

652 • Le mode de nomination des membres du Conseil constitutionnel n’a pas évolué en même temps que la mise en place du caractère juridictionnelle de la procédure et il apparaît de plus en plus en décalage par rapport au mode de nomination existant devant les autres juridictions constitutionnelles européennes (Cf. M. Fromont, « La justice constitutionnelle en France ou l’exception française », Mélanges Conac, Paris, Economica, 2001, p. 167) mais aussi par rapport au processus de l’affirmation du Conseil comme «  Cour constitutionnelle  ». Le Conseil pouvait auparavant s’abriter derrière une spécificité propre à un office dont le caractère juridictionnel pouvait ne pas être parfait, tant en ce qui concernait la procédure elle-même que la composition de l’organe mais, aujourd’hui, il est obligé de se donner tous les attributs d’un juge, ce qui renouvelle la question de la légitimité de sa composition. En France, les membres du Conseil font l’objet d’une décision de nomination discrétionnaire qui est inattaquable ( C E, Ass., 9 avril 1999, Mme Ba , req. n°195616 , Rec. CE, p. 124, RFDA 1999, p. 566, concl. Salat-Baroux). L’indépendance des membres du Conseil, vis-à-vis des pouvoirs exécutif et législatif, ne pose pas de réel problème. Leur désignation par ces mêmes pouvoirs n’a jamais été jugée comme contraire au principe d’indépendance. Leur impartialité en revanche, qui s’appréhende par rapport à l’implication des membres dans un litige, est, elle, en question (Cf. F. Tulkens et S. Van Drooghenbroeck, «  La double vie du juge est-elle compatible avec son impartialité ?  », Mélanges Martens, Bruxelles, Larcier, 2007, p. 485).

vi) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (2)

653 • C’est la notion d’impartialité objective , celle qui renvoie aux interventions antérieures du juge dans l’affaire et qui impose la séparation des fonctions , qui pourrait ici être invoquée vis-à-vis des membres du Conseil (En ce sens, P. Wachsmann, « Sur la composition du Conseil constitutionnel », Jus Politicum 2010, n° 5, p. 30 et R. Nollez-Goldbach, «  Question prioritaire de constitutionnalité : de l’affirmation du Conseil en Cour constitutionnelle  », JCP 2011, G, 27 juin, n°26, hors-série). Elle consiste à se demander si «  indépendamment de la conduite personnelle du juge, certains faits vérifiables autorisent à suspecter l’impartialité de ce dernier  » ( CourEDH, 11 septembre 2009, Dubus contre France , req. n°5242/04 , §53). En la matière, «  même les apparences peuvent revêtir de l’importance  » ( CourEDH, 26 octobre 1984, De Cubber contre Belgique , req. n° 9186/80 , § 26 ; Cf. S. Gandreau, « La théorie de l’apparence en droit administratif », RDP 2005, p. 320, théorie selon laquelle la justice doit non seulement être rendue mais montrer qu’elle a été rendue, selon l’adage anglais Justice must not only be done, it must be seen to be done ) et le juge doit ainsi offrir «  des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime  » ( CourEDH, 20 mai 1998, Gautrin et autres contre France , req. n°21257/93 , §58). Si «  toute participation directe à l’adoption de textes législatifs ou réglementaires peut suffire à jeter le doute sur l’impartialité judiciaire d’une personne amenée ultérieurement à trancher un différend  » ( CourEDH, 8 février 2000, Mc Gonnell contre Royaume-Uni , req. n°28488/95 , § 55), le «  simple fait, pour un juge, d’avoir déjà pris des décisions avant le procès ne peut passer pour justifier en soi des appréhensions relativement à son impartialité. Ce qui compte est l’étendue des mesures adaptées par le juge avant le procès. (…) L’appréciation préliminaire des données disponibles ne saurait non plus passer comme préjugeant l’appréciation finale  » ( CourEDH, 6 juin 2000, Morel contre France , req. n°34130/96 , § 45).

vii) Un souci majeur : le respect du principe d’impartialité (3)

654 • Pour garantir l’impartialité des membres du Conseil, des procédures de récusation et de déport volontaire , son corollaire, ont été introduites de manière discrète à l’article 4 du règlement intérieur . Si la récusation résulte d’une double exigence conventionnelle et constitutionnelle, elle est appréciée au regard de la spécificité tant de la justice constitutionnelle que du caractère incident du contrôle introduit par la révision de 2008 et donc la portée de cette procédure comme son effectivité demeurent par conséquent restreintes . Certains ont ainsi pu définir le mécanisme de récusation comme «  une sorte de « bricolage » procédural destiné à donner au justiciable le sentiment d’une justice constitutionnelle impartiale  » E. Cartier, «  La récusation et le déport devant le Conseil constitutionnel : cote mal taillée ou réelle avancée ?  », LPA 2011, 05 mai, n°89, p. 22). Le dispositif adopté en matière de récusation ne répond que partiellement aux soucis de la composition du Conseil puisqu’il est posé une réserve dont l’ambiguïté ne saurait échapper à la critique. La simple « participation » à « l’élaboration de la disposition législative » ( et non de la loi dans son ensemble ) ne suffit pas à constituer une cause de récusation et par là une preuve de la partialité du juge ( art. 4 dernier alinéa du RI ).  Il n’y a eu, jusqu’à ce jour, une unique demande de récusation, concernant 6 des 11 membres du Conseil qui a été déposée en 2011 par Arnaud Montebourg , dans le cadre de deux QPC ( CC, n° 2011-142 QPC et n°2011-143 QPC, 30 juin 2011, Départements de la Seine-Saint-Denis et autres [Concours de l’Etat au financement par les départements du RMI, du RMA et du RSA] , JO, 1 er juillet 2011, p. 11294, Rec. CC, p. 323), le Conseil n’a, au final, validé que deux récusations, celles de Jacques Barrot et de Michel Charasse (Cf. N. Perlo, «  Les premières récusations au Conseil constitutionnel : réponses et nouveaux questionnements sur un instrument à double tranchant  », AIJC 2012, n°27, p. 61 et suiv.). La procédure du déport est, elle, volontaire et exclusivement ancré dans le for intérieur du juge, tout membre ayant la faculté et même le devoir de se déporter s’il estime ne pas être en mesure de juger le cas avec toute l’impartialité nécessaire et ceci, sans que le Conseil ne puisse en apprécier la pertinence. Sur le plan statistique, «  une affaire sur dix donne lieu au déport d’un membre » (M. Disant, Droit de la question prioritaire de constitutionnalité. Cadre juridique, Pratiques jurisprudentielles, Paris, Editions Lamy, 2011, n°400). Le président du Conseil peut, lui-même décider de s’abstenir de siéger ( CC, n°2010-29/37 QPC, 22 septembre 2010,  Commune de Besançon et autre [Instruction CNI et passeports] , JO, 23 septembre 2010, p. 17293, Rec. CC, p. 248 ; CC, n°2010/96 QPC, 4 février 2011, M. Jean-Louis de L. [Zone des 50 pas géométriques] , JO, 5 février 2011, p. 2354, Rec. CC, p. 102 ; CC, n°2011-117 QPC, 8 avril 2011, M. Jean-Paul H. [Financement des campagnes électorales et inéligibilité] , JO, 9 avril 2011, p. 6362, Rec. CC, p. 186).

b) Un ordre constitutionnel complémentaire aux ordre administratif et judiciaire

I) un conseil constitutionnel qui ne s’inscrit pas dans la ligne du modèle américain.

655 • On distingue généralement deux modèles de justice constitutionnelle. Il y a d’abord le modèle d’inspiration américaine dont la Cour suprême des Etats-Unis est l’exemple le plus ancien (Cf. A. Deysine, La Cour Suprême des Etats-Unis. Droit, politique et démocratie, Paris, Dalloz, 2015). Le contrôle de constitutionnalité de la loi n’était pas, d’un prime abord, prévu lors de la mise en place initiale de cette Cour par la Constitution ( Constitution du 17 septembre 1787 ). C’est la Cour, elle-même, en dégageant une approche pragmatique, qui va s’arroger le pouvoir d’effectuer un tel contrôle ( Cour suprême des Etats-Unis, 24 février 1803 Marbury contre Madison (arrêt 5 U.S. 137) in E. Zoller (dir.), Les Grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis, Paris, Dalloz, 2010, p. 1 ). Celui-ci va alors s’exercer par voie d’exception ( la loi n’est pas directement attaquée), de manière a posteriori (la loi a déjà été promulguée et appliquée ), de façon concrète, subjective ( le contrôle est effectué à partir d’un litige précis ) et déconcentré( tous les juges du pays sont compétents pour l’exercer ). Ce contrôle de la loi exercé par tous les juges est régulé par la Cour suprêmequi est, de ce fait placé au sommet d’un ordre de juridiction unique. Il y a un pouvoir hiérarchique qui est mis en place entre la Cour suprême et les autres autorités juridictionnelles qui en relève par la voie de l’appel et de la cassation . La Cour dispose même de la possibilité d’annuler les décisions des juridictions fédérales tout comme celles des Cours suprêmes des Etats fédérés et peut ainsi imposer son point de vue aux autorités inférieures. C’est notamment l’apport de l’arrêt «  Cohens contre Virginia » en 1821 (Cour suprême des Etats-Unis, 3 mars 1821, Cohens contre Virginia (19 U.S. (6 Wheat.)264), Cf. E. Zoller (dir.) «  La suprématie de la Cour suprême des Etats-Unis sur les Cours suprêmes d’Etat  », in Les grands arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis préc., p. 56).

ii) Un Conseil constitutionnel qui ne s’inscrit pas dans la ligne du modèle Kelsenien

656 • A la différence des origines prétoriennes du système américain, le modèle européen trouve sa source dans l’œuvre doctrinale d’un professeur de droit, Hans Kelsen (H. Kelsen, Reine Rechtslehre, Editions F. Deuticke, 1934, réédition et traduction H. Kelsen, Une théorie pure du droit Paris, LGDJ, 1999). C’est après la 1 ère Guerre mondiale que celui-ci évoque l’idée d’un contrôle de constitutionnalité des lois qui aura pour principales caractéristiques d’être concentré, par voie d’action et rendue a priori (Cf. H. Kelsen, « La garantie juridictionnelle de la Constitution (La justice constitutionnelle) », RDP 1928, p. 197 et « Le contrôle de constitutionnalité des lois. Une étude comparative des constitutions autrichienne et américaine », RFDC 1990, n°1, p. 17. Ce modèle, apparu en 1920 avec la création de la Cour constitutionnelle d’Autriche, se caractérise par une approche théorique et procédurale nécessitant la création d’une Cour constitutionnelle spécialement et exclusivement créée pour connaitre du contentieux constitutionnel (Voir C. Eisenmann, La justice constitutionnelle et la Haute Cour constitutionnelle d’Autriche (1928), rééd., Paris, Economica, 1986). Cette Cour ne s’apparente alors pas à une Cour suprême parce qu’elle est, à la fois, distincte et indépendante, par rapport à l’appareil juridictionnel ordinaire et, qu’en conséquence, elle n’est pas en mesure de lui imposer ces décisions.

iii) Un système européen qui permet de rapprocher Cour constitutionnelle et Cour suprême

657 • De façon générale, c’est la définition du professeur Louis Favoreu , qui définit les Cours suprêmes par opposition aux Cours constitutionnelles , qui est utilisée par la doctrine et qui fait office de référence pour caractériser une Cour suprême. Elles sont ainsi présentées comme «  des juridictions placées au sommet de l’édifice juridictionnel d’un Etat et dont relève par la voie de l’appel ou de la cassation l’ensemble des tribunaux et cours composant cet édifice   » (L. Favoreu, « Cours suprêmes et Cours constitutionnelles » in L. Cadiet (dir.), Dictionnaire de la Justice, PUF, Paris, 2004, p. 277). Une Cour serait suprême quand tous les ordres juridiques et juridictionnels d’un pays seraient unifiés par son action et sous son autorité, quand elle aurait compétence pour dire le droit et décider du fait et quand elle fonderait ses décisions sur la norme suprême du système juridique, c’est-à-dire la Constitution (Cf. J. Bonnet, J.-Y. Gahdoun et D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel, Paris, LGDJ, 11 ème éd., 2016, n°90 qui prennent pour référence R. Drago, « La Cour de cassation, Cour suprême », in L’image doctrinale de la Cour de cassation, Paris, La documentation française, 1994, p. 19). Dans le modèle européen, les systèmes peuvent cumuler le contrôle a priori avec le contrôle a posteriori et, dans cette logique, rapprocher la Cour constitutionnelle d’une Cour suprême. Dans certains pays ( Italie, Allemagne, Espagne ), le juge ordinaire a la possibilité de poser une question préjudicielle sur la constitutionnalité d’une loi dont il doit faire application. Les citoyens eux-mêmes peuvent se prévaloir devant la Cour constitutionnelle en cas de violation par l’administration ou un juge de leurs droits et libertés fondamentales. C’est le système qu’on a déjà pu évoquer précédemment de l’Amparo en Espagne ou de la Verfassungbeschwerde en Allemagne (Cf. Pour l’ensemble des trois pays mentionnés : M.-E. Casas Baamonde, «  Le contrôle de constitutionnalité, l’expérience espagnole  », Cahiers du CC 2009, hors-série, 3 novembre ; C. Grewe, «  Le contrôle de constitutionnalité de la loi en Allemagne : quelques comparaisons avec le système français  », Pouvoirs 2011, n°137, p.143 ; F. Gallo, «  Le modèle italien de justice constitutionnelle  », Nouveaux Cahiers du CC 2001, n°42, p. 264 ; A. Pizzorusso, «  Cour constitutionnelle italienne  », RIDC 1981, vol. n°33, p. 404).

iv) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (1)

658 • C’est un tout autre système qui existait en France jusqu’à l’introduction de la QPC, qui ne connaissait pas de procédure de question préjudicielle pas plus que de recours individuel contre les jugements. Le rapport entre la juridiction constitutionnelle et les juges ordinaires tenant, exclusivement et simplement dans la reconnaissance et la portée que les juges ordinaires accordent à l’autorité des décisions du juge constitutionnel . On a pu voir que la portée de cette autorité était strictement limitée, pour les juges ordinaires, à l’application de la loi contrôlée par le Conseil. Ces derniers ne voulant pas, ainsi, se soumettre purement et simplement aux interprétations générales du Conseil et ne voulant pas aller plus loin que l’autorité de chose jugée et appliquer une autorité dite de chose interprétée. Il n’y avait pas de position dominante et aucun contrôle des juges ordinaires dans ce cadre pour le Conseil, les décisions de ce dernier ne s’imposant pas juridiquement mais seulement par leur force éventuelle de persuasion . La logique de la QPC est différente. A la différence du contrôle a priori qui s’inscrit dans la procédure d’élaboration de la loi et dans une logique politique, la QPC s’inscrit dans un cadre juridictionnel et dans le contentieux classique des juges ordinaires. Dominique Rousseau détermine trois éléments susceptibles, dans ce cadre, de faire du Conseil une véritable Cour suprême ( D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°91 et suivants ). Le 1 er élément réside dans le caractère prioritaire de la QPC qui a été réaffirmé par le Conseil vis-à-vis du droit de l’Union et, plus largement, du droit conventionnel en réponse aux inquiétudes qui avaient initialement été exprimées par la Cour de cassation. Le 2 nd élément identifié par l’auteur réside dans le lien organique obligé qui, à travers la procédure de filtrage, est créé entre les juges ordinaires et le Conseil . Pour décider notamment du caractère «  sérieux  » ou «  nouveau  » de la question soumise à leur examen, les juges ordinaires doivent intégrer la jurisprudence constitutionnelle dans leur raisonnement. Dans cette «  nouvelle chaine juridictionnelle inédite  » ( D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°96 ) les juges ordinaires ne peuvent pas juger eux-mêmes la loi contestée devant eux et sont forcément dépendants de la décision du Conseil.

v) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (2)

659 • Le 3 ème élément susceptible de définir le Conseil comme une Cour suprême est, paradoxalement, la soumission du Conseil aux interprétations législatives faites par les juges ordinaires . Dès que cette interprétation est constante, le Conseil prend celle-ci pour acquise et ne substitue pas sa propre interprétation (Cf. CC, n°2010-39 QPC, 6 octobre 2010, Mmes Isabelle D. et Isabelle B. [Adoption au sein d’un couple non marié], JO, 7 octobre 2010, p. 18154, Rec. CC, p. 264 où le Conseil a admis qu’en posant une QPC «  tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu’une interprétation jurisprudentielle constante confère à [une] disposition   législative  »). Mais cette interprétation n’est pas pour autant absolue et est soumise au contrôle du Conseil (Cf. J. Béal-Long, «  Le contrôle de l’interprétation jurisprudentielle constante en QPC  », RFDC 2016, n°105, p. 256). Toujours dans la décision du 6 octobre 2010, il a jugé que l’interprétation donnée par le juge ordinaire de l’article 365 du Code Civil comme interdisant l’adoption d’un enfant mineur par un couple non marié ne portait pas atteinte ni au droit de mener une vie familiale normale, ni au principe d’égalité et a été jugé conforme (cons. n°8 et n°9). Par contre, dans une décision du 14 octobre 2010, l’interprétation jurisprudentielle a été la source de l’inconstitutionnalité puisque le Conseil a considéré que l’interprétation retenue par le Conseil d’Etat prévalait sur celle du gouvernement et amenait à ce que la disposition législative soit contraire au principe d’égalité devant les charges publiques ( CC, n°2010-52 QPC, 14 octobre 2010, Compagnie agricole de la Crau [Imposition due par une société agricole] , JO, 15 octobre 2010, p. 18540, Rec. CC, p. 283). L’interprétation jurisprudentielle n’est pas toujours la source de l’inconstitutionnalité, mais elle constitue souvent le support nécessaire au contrôle en tant qu’elle détermine l’applicabilité de la norme constitutionnelle ( CC, n°2011-201 QPC, 02 décembre 2011, Consorts D. [Plan d’alignement] , JO, 3 décembre 2011, p. 20497, Rec. CC, p. 563 où le Conseil tient compte de l’interprétation jurisprudentielle du Conseil d’Etat concernant la procédure d’alignement (art. L. 112-2 Code voirie routière) pour écarter le bien-fondé du grief tenant à la privation du droit de propriété (art. 2 et 17 DDHC) ; CC, n°2012-266 QPC, 20 juillet 2012, M. Georges R. [Perte de l’indemnité prévue en cas de décision administrative d’abattage d’animaux malades] , JO, 21 juillet 2012, p. 12001, Rec. CC, p. 390 où l’évocation de l’interprétation jurisprudentielle contribue à déterminer l’applicabilité de l’article 8 DDHC sans que cette dernière ne soit confrontée ni au principe constitutionnel de clarté et de précision des délits   ni à celui sur la proportionnalité des peines ).

vi) Un Conseil constitutionnel qui devient une Cour suprême avec la création de la QPC (3)

660 • Il faut relever aussi que le Conseil préfère désormais privilégier la formulation des « réserves d’interprétation » plutôt que de rendre des décisions interprétatives d’annulation ou des décisions d’annulation de la disposition législative (Voir sur cette tendance : C. Severino, «  Un an de droit vivant devant le Conseil constitutionnel  », Constitutions 2012, p. 43). Il substitue ainsi sa propre interprétation au droit vivant qu’il jugeait contraire à la Constitution ( CC, n°2010-101 QPC, 11 février 2011, Mme Monique P. et autre [Professionnels libéraux soumis à une procédure collective] , JO, 12 février 2011, p. 2758, Rec. CC, p. 116, cons. n°5 ; CC, n°2011-127 QPC, 6 mai 2011, Consorts C. [Faute inexcusable de l’employeur : régime spécial des accidents du travail des marins] , JO, 7 mai 2011, p. 7851, Rec. CC, p. 222, cons. n°9 ; CC, n°2011-164 QPC, 16 septembre 2011, M. Antoine J. [Responsabilité du « producteur » d’un site en ligne] , JO, 17 septembre 2011, p. 15601, Rec. CC, p. 448, cons. n°7). En évitant ainsi la censure, il ne se contente pas de préserver les juges ordinaires pour certains auteurs, il exerce aussi une certaine « emprise  »puisque «  en imposant une interprétation donnée du texte ou en écartant l’une des interprétations possibles […], le juge constitutionnel se substitue au Conseil d’Etat ou à la Cour de cassation dans leur fonction classique d’interprète authentique de la loi  » ( D. Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°99 ). Ainsi, par exemple, dans une décision QPC du 11 février 2011 déjà mentionnée ( CC, n°2011-101 QPC, Mme Monique P. et autre [Professionnels libéraux soumis à une procédure collective] ) , le juge constitutionnel a, par une réserve d’interprétation, étendu le champ d’application des dispositions contestées aux professions libérales, en allant à l’encontre d’une orientation jurisprudentielle bien établie de la Cour de cassation, mentionnée dans les visas de la décision (cons. n°5). Le Conseil joue aussi parfois le rôle d’arbitre en départageant le Conseil d’Etat et la Cour de cassation sur un conflit d’interprétation sur une disposition législative. Dominique Rousseau parle, à cet égard, tour à tour, de «  tribunal des conflits constitutionnels  » lorsque le Conseil d’Etat saisit le Conseil d’une disposition législative objet d’une interprétation divergente de la Cour de cassation ou de «  référé législatif  » lorsque le Conseil d’Etat fait état d’un doute sur la constitutionnalité d’une interprétation constante de la Cour de cassation.

c) Des juges ordinaires qui sortent paradoxalement renforcés de la procédure QPC en devenant juges constitutionnels de droit commun

I) la procédure de filtrage et le « pré-contrôle de constitutionnalité ».

661 • On aurait pu penser, d’un prime abord, que le dispositif QPC amène à placer les juges ordinaires suprêmes sous le contrôle du juge constitutionnel, il n’en est rien, au final, puisque ces derniers se trouvent, paradoxalement, renforcés en tant que juridictions suprêmes, les juges administratifs et judiciaires devenant, malgré la volonté de ne pas installer un contrôle diffus de constitutionnalité de la loi, des juridictions constitutionnelles de droit commun (G. Drago, «  La Cour de cassation, juge constitutionnel  », RDP 2011, p. 1438 ; S.-J. Lieber et D. Botteghi, «  Le juge administratif, juge constitutionnel de droit commun ?  », AJDA 2010, p. 1355). C’est la procédure de filtrage mise en place par l’article 61-1 C° qui amène à ces interactions au niveau des compétences respectives. Par cette procédure, les juges ordinaires conservent la maitrise des renvois des QPC et sont loin d’être soumis, disciplinés ou de faire allégeance au Conseil. Ne se contentant pas d’être de simples «  boites aux lettres constitutionnelles  » (G. Drago, «  La Cour de cassation, juge constitutionnel  » précité), le Conseil d’Etat et la Cour de cassation ne restent pas neutre et renforcent plutôt, par ce biais, leur office dans le contrôle des lois par rapport à la Constitutionen trouvant des raisons supplémentaires d’autonomie. Si l’intention du législateur, au départ, était d’éviter l’engorgement du Conseil constitutionnel, les juges ordinaires, lorsqu’ils apprécient notamment le caractère sérieux de la QPC, se trouvent placés en situation d’exercer un «  pré-contrôle de constitutionnalité  » (Rousseau, Droit du contentieux constitutionnel précité, n°101) et on a pu aussi parler, à cet égard, de «  juge constitutionnel négatif   » dans les premières années de mise en œuvre de la QPC. L’appréciation du caractère sérieux permet de déterminer s’il y a un doute raisonnable quant à l’inconstitutionnalité de la disposition législative et la détermination de ce doute est ainsi laissée à la libre appréciation voire à l’appréciation souveraine des juges ordinaires suprêmes , leurs décisions ne pouvant être remises en cause que par eux-mêmes dans le cadre d’une autre QPC (Voir, par ex., Marthe Fatin-Rouge Stéfanini, «  L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité  » in La QPC : vers une culture constitutionnelle partagée, Paris, LGDJ, 2015, p. 29 et https://halshs.archives-ouvertes.fr, 9 février 2017).

ii) La « théorie de la Constitution claire » et la substitution d’appréciation des juges ordinaires

662 • Dans la procédure de filtrage, l’appréciation des conditions de recevabilité de la QPC s’est très vite transformée en un véritable contrôle de constitutionnalité dans la mesure où tous les moyens peuvent être utilisés par les juges suprêmes pour déterminer le caractère raisonnable de ce doute en l’absence d’une méthode bien définie et de limites claires quant à la manière de déterminer ce caractère sérieux. Dans leur contrôle, les juges suprêmes recourent d’abord aux précédents jurisprudentiels en puisant dans la jurisprudence du Conseil et, dans ce cadre, ils n’hésitent pas à raisonner par analogie et à transposer à des cas nouveaux sa jurisprudence dans la mesure où cette jurisprudence est claire, établie, bien connue. Agnès Roblot-Troizier parle d’ailleurs, à ce sujet, de «  théorie de la Constitution claire » (A. Roblot-Troizier, «  La QPC, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation  », Nouveaux Cahiers du CC 2013, n°40, p. 49). Mais les juridictions peuvent aussi aller plus loin en empruntant au Conseil son appréciation des conditions même de l’atteinte à un droit fondamental. Il en est ainsi lorsqu’elles contrôlent la justification (voir, par ex., Cass., com., 20 décembre 2012, n° de pourvoi : 12-40074 ou CE, 21 septembre 2012, Commune de Vitry-sur-Seine , req. n°360602 ) ou la proportionnalité (voir, par ex., Cass., crim., 22 janvier 2013, n° de pourvoi : 12-90065 ou CE, 22 octobre 2010, Père , req. n°341869 ) de l’atteinte à ce droit. Lorsqu’ils écartent la QPC dans ce cadre, que l’article de la loi n’amène pas une atteinte excessive aux droits et libertés constitutionnellement garantis ou qu’il soit assez justifié au regard de l’objectif d’intérêt général , les juridictions suprêmes suppléent leur appréciation à celle que pourrait faire le Conseil. Cette appréciation peut parfois être sujette à critique.

iii) L’exemple de la Cour de cassation, juge constitutionnel de droit commun

663 • On peut parler, à titre d’exemple, du refus répété de la Cour de cassation de transmettre la moindre QPC au Conseil sur la loi « Gayssot » du 13 juillet 1990 ( l oi n°90-615 du 13 juillet 1990 (JO, 14 juillet 1990, p. 8333) tendant à réprimer tout acte raciste, antisémite ou xénophobe) instaurant le délit de contestation de crimes contre l’humanité ( Cass., crim., 7 mai 2010, n° de pourvoi : 09-80.774  ; Cass., crim., 5 décembre 2012, n° de pourvoi : 12-86.382  ; Cass., crim., 6 mai 2014, n° de pourvoi : 14-90.010 ) avant qu’elle ne décide finalement de franchir le pas ( Cass., crim., 6 octobre 2015, n° de pourvoi : 15-84.335 QPC , Bull. crim. 2015, n° 219) et que le Conseil ne clos définitivement les débats sur la constitutionnalité de la loi en consacrant de manière solennelle qu’elle a pour objet de «  réprimer un abus de l’exercice de la liberté d’expression  » ( CC, n°2015-512 QPC, 8 janvier 2016, M. Vincent R. [Délit de contestation de l’existence de certains crimes contre l’humanité] , JO, 10 janvier 2016, texte n° 20, cons. n°7). Cette consécration arrive après un brevet de validité initial délivré par le CourEDH ( CourEDH, 23 octobre 2000, Garaudy contre France , req. n°65831/01  ; Voir aussi CourEDH, 15 octobre 2015, Perinçek contre Suisse , req. n°275510, § 209 à 212 pour un résumé de la jurisprudence européenne sur la pénalisation des propos contestant l’Holocauste ) et une précédente décision du Conseil allant dans le même sens ( CC, n°2012-647 DC, 28 février 2012, Loi visant à réprimer la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi , JO, 2 mars 2012, p. 3988, Rec. CC, p. 139). Elle doit aussi être rapproché d’une décision plus récente dans le contrôle a priori ( CC, n°2016-745 DC, 26 janvier 2017, Loi relative à l’égalité et à la citoyenneté , JO, 28 janvier 2017, texte n°2) où le Conseil a déclaré contraire à la Constitution l’article 173 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 (JO, 28 janvier 2017, texte n°1) relative à l’égalité et à la citoyenneté parce qu’il contenait des dispositions à l’origine de deux nouvelles incriminations du négationnisme venant s’ajouter à celle déjà existante dans le but d’instaurer une égalité réelle entre la mémoire des victimes de la Shoah et de celle des autres crimes commis dans l’histoire de l’humanité. Le Conseil a considéré qu’en « réprimant la négation, la minoration et la banalisation de certains crimes n’ayant fait l’objet d’aucune condamnation judiciaire préalable », le législateur « a porté atteinte à l’exercice de la liberté d’expression qui n’est ni nécessaire ni proportionné » (Cf. F. Safi, «  A la recherche d’un fondement à l’incrimination du négationnisme  », D. 2017, p. 6860).

iv) L’exemple du Conseil d’État, juge constitutionnel de droit commun

664 • Le Conseil d’Etat n’est pas en reste quand il s’agit de se comporter en juge constitutionnel. S’il ne peut pas, comme la Cour de cassation , déclarer conforme à la Constitution la disposition législative contestée, il peut participer au contrôle de constitutionnalité en écartant le grief d’inconstitutionnalité par une motivation qui établit sa constitutionnalité . On peut citer, par exemple, la décision «  Association Alcaly  » par laquelle il a refusé de renvoyer une QPC sur des dispositions législatives régissant la procédure de déclaration d’utilité publique mettant en cause la partialité structurelle du Conseil d’Etat au regard de sa double fonction consultative et contentieuse. Ces dispositions ont été présentées comme méconnaissant le droit à un procès équitable qui découle de l’article 16 de la DDHC. Mais, alors que la coexistence des fonctions administratives et contentieuses, au sein de l’organisation interne du Conseil d’Etat, est régulièrement mise en cause voire l’objet d’aménagements, le moyen est écarté par le biais d’une motivation reposant, d’une part, sur la portée des normes constitutionnelles invoquées (art. 37 C°, 38 C°, 39 C° et 61-1 C°), telles qu’interprétées par le juge constitutionnel, d’autre part, sur une explication pédagogique des procédures suivies devant le Conseil d’Etat ( CE, 16 avril 2010, Association Alcaly et autres , req. n°320667 , AJDA 2010, p. 812). On peut aussi citer la décision « Arezki D. » où le Conseil d’Etat a bloqué la constitutionnalisation des procédures administratives répressives en r efusant de transmettre la question de la conformité à l’article 34 C° et au principe d’égalité d’une disposition qui, dans le cadre de la procédure disciplinaire universitaire, ne garantit pas systématiquement le recours en appel ( CE, 10 octobre 2011, M. Arezki D. , req. n°350969 ). Le Conseil d’Etat a argumenté comme s’il rendait une décision en matière de contentieux administratif, alors qu’il s’agit ici d’une QPC et a privilégié sa propre interprétation du double degré de juridiction sur celle du Conseil constitutionnel. Les arguments de la valeur « para-constitutionnelle » du double degré de juridiction et l’absence de protection conventionnelle de ce dernier n’ont pas été considérés comme suffisants par le Conseil d’Etat (Voir, en ce sens, C. Roynier, «  Le Conseil d’Etat bloque la constitutionnalisation des procédures administratives répressives  », AJDA 2012, p. 664).

v) Un nouvel ordre constitutionnel composé de trois degrés de juridiction

665 • En définitive, le juge constitutionnel, à travers la procédure QPC, conserve le monopole de la censure mais il perd son rôle de principal interprète de la Constitution. Les juges du filtre sont devenus, de fait, des juges constitutionnels «  négatifs  »(J. Barthélemy et L. Bore, «  Juges constitutionnels négatifs et interprète négatif de la loi  », Constitutions 2011, p. 69 ou de «  droit commun  » (Cf. doctrine précitée). Plus précisément, c’est un nouvel «  ordre constitutionnel  » qui a été créé par le pouvoir constituant, un «  ordre constitutionnel  » composé de trois degrés de juridiction : les juges administratifs et judiciaires du fond au 1 er niveau , le Conseil d’Etat et la Cour de cassation au 2 nd niveau mais aussi le Conseil constitutionnel au 3 ème niveau . Si le juge constitutionnel n’a plus le monopole dans le contrôle de constitutionnalité, il continue à agir dans ce cadre en tant que juge suprême, en tant que juge placé au sommet d’un ordre de juridiction. Il n’est simplement plus le seul à agir en ce sens (Cf. J. Barthélemy et L. Boré, «  L’ordre constitutionnel  », Constitutions 2010, p. 252). La question a pu se poser néanmoins de savoir si le juge constitutionnel était alors devenu un «  juge de l’exception  » en la matière en comparaison à la nouvelle compétence des juges ordinaires (M. Fatin-Rouge Stéfanini, «  L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité  » in E. Cartier, L. Gay et A. Viala (dir.), La QPC : vers une culture constitutionnelle partagée, Institut Universitaire Varenne Paris, LGDJ, 2015, p. 29 ou www. halshs.archives-ouvertes.fr ).

vi) Un pouvoir trop important confié aux juges ordinaires ?

666 • Certains auteurs jugent le pouvoir confié aux juridictions suprêmes ordinaires pour déterminer le caractère sérieux de la demande et décider du renvoi «  trop important dans le contexte français  » (M. Fatin-Rouge Stéfanini, «  L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité  » précité). Elles sont ainsi accusées d’être à la fois juge et partieslorsqu’elles sont notamment amenées à examiner s’il y a lieu ou non de renvoyer au Conseil les QPC remettant en cause leur propre jurisprudence (D. Rousseau, « La Cour a ses raisons, la raison les siennes ! », RDP 2011, p. 1464 ; A. Roblot-Troizier, « Question prioritaire de constitutionnalité et interprétations jurisprudentielles ou impartialité d’un juge statuant sur la constitutionnalité de sa propre jurisprudence », RFDA 2011, n° 6, p. 1217). Reste une dernière critique, celle qui pourrait faire du filtrage ainsi excessif opéré par les juges ordinaires une procédure préjudiciable à l’objet même de la QPC à savoir celui de protéger concrètement le justiciable dans l’exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis (En ce sens, M. Fatin-Rouge Stéfanini, «  L’appréciation, par les Cours suprêmes, du caractère sérieux de la question de constitutionnalité  » précité). Pour certains, l’interprétation poussée de la constitutionnalité ou la possibilité de substitution au contrôle exercé par le juge constitutionnel peuvent faire en sorte de « confisquer » la procédure par les juridictions suprêmes au détriment des justiciables (Voir L. Gay, « Le double filtrage des QPC : une spécificité française en question ? Modalités et incidences de la sélection des questions de constitutionnalité en France, Allemagne Italie et Espagne », in L. Gay (dir.), La question prioritaire de constitutionnalité, Approche de droit comparé, Bruxelles, Bruylant , p. 77-78) ce qui serait contraire à l’objectif initial de la procédure.

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About Christophe De Bernardinis

Maître de conférences en droit public à l'Université de Lorraine (Metz)

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La QPC et les « droits et libertés que la Constitution garantit » : consécration et façonnage d’une nouvelle catégorie du droit constitutionnel

La QPC est conditionnée au fait que les dispositions contestées par cette voie le soient au motif qu’elles portent atteinte aux « droits et libertés que la Constitution garantit ». La présente contribution s’intéresse dès lors à cette catégorie essentielle à la compréhension et l’analyse de cette nouvelle voie de droit. S’intéressant à la manière dont les contours exacts de cette catégorie ont été façonnés au fil de dix années de QPC, elle examine d’abord la contribution du Conseil constitutionnel lui-même. On met en évidence la part de formalisme qui caractérise le travail d’interprétation du Conseil, ainsi que l’approche essentiellement abstraite du contrôle qu’il opère, dès lors, sur l’argument de l’atteinte aux « droits et libertés que la Constitution garantit ». On porte ensuite le regard sur les facteurs extérieurs qui, en amont, contribuent à façonner la catégorie ; en particulier, on met en évidence l’importance, de ce point de vue, du profil des requérants qui se sont emparés de la QPC. L’importance relative des personnes morales dans le contentieux de la QPC et, parmi elles, des porteuses d’intérêts économiques, constitue un facteur d’explication de la relative montée en puissance des libertés économiques qui s’y donne à voir.

The QPC is conditioned on the fact that the impugned decisions must be challenged because they violate some « rights and freedoms guaranteed by the Constitution ». The present contribution seeks to unearth the precise contours of this operative legal category in order to assess this new procedural route. As it seeks to unveil the ways in which its precise contours have been delineated in the course of 10 years of QPC, it first looks at the contribution of the Conseil constitutionnel in this respect. It evidences in particular the formalism of its reasoning, as well as the abstract nature of the review it exercises over whether constitutional rights have been violated. It then turns to exterior factors that impact on the shaping of the category ; in particular, the paper underlines the importance of the profile of QPC applicants. The relative importance of corporate entities, and within these, of entities who pursue economic interests, is read as one of the factors explaining the relative increase of economic freedoms in constitutional caselaw.

Mots-clés :

Keywords: , texte intégral, introduction.

1 La question prioritaire de constitutionnalité se définit, d’emblée, comme portant sur « les droits et libertés que la Constitution garantit » : c’est ainsi que l’article 61-1 de la Constitution a défini cette nouvelle procédure de contrôle de constitutionnalité. A l’inverse de celui qui s’exerce sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, il ne s’agit donc pas, en QPC, de confronter la loi à l’ensemble des règles constitutionnelles mais, de manière plus étroite et spécifique, de ne permettre son contrôle a posteriori que dans les cas où l’argument d’une méconnaissance d’un droit fondamental - d’un droit ou d’une liberté garantie par la Constitution - peut être sérieusement avancé.

  • 1 V. par exemple : Caroline Lantero, « Les libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du co (...)
  • 2 V. par exemple : J.-G. Huglo, E. Durlach, « Qu’est-ce qu’une liberté fondamentale au sens de la Cha (...)
  • 3 On parle ici bien sûr de contrôle et de souveraineté en dernier ressort : il ne s’agit pas bien sûr (...)
  • 4 Véronique Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, Eco (...)

5 En matière de PFLR, voir les critères définis par le Conseil in CC, 20 juil. 1988, n° 88-244 DC.

2 Faire le bilan de dix ans de QPC, c’est donc nécessairement mobiliser le corpus des 730 décisions rendues par le Conseil dans ce cadre pour tenter de décrire et d’analyser ce qu’il a fait de cette catégorie primordiale des « droits et libertés que la Constitution garantit ». Suite à la consécration de la procédure du référé-liberté devant le juge administratif par la loi du 30 juin 2000 qui avait consacré la notion de « liberté fondamentale », il était vite apparu que la catégorie ne préexistait pas à la nouvelle procédure de l’article L. 521-2 CJA et qu’elle était donc en réalité à la main du juge administratif 1 qui pouvait, pour en déterminer les contours, s’affranchir de ceux qui définissent d’autres catégories voisines (à l’instar des droits et libertés de valeur constitutionnelle reconnus par le Conseil constitutionnel ou encore des libertés fondamentales auxquelles se réfère le juge judiciaire 2 ). C’est donc de la même manière que le présent chapitre part de l’hypothèse du contrôle et de la souveraineté du Conseil constitutionnel dans la définition de celle des « droits et libertés que la Constitution garantit » 3 - hypothèse renforcée par le fait que, contrairement à ce qu’il avait pu faire dans le cadre du contrôle de l’article 61 à propos de la catégorie des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » 4 , le Conseil n’a jamais, dans le cadre de l’article 61-1, listé ou fixé de critères d’identification des droits et libertés que la Constitution garantit 5 .

3 Cette souveraineté ne s’exerce cependant, par hypothèse, que lorsque le Conseil est saisi : le fait qu’il n’existe pas, en matière de QPC, d’auto-saisine du juge constitutionnel place ce dernier sur un sentier de dépendance vis-à-vis de la substance et de la manière dont les QPC qui lui sont transmises sont formulées. Pour le dire grossièrement, si une part significative du contentieux QPC était portée par des requérant-es de type syndicats de travailleurs, organisations de défense des droits humains ou de protection de l’environnement, il y a fort à parier que la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » n’aurait pas les mêmes contours que s’il résultait, au contraire, de requérant-es porteurs d’intérêts d’abord économiques, financiers, ou institutionnels (entreprises et fédérations d’entreprises, banques et cabinets de conseil, collectivités et établissements publics…). De ce fait, il importe, pour décrire et analyser la catégorie à laquelle on s’intéresse ici, de s’attacher à la fois à la part essentielle de souveraineté interprétative du Conseil constitutionnel de ce point de vue, mais aussi à celle de l’ input qui lui parvient - sur lequel il n’a, en revanche, guère de prise. Le présent chapitre sera par conséquent divisé en deux sections. On examinera d’abord la mesure dans laquelle le façonnage de la catégorie est, en aval, essentiellement à la main du Conseil constitutionnel (section 1), pour se tourner ensuite vers les facteurs extérieurs qui, en amont, contribuent aussi à dessiner ses contours. En particulier, on s’intéressera à divers éléments caractérisant le profil des requérant-es de dix années de QPC, pour en tirer des éléments complémentaires pesant sur la détermination des contours des « droits et libertés que la Constitution garantit » (section 2).

Section 1 : Une catégorie à la main du Conseil constitutionnel

  • 6 Parmi de nombreux exemples : la garde des Sceaux Rachida Dati présente la réforme constitutionnelle (...)

4 La QPC a-t-elle été l’occasion pour le Conseil constitutionnel de développer et amplifier significativement la protection constitutionnelle des droits et libertés ? Il ne fait guère de doute qu’une telle perspective figurait en bonne place parmi les promesses faites par les porteurs et promoteurs de la réforme constitutionnelle de 2008 qui la vit naître 6 . Concrètement, la liberté herméneutique dont jouissait d’emblée le Conseil constitutionnel pour déterminer ce qui relevait, ou non, de la catégorie « droits et libertés que la Constitution garantit » constituait un puissant levier potentiel pour ce faire.

7 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , LGDJ, 2013.

  • 8 Dans le même sens et pour un constat similaire : Karine Foucher dir., L'apport de la question prior (...)

9 CC, 16 sept. 2010, n° 2010-25QPC.

10 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , p. 227.

11 CC, 30 mars 2012, n° 2012-227QPC.

12 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , p. 239.

13 CC, 7 oct. 2010, n° 2010-42 QPC, p. 263.

14 CC, 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC, p. 303.

15 CC, 30 juin 2011, n° 2011-142/145 QPC, p. 339.

16 CC, 1 er avr. 2011, n° 2011-119 QPC, p. 270.

17 CC, 29 avr. 2011, n° 2011-123 QPC, p. 277.

18 CC, 26 nov. 2010, n° 2010-71QPC, p. 283.

  • 19 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , p. 251, à propos d (...)

5 Certes, la publication très rapide, après l’entrée en vigueur de la réforme instituant la QPC, d’un recueil des Grandes décisions de la QPC 7 pourrait laisser penser que cette nouvelle voie de droit avait, d’emblée, donné naissance à nombre de « grandes décisions ». Ce serait toutefois tomber dans le piège des multiples facteurs qui pèsent sur l’élévation doctrinale d’une œuvre jurisprudentielle au statut de « grande décision ». Ce serait ensuite passer un peu vite sur le fait que cette publication recense en réalité plus de décisions rendues par les juges du filtre que de décisions QPC rendues par le Conseil lui-même. Ce serait, surtout, ignorer le fait que l’ouvrage lui-même délivre en réalité un son de cloche bien différent que celui que laisse présager son titre. Ainsi, la seconde partie de l’ouvrage consacrée aux « droits et libertés garantis » par la QPC décrit une jurisprudence en réalité bien terne 8  : la décision sélectionnée pour illustrer la garantie du principe de dignité 9 est décrite dans les termes suivants : « Le Conseil constitutionnel semble réticent à se référer au principe de dignité dont la portée et le champ d’application restent imprécis » 10 . Celle relative au droit au respect de la vie privée 11 révèlerait que l’approche qu’en a le Conseil constitutionnel est « essentiellement procédural[e] » 12 . De nombreuses autres sont à peine évaluées mais semblent ne figurer dans l’ouvrage qu’en tant qu’elles illustrent, statiquement, la reconnaissance explicite de l’invocabilité du droit ou de la liberté considérée en QPC. Il en va ainsi des droits collectifs des travailleurs (liberté syndicale, droit de participation) 13 , du droit au juge 14 ou encore du principe de libre administration des collectivités locales 15 . Pour d’autres droits, l’ouvrage souligne au contraire leur fragilité (ou fragilisation ?) dans le cadre de la QPC. C’est le cas du droit à l’emploi, qui peut certes être invoqué en QPC, mais dont « la portée est limitée au regard de sa nature d’objectif constitutionnel’« 16 . C’est aussi le cas du principe de solidarité, qui doit non seulement « se concilier avec le principe d’égalité » mais encore « n’empêche pas le législateur de supprimer des dispositions sociales qu’il estimerait ‘excessives ou inutiles’« 17 . C’est encore le cas du droit à la santé, « qui doit être articulé avec d’autres principes constitutionnels et en particulier la liberté individuelle » 18 . Il n’y a guère dans l’ouvrage que le droit de propriété, la liberté d’entreprendre et la liberté contractuelle qui sont décrits comme « recev[ant] une portée nouvelle avec la QPC » 19 . En outre, le fait que l’ouvrage, initialement publié en 2013, n’ait, depuis, pas fait l’objet d’une réédition (alors même que l’on connaît l’importance, pour les maisons d’édition juridiques, des mises à jour et rééditions multiples des ouvrages de droit) constitue un puissant indicateur de la difficulté liée à l’identification de « grandes décisions » en QPC.

6 Autant dire que, plutôt que de prendre pour point de départ l’idée selon laquelle la QPC aurait renforcé la protection constitutionnelle des droits et libertés, la présente étude se donne comme objectif d’analyser l’œuvre du Conseil constitutionnel dans le façonnage de la catégorie « droits et libertés que la Constitution garantit ». L’analyse statistique globale dans laquelle cette étude s’insère est complétée par une approche qualitative spécifique des occurrences dans lesquelles le Conseil constitutionnel a explicitement rejeté certaines des prétentions qui lui parvenaient par le biais de la QPC en arguant de ce qu’aucun des « droits et libertés que la Constitution garantit » n’était en cause. Cela nous mène à formuler l’observation suivante : le travail interprétatif mené par le Conseil sur cette catégorie est caractérisé par un formalisme certain, qui produit pour effets d’une part de limiter strictement la QPC au contrôle de certaines règles constitutionnelles ( I ) et d’autre part à privilégier, à rebours de la promesse de l’avènement d’un contrôle concret de la constitutionnalité des lois, une approche très abstraite des « droits et libertés que la Constitution garantit » ( II ).

I- Des « droits et libertés » ne trouvant leur source que dans un nombre restreint de règles constitutionnelles

  • 20 D’ailleurs, le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale de la loi constitutionn (...)

7 Dès lors que la QPC a été créée dans le but de permettre un contrôle a posteriori de la constitutionnalité des lois lorsqu’étaient en cause des droits et libertés constitutionnels, il n’y a rien de surprenant dans le fait que les différents éléments composant ce qui est désormais appelé le « bloc de constitutionnalité » figurent en bonne place parmi les normes de référence. Ainsi, la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, mais aussi les PFLR et autres principes particulièrement nécessaires à notre temps ou encore la charte de l’environnement comptent évidemment parmi les sources de « droits et libertés que la Constitution garantit » 20 .

  • 21 De fait, ont ainsi été reconnus comme consacrant des droits et libertés au sens de l’article 61-1 d (...)
  • 22 Dominique Rousseau, Pierre-Yves Gahdoun, Julien Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel , 11 ème (...)

8 Mais s’agit-il pour autant de considérer que seuls ces éléments du bloc de constitutionnalité devraient pouvoir constituer la source des « droits et libertés que la Constitution garantit » ? Une réponse négative paraît s’imposer, tant il n’y a guère de raison, historique, juridique ou politique, de cantonner strictement dans le préambule de la Constitution les sources de la protection constitutionnelle des libertés. Le contentieux de l’article 61 l’avait déjà montré, qui trouvait dans de nombreuses dispositions de la Constitution des sources utiles de ce point de vue (article 66, article 34…) ; et il n’y avait pas de raison que les choses procèdent différemment en matière de QPC 21 . Pour autant, « il existe, dans la Constitution, des règles qui n’instituent manifestement pas des droits ou des libertés » 22  ; et il importait de ce point de vue de traduire en actes la volonté du constituant de faire de la QPC un contrôle de constitutionnalité « spécialisé » et non général. L’analyse des 730 décisions qui constituent notre corpus d’analyse permet d’observer que le Conseil a exclu de la QPC les règles constitutionnelles considérées comme ne consacrant pas explicitement un droit subjectif, soit qu’elles concernent le fonctionnement lato sensu des pouvoirs publics, soit qu’elles ne s’adressent pas directement au justiciable.

  • 23 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC op.cit. , chapitre 5 « Les pri (...)

24 Dominique Rousseau, La Question prioritaire de constitutionnalité, Lextenso, 2012, section IV

  • 26 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , LGDJ, 2013, op.cit. (chapitr (...)

9 Ainsi, par principe, la QPC exclut donc les inconstitutionnalités « horizontales » 23 ( A ). Cela étant, le principe au regard duquel les griefs tirés de la méconnaissance d’une règle de procédure, de compétence, d’habilitation ou d’organisation des pouvoirs publics ne sauraient valablement être invoqués à l’appui d’une QPC fait l’objet de plusieurs aménagements de la part du Conseil constitutionnel. En effet, certaines règles d’habilitation ou de compétence jouissent d’une « invocabilité partielle » 24 ou « indirecte » 25 . Par exception, la QPC ne se limite donc pas aux inconstitutionnalités « verticales » 26 ( B ). Dans les deux cas de figure, aucun critère ne semble néanmoins a priori pouvoir permettre de déterminer avec certitude les critères présidant à l’élaboration de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ». Seul le Conseil constitutionnel apparaît en effet avoir la main sur cette élaboration, et ce, sans qu’il soit possible de décrypter les conditions qui la sous-tendent ( C ).

A. Le principe : l’exclusion des inconstitutionnalités « horizontales »

10 La liste des exclusions des inconstitutionnalités « horizontales » peut être divisée en deux catégories. Certaines d’entre elles paraissent plus évidentes que d’autres, non pas par nature mais eu égard à la manière dont a été pensée la QPC et aux objectifs qui lui ont été assignés ( 1 ) ; tandis que d’autres sont plus surprenantes eu égard cette fois au contenu substantiel des règles constitutionnelles en cause, dont il semble qu’elles auraient pu, tout aussi bien, être qualifiées de « droits et libertés que la Constitution garantit » ( 2 ). Le fait même que certaines de ces exclusions paraissent plus surprenantes indique à lui seul la porosité des contours de la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit. Il suggère le caractère peu prévisible de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur cette question et la difficile détermination des critères (qui demeurent obscurs) définissant les « droits et libertés » que la Constitution garantit interrogeant finalement leur adéquation aux objectifs assignés à la QPC.

1) L’exclusion évidente de certaines inconstitutionnalités horizontales

  • 27 Patricia Rrapi, « L’incompétence négative dans les QPC : de la double négation à la double incompré (...)
  • 28 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , (chapitre 5) (en l (...)

11 Que la QPC ne soit pas un mécanisme permettant d’assurer la justiciabilité de l’ensemble des règles constitutionnelles n’est, au regard de la formulation même de l’article 61-1 de la Constitution, ni surprenant ni problématique. Les travaux parlementaires ayant présidé à l’adoption de la révision constitutionnelle de 2008 sont clairs : il ne s’agit pas de créer un mécanisme permettant de « juger d’une loi dans son aspect procédural ou au regard de la compétence de son auteur   » 27 , mais bien de cantonner la QPC à la protection spécifique des droits et libertés constitutionnels. Dès lors, « le justiciable ne conteste pas la loi au nom d’un intérêt général supérieur ni même au nom du respect de la Constitution. Il conteste une loi car une disposition législative vient heurter un droit ou une liberté constitutionnellement protégée. Or, évidemment, une question procédurale n’est jamais, en elle-même, la source d’une atteinte à un droit constitutionnel. Il était donc logique (et souhaitable que la Constitution exclue ces questions du champ d’application   » 28 .

12 Ce sont donc en premier lieu, et de la manière la moins surprenante, les dispositions ayant trait au fonctionnement des institutions que le Conseil refuse de qualifier de relatives à des droits ou libertés constitutionnels.

29 CC, 12 oct. 2012, n° 2012-281 QPC.

30 CC, 28 fév. 2014, n° 2013-370 QPC.

31 Guillaume Tusseau, Les normes d’habilitation , Dalloz, 2006.

32 CC, 2 juillet 2010, n° 2010-2 QPC.

33 CC, 27 sept. 2013, n° 2013-344 QPC.

34 CC, 11 oct. 2013, n° 2013-386 QPC.

13 Il en va ainsi de l’article 13 de la Constitution, qui dispose que le Président de la République « nomme aux emplois civils et militaires de l'État », qui n’institue ni « droit », ni « liberté » 29  ; ou encore de la procédure d’adoption de la loi 30 . Il en va surtout ainsi d’un certain nombre de normes d’habilitation 31 qui figurent dans la Constitution 32 ou même dans la loi organique 33 . Toujours dans le même ordre d’idées, la méconnaissance, par le législateur, du domaine que la Constitution a réservé à la loi organique ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC 34 . Dans toutes ces décisions, le Conseil rejette la prétention en cause au motif que les dispositions attaquées « n’instituent pas un droit ou liberté garanti par la Constitution ». Cette première constatation conforte ainsi la lecture de la QPC comme une procédure spécifique, finalisée, de contrôle de la constitutionnalité de la loi, restreinte à la question des droits et libertés. Celle-ci repose, en dernier ressort, sur l’idée que les droits et libertés ne sont pas nécessairement, ou pas toujours, mis en cause par les règles constitutionnelles - un point qui pourrait se discuter, mais là n’est pas l’objet du présent propos.

2)L’exclusion surprenante de certaines inconstitutionnalités horizontales

14 Certaines des décisions par lesquelles le Conseil refuse de considérer qu’un droit ou une liberté est en cause sont, en revanche, plus surprenantes. Il existe en effet un certain nombre de dispositions de la Constitution dont le contenu paraît, prima facie , plus riche sur le plan substantiel que certaines des dispositions qui viennent d’être examinées.

35 CC, 20 mai 2011, n° 2011-130 QPC.

36 CC, 22 sept. 2010, n° 2010-29/37QPC.

  • 37 Michel Verpeaux, « Compétences des collectivités territoriales et respect de leur autonomie financi (...)

15 Ainsi, l’article 75-1 de la Constitution dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». Pourtant, la requête portée par diverses associations culturelles franco-allemandes visant à faire constater l’insuffisance des dispositions du Code de l’Éducation relatives à l’enseignement des langues et cultures régionales est rejetée par le Conseil au motif que cette disposition constitutionnelle « n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit » 35 . Le Conseil constitutionnel refuse également d’intégrer l’article 72-2 alinéa 4 de la Constitution dans la catégorie des « droits et libertés garantis par la Constitution » 36 . Il estime que la méconnaissance de cet article - visant à instaurer des dispositifs de péréquation financière pour favoriser l’égalité entre les collectivités territoriales - ne peut « en elle-même » être invoquée à l’appui d’une QPC. Aucun lien n’est ici établi par le Conseil constitutionnel entre principe d’égalité des communes et les « droits et libertés que la Constitution garantit » alors même qu’en l’espèce les requérantes étaient précisément des communes. Si les communes peuvent ainsi soulever une QPC, elles ne sauraient invoquer à ces fins toutes les dispositions constitutionnelles relatives à leur organisation, certaines ne fixant que des « objectifs » et non des obligations de résultat. En l’espèce, une loi prévoyait une indemnisation forfaitaire pour les communes qui avaient eu des charges supplémentaires en raison de l’application des nouvelles dispositions sur les cartes nationales d’identité et des passeports. Les requérantes reprochaient, en creux, à ladite loi de ne pas prévoir un principe de compensation 37 . Mais le Conseil constitutionnel se refuse à établir un lien entre la question de la compensation des charges induites par les réformes de l’État et celles du respect des droits des communes (à savoir notamment celui du principe de libre administration des collectivités locales qu’il considère comme se rattachant bien, lui, à la catégorie des « droits et libertés garantis par la Constitution » ; ce principe n’étant pourtant pas moins « structurel » ou « organisationnel » que celui énoncé par l’article 72-2 alinéa 4 ; mais toutefois moins directement rattaché à la question sensible de la gestion du budget de l’Etat).

38 CC, 30 juil. 2010, n° 2010-19/27 QPC.

  • 39 V. par ex. : CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC : « les dispositions de l'article 14 de la Déclaration (...)
  • 40 Dominique Rousseau, Pierre-Yves Gahdoun, Julien Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 11è e (...)

16 Il en va de même avec l’article 14 de la Déclaration de 1789 qui, en dépit d’une formulation ferme semblant énoncer un « droit » (« tous les Citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée »), se voit exclure de la catégorie des droits et libertés garantis par la Constitution au regard de la QPC 38 . Alors qu’au sein de la DDHC de 1789, nombreux sont les articles que le Conseil constitutionnel a qualifiés de sources consacrant un droit ou liberté au sens de l’article 61-1, tel n’est pas le cas de l’article 14 39  et il n’existe pas de décision sur l’article 3 DDHC 40 .

41 CC, 20 janv. 1984, n° 83-165 DC.

42 CC, 22 juil. 1980, n° 80-119 DC.

  • 43 CC, 23 nov. 1977, n° 77-87 DC ; en revanche, la liberté de l’enseignement (également élevée au rang (...)

17 Quant aux PFLR, on observe, de même, que nombre d’entre eux n’ont jamais été mobilisés ou en tous cas reconnus comme source des normes protégées dans le cadre de la QPC. C’est par exemple le cas de l’indépendance des professeurs d’Université 41 , de l’indépendance de la juridiction administrative 42 ou encore de la liberté de conscience 43 .

44 V. par ex. en matière d’hospitalisation sans consentement : CC, 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC.

45 CC, 28 janv. 2011, n° 2010-91 QPC.

  • 46 Aucune décision rendue en QPC n’apparaît à propos du monopole de fait dans les tables analytiques d (...)

18 Et il en va de même avec les PPNT : si le principe de dignité 44 ou le droit des travailleurs à participer à la détermination collective des conditions de travail ont pu être retenus dans le cadre de l’article 61-1 45 , il n’en va pas de même d’autres principes économiques et sociaux de 1946 à l’instar de l’alinéa 9 (« tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité »), qui est demeuré au seuil de cette nouvelle procédure constitutionnelle 46 .

47 CC, 21 fév. 2013, n° 2012-297 QPC.

48 CC, 24 avr. 2015, n° 2014-465 QPC.

19 Les dispositions constitutionnelles relatives à la parité (art. 1, al. 2 de la Constitution) sont également frappées de la même indignité. Si l’on reviendra sur ce dernier exemple, on peut néanmoins d’ores et déjà souligner la valeur différentielle, au regard de la QPC, des différents segments de l’article 1 er de la Constitution. En effet, tandis que la phrase « la France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale » a mené le Conseil à faire de la laïcité un principe justiciable de la QPC 47 , il est frappant que celle prescrivant que « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales » ait connu le sort opposé 48 .

  • 49 CC, 19 juin 2009, n° 2008-564 DC ; la décision poursuit : ses dispositions « s’imposent aux pouvoir (...)

50 CC, 23 nov. 2012, n° 2012-282 QPC.

51 CC, 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC.

52 CC, 7 mai 2014, n° 2014-394 QPC.

53 CC, 31 janv. 2020, n° 2019-823 QPC.

20 Cette souveraineté herméneutique du Conseil constitutionnel qui lui permet de sélectionner, parmi l’ensemble des dispositions constitutionnelles, celles qui permettent et celles qui ne permettent pas d’actionner la QPC, est particulièrement visible dans le traitement réservé à la Charte de l’environnement. Nonobstant la décision du 19 juin 2008 par laquelle le Conseil constitutionnel a affirmé que « l’ensemble des droits et devoirs définis dans la Charte de l’environnement, ont valeur constitutionnelle » 49 , son statut en QPC est singulièrement raboté, précisément parce que le Conseil estime d’abord qu’aucun des sept alinéas du préambule de la Charte n’institue de droit ou liberté garanti par la Constitution, et ensuite que c’est au cas par cas qu’il lui convient de se prononcer sur le point de savoir si les articles de la Charte en consacrent. Le Conseil a ainsi jugé que l’article 7 de la Charte (« toute personne a le droit, dans les conditions et limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ») figure au nombre des droits et libertés garantis par la Constitution 50 . Mais, à propos de l’article 6 de la même Charte (« les politiques publiques doivent promouvoir un développement durable. A cet effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l’environnement, le développement économique et le progrès social »), il jugeait le contraire 51 . Plus avant, il jugeait à propos des sept alinéas précédant la Charte que, nonobstant leur valeur constitutionnelle, « aucun d’eux n’institue un droit ou une liberté que la Constitution garantit » 52 … jusqu’à la fameuse décision du 31 janvier 2020, par laquelle il estime que découle de ce même préambule « que la protection de l’environnement, patrimoine commun des êtres humains, constitue un objectif de valeur constitutionnelle » 53 .

  • 54 Voir notamment : Véronique Champeil-Desplats, « La protection de l’environnement, objectif de valeu (...)

21 Cette récente consécration n’a cependant pas pour nécessaire corollaire la possible invocabilité, pour le justiciable, de cette protection dans le cadre d’une QPC 54 . C’est qu’en effet, la jurisprudence est peu claire sur ce point - comme sur celui de l’incompétence négative. Méritent, dès lors, d’être à présent soulignées les ambivalences de la jurisprudence constitutionnelle relativement à l’invocabilité de certains moyens au soutien de questions prioritaires de constitutionnalité - et singulièrement de ceux tirés de la méconnaissance d’objectifs de valeur constitutionnelle (OVC) ou de l’incompétence négative du législateur.

B. Les exceptions : le statut ambivalent de certaines inconstitutionnalités horizontales

22 Les exemples mentionnés jusqu’à présent semblent conforter l’hypothèse selon laquelle le Conseil constitutionnel refuse les griefs tirés de la méconnaissance de règles qui ne consacrent pas explicitement de droit subjectif. Ces exemples ne permettent pas pour autant d’identifier tous les critères susceptibles d’être utilisés par le Conseil constitutionnel pour définir la notion de « droit ou de liberté » au sens de l’article 61-1 de la Constitution. En effet, on observe que certaines règles qui ne consacrent pourtant explicitement aucun « droit » jouissent malgré tout d’une invocabilité partielle. C’est que le Conseil admet que soient invoqués en QPC différentes règles ou principes constitutionnels susceptibles d’affecter un droit ou une liberté - raisonnement qu’il déploie notamment à propos de l’article 34 de la Constitution via l’incompétence négative du législateur ( 1 ) et des objectifs à valeur constitutionnelle ( 2 ). Le caractère toutefois relativement opaque, et donc peu prévisible, de sa jurisprudence sur ces points contribue à la difficulté qu’il y a à comprendre précisément les critères présidant à l’admission, ou au rejet, de certaines catégories de moyens au soutien de la QPC.

1) L’admission du grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence

23 Le Conseil constitutionnel accepte le grief tiré de la méconnaissance de la règle de compétence posée par l’article 34 de la Constitution lorsque l’incompétence négative du législateur conduit indirectement à ce qu’il soit porté atteinte à des droits ou libertés constitutionnellement garantis.

  • 55 Damien Fallon, « Les vicissitudes de l'incompétence négative en QPC », Constitutions , 2018, p. 241 (...)
  • 56 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , , op.cit., (chapitre 5) (en (...)

57 CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC.

  • 58 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence nég (...)
  • 59 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence nég (...)

24 Si un certain consensus règne lors des travaux parlementaires et au sein de la doctrine sur la nécessaire exclusion des inconstitutionnalités horizontales, il est pour autant admis d’emblée qu’une « disposition législative trop peu précise et n’épuisant pas la compétence du législateur pourrait voir sa conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution contestée » 55 dès lors que le fait, pour le législateur de « ne pas exercer pleinement sa compétence pourra entraîner, par l’enchaînement inévitable des conséquences, des répercussions sur les droits des individu s  » 56 . De fait, la question de la place de l’incompétence négative du législateur s’est très vite posée dans le contentieux de la QPC. C’est en effet dès sa 5 ème décision Kimberly Clark que le Conseil a accepté et encadré la recevabilité de ce moyen dans le contrôle de constitutionnalité a posteriori , déclarant que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit   » 57 . C’est manifestement en cherchant un « entre-deux » entre ces deux conceptions du contrôle de constitutionnalité a posteriori , que le Conseil constitutionnel a décidé d’accepter les griefs relatifs à l’incompétence négative du législatif dès lors que cette incompétence affecte un droit ou une liberté constitutionnellement garantie. C’est ainsi que « contre toute attente » 58 , le grief tiré de l’incompétence négative - bien connu dans le cadre du contrôle a priori - a été transposé au contrôle a posteriori. Son invocabilité est néanmoins « conditionnée par le champ d’application de la QPC » 59 . On comprend aisément l’enjeu : l’article 34 réservant au législateur la compétence de «  [ fixer] les règles concernant : les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques », il importe que celui-ci exerce à plein sa compétence sans déléguer au pouvoir réglementaire (ou à d’autres) la fixation de règles et standards en matière de droits et libertés.

60 Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op.cit.,

  • 61 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , , op.cit., (chapitre 5) (en (...)

65 Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op.cit., (section 4) (en ligne).

  • 66 Nos données relèvent que sur 84 QPC dans lesquelles le moyen relatif à l’incompétence négative est (...)

25 Finalement, c’est donc une sorte d’aménagement, de « tempérament » 60 ou « d’exception » 61 à la règle selon laquelle les aspects de compétence et de procédure ne seront, par principe, pas examinés dans le cadre de la QPC qui est aménagée via le statut de l’incompétence négative. L’admission du moyen fondé sur l’article 34 de la Constitution est saluée par une partie de la doctrine, louant une « mise en œuvre souple » 62 du rejet des inconstitutionnalités horizontales, « pleinement justifiée pour éviter les vides juridiques préjudiciables » 63 et « évitant l’écueil de la séparation trop nette entre les questions de fond et de forme » 64 , et ce alors même que les « justiciables ont toujours un droit constitutionnel subjectif à voir le Parlement épuiser sa compétence » 65 . A première vue, l’admission d’un tel grief ne peut effectivement que renforcer la protection des droits fondamentaux. Il n’est d’ailleurs pas rare que le Conseil constitutionnel sanctionne le législateur sur ce moyen 66 .

67 Voir notamment : CC, 1 août 2013, n° 2013-336 QPC, §18 et §19.

68 Voir notamment : CC, 6 oct. 2010, n° 2010-45 QPC, §5 et §6.

69 Voir notamment, CC, 7 oct. 2011, n° 2011-176 QPC, CC, 17 fév. 2012, n° 2011-223 QPC.

  • 70 Voir notamment : CC, 2 déc. 2016, n° 2016-600 : « Il résulte de tout ce qui précède que, hormis les (...)

26 Cependant, le traitement juridictionnel des moyens relatifs à l’incompétence négative du législateur apparaît relativement confus lorsque l’on s’intéresse à la structure du raisonnement du Conseil : tandis qu’il examine parfois en premier lieu la question d’une éventuelle méconnaissance par le législateur de sa compétence, pour se tourner ensuite vers le point de savoir si celle-ci affecte un droit ou une liberté garantie par la Constitution 67 , il peut également opérer en sens inverse (ie. déterminer d’abord la mise en cause d’un droit ou d’une liberté garantis constitutionnellement, pour ne traiter de l’incompétence négative qu’ensuite) 68 . Tandis qu’il lui arrive parfois de considérer que la violation de l’article 34 emporte nécessairement violation d’un droit ou liberté garanti par la Constitution, ce qui le conduit alors à se cantonner au seul examen d’une éventuelle violation de l’article 34 69 , il peut dans d’autres cas s’abstenir de tout contrôle relatif à l’article 34 (et ce, même lorsque le moyen de l’incompétence négative est soulevé) se cantonnant à l’examen de la possible atteinte aux droits ou libertés en cause 70 .

  • 71 Jacques Arrighi de Casanova, « Quel avenir pour la jurisprudence Kimberly Clark  ? », Nouveaux Cahie (...)
  • 72 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en li (...)

27 Plus encore, il importe de s’interroger sur l’utilité « d’admettre un détour par l’article 34 de la Constitution alors qu’il ne s’impose nullement » pour déterminer s’il y a une atteinte aux droits et libertés 71 . En effet, « l’effet pratique [de cette jurisprudence] est limité pour le requérant [dès lors que le Conseil constitutionnel] exige des incompétences qu’elles s’accompagnent d’un principe de fond [et que] précisément, les justiciables devront fonder leur demander sur un autre principe constitutionnel » 72 .

  • 73 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence nég (...)
  • 74 Ibid  ; Voir par exemple la décision 2014-488 QPC, 11 avril 2014 ou encore la décision 2013-336 QPC, (...)

75 Ibid  : Près d’une trentaine de décisions de censure.

80 Damien Fallon, « Les vicissitudes de l'incompétence négative en QPC », Constitutions , 2018, p. 241.

  • 82 Par exemple, CC, 13 avr. 2012, n° 2012-234, QPC : « Considérant, en second lieu, que la méconnaissa (...)

28 Dès lors un certain flou encadre le contrôle mis en œuvre par le juge en matière d’incompétence négative. Aujourd’hui largement utilisée, cette jurisprudence est très fréquemment invoquée par les requérant-es 73 , parfois relevée d’office 74   et souvent sanctionnée par le Conseil constitutionnel 75 . «  Elle apparaît même tentaculaire » 76 . Les auteurs y voient même, dans le cadre du contentieux QPC, une « vaste catégorie fourre-tout » 77 , un « moyen tentaculaire » 78 , une « notion galvaudée » 79 ou « ambigüe […] d’utilisation délicate » 80 . Certains déplorent l’hétérogénéité de ce grief qui englobe des hypothèses variées alors même qu’elles devraient être distinguées plus clairement. Si les critiques divergent, il ressort néanmoins de ces différentes analyses la mise en lumière d’un certain « malaise   » 81 du Conseil constitutionnel lorsqu’il est confronté, dans le cadre de la QPC, à l’examen de la méconnaissance alléguée d’une règle procédurale relative à l’épuisement de la compétence du législateur ; malaise qui peut précisément s’expliquer par l’exclusion de principe de l’examen des aspects procéduraux ou des règles de compétences dans le cadre de la QPC. Dès lors qu’il souhaitait respecter « l’esprit » de la QPC, le Conseil devait dès lors, ab initio, arbitrer entre le non-examen des règles de compétence et la sanction du non-épuisement de sa compétence par le législateur lorsque celle-ci portait atteinte à un droit ou une liberté. Or la mise en œuvre de cet arbitrage peut apparaître quelque peu obscure 82  ; obscurité qui renforce très probablement la marge de manœuvre dont dispose le Conseil constitutionnel en la matière : non seulement il est le maître du jeu (en ce qui concerne la délimitation des « droits ou libertés » susceptibles d’être invoqués dans le cadre de l’article 34 – et de la QPC de manière plus générale) mais, qui plus est, les règles dudit jeu ne sont qu’assez peu clairement énoncées.

2)L’admission du grief tiré de la méconnaissance par le législateur des OVC

83 Dalloz, Fiches d'orientation, « Objectif de valeur constitutionnelle », juin 2020.

  • 84 Pierre de Montalivet, « Les objectifs de valeur constitutionnelle », Cahiers du Conseil Constitutio (...)

29 Les objectifs à valeur constitutionnelle, principalement dégagés dans le cadre du contrôle a priori des lois exercées par le Conseil constitutionnel, sont classiquement définis comme « des orientations dégagées » 83 ou « des buts assignés  » 84 par la Constitution au législateur. Ils sont ainsi considérés comme s’adressant avant tout au législateur, seul concerné par la réalisation des exigences que supposent la mise en œuvre de ces objectifs. A première vue, il n’y aurait dès lors rien d’étonnant à ce que, dans le cadre du contrôle a posteriori des lois, le Conseil constitutionnel exclue de manière systématique l’invocabilité des OVC.

  • 85 Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF, 2020 se référant au rapport Hyest, n° 3 (...)

86 Circulaire du 24 février 1990, NOR : JUSC1006154C.

87 CC, 27 juill. 1982, n° 82-141 DC.

  • 88 Pierre de Montalivet, « Les objectifs de valeur constitutionnelle », op. cit.  ; Bertrand Mathieu, M (...)
  • 89 Cette catégorie est désormais composée de quatorze OVC. Treize ont été dégagées dans le cadre du co (...)

30 D’ailleurs, les travaux parlementaires ayant présidé à la création de la QPC étaient restés « réservés sur l’inclusion de ces objectifs dans les droits et libertés invocables » 85  ; et la circulaire d’application consacrée à la procédure de QPC indiquait que « ces objectifs ne paraissent pas constituer […] des droits dont pourraient se prévaloir les justiciables » 86 . Plus encore, depuis la création de cette catégorie (par une décision DC du 27 juillet 1982 relative à la loi sur la communication audiovisuelle 87 ), nombreux sont les auteurs à considérer que les OVC ne sont « pas des droits   » 88 . Or, rien dans les jurisprudences qui ont, depuis, élargi cette catégorie 89 ne permet d’observer une remise en cause explicite de cette analyse.

  • 90 Même si bien sûr les juges du filtre jouent là aussi un rôle important. Ainsi, par exemple : CE, 15 (...)

91 c’est-à-dire celles qui n’ont pas explicitement le justifiable pour destinataire.

31 Et en effet, l’étude du contentieux de la QPC mène à conclure que les OVC en sont largement exclus - ce qui serait, d’ailleurs, congruent avec l’idée exprimé supra selon laquelle le Conseil exclut en fait de la QPC les dispositions constitutionnelles n’ayant pas explicitement le justiciable pour destinataire. Le contentieux est cependant bien tortueux sur ce point. Il existe en effet un fort contraste entre d’une part, une tendance prédominante à la non-invocabilité et, d’autre part, des formules récurrentes par lesquelles le Conseil constitutionnel suggère néanmoins leur possible (ou hypothétique) invocabilité future. Cette incertitude tend alors à la fois à confirmer l’opacité des critères présidant à l’admission d’une règle dans la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » et l’absolu pouvoir souverain du Conseil constitutionnel en la matière 90 . D’ailleurs, la doctrine ne semble pas analyser consensuellement la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur ce point. Certains auteurs considèrent en effet que les OVC comptent parmi les exceptions à la règle selon laquelle les inconstitutionnalités « horizontales » 91 ne sauraient être valablement être invoquées à l’appui d’une QPC. Selon eux, certains OVC, en parallèle du moyen tiré de l’incompétence négative du législateur, pourraient ainsi (lorsque certaines conditions spécifiques sont réalisées) être invoqués.

32 On reprend donc ici cette question à nouveaux frais, pour examiner successivement les deux questions suivantes (et ce, en restituant d’abord les éléments doctrinaux et empiriques du débat, pour se tourner ensuite vers la mise en évidence des enjeux associés) : les OVC jouissent-ils d’une invocabilité indirecte dans le cadre de la QPC (ou, en d’autres termes, les OVC sont-ils inclus dans la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit) ( a ) ? Et si les OVC venaient à ne pas être exclus de la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit, que faudrait-il alors en conclure à propos des contours exacts de ladite catégorie ? ( b )

a) L’invocabilité (indirecte) ambivalente des OVC : débats doctrinaux et données empiriques

92 CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC.

  • 93 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en li (...)

94 CC, 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC.

95 CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC.

  • 96 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en li (...)

33 Il est vrai que la formulation adoptée par le Conseil constitutionnel lorsqu’il est confronté à l’invocation d’un OVC pourrait sous-entendre qu’il admet son invocabilité indirecte, dans la mesure où il reprend mot pour mot celle adoptée en matière d’incompétence négative. Il considère en effet que « la méconnaissance de l’objectif de valeur constitutionnelle […] ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une QPC sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution » 92 . Lorsque les premières décisions invoquant la méconnaissance d’un OVC ont été rendues, plusieurs auteurs ont alors considéré que le Conseil constitutionnel « limitait [certes] l’invocabilité des OVC sans [pour autant] les écarter totalement » 93 . En ce sens, il convient de souligner que dans la première QPC invoquant un OVC 94 , l’objectif de pluralisme des courants de pensées et d’opinions invoqué par la requérante n’est pas jugé ininvocable mais inopérant car le Conseil considère que la disposition législative contestée n’est relative ni à la vie politique ni aux médias. Rien ne permettait donc, à l’aune de cette décision, d’affirmer l’exclusion de cet OVC de la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit. Dans la deuxième QPC invoquant un OVC 95 , les requérants invoquaient cette fois l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi. Dans cette décision, le Conseil dégage alors son considérant de principe et déclare que « si l'objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ». Pour autant, là encore rien ne permettait d’affirmer l’ininvocabilité absolue des OVC. A la seule lecture de cette QPC du 22 juillet 2010, une alternative interprétative devenait disponible : soit l’exclusion ne valait que pour les objectifs à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi (mais non pour tous les OVC) ; soit, à « l’image des questions de compétence », les OVC ne sont certes pas invocables « en eux-mêmes » mais « il est toujours possible de s’en saisir en mobilisant un autre principe constitutionnel » 96 .

34 Sur le plan formel, la structure même de la décision suggère également que le Conseil constitutionnel prend au sérieux les moyens relatifs à la méconnaissance d’un OVC puisque l’examen de ce grief fait l’objet d’un traitement à part entière. Ceci se donne à voir en 2010 :

« - Sur l’objectif d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi :
Considérant que les requérants font valoir que les dispositions contestées n’ont pas été codifiées dans le code des pensions civiles et militaires de retraite ; qu’ils soutiennent qu’elles sont inintelligibles en tant qu’elles portent sur la revalorisation de l’indemnité temporaire de retraite ;
97 CC, 4 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC. Considérant que, si l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, impose au législateur d’adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l’article 61-1 de la Constitution » 97 .

35 Et l’on retrouve cette structure de raisonnement en 2018 :

« - Sur le fond :
98 CC, 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC. En ce qui concerne les griefs tirés de la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence et de celle de l’objectif de valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi : […] » 98 .
  • 99 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC, op. cit., (chapitre 5) (en l (...)

100 Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF, 2020, §558.

36 Une partie de la doctrine estime d’ailleurs que « le Conseil constitutionnel est parfaitement fondé à admettre une invocabilité indirecte des OVC » 99 dans le contentieux de la QPC, ou encore « qu’en tout état de cause, c’est au cas par cas que la position du Conseil constitutionnel permet de dire s’ils sont invocables   » 100 .

37 Face à ces incertitudes, on se tourne ici vers le corpus exhaustif que forment les 730 décisions rendues au fil de dix années de QPC pour examiner la question précise de la possible invocabilité (indirecte ou partielle) des OVC et partant, sur leur éventuelle appartenance, à la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit. Le traitement statistique auquel nous nous sommes livrées fournit sur ce point les données suivantes :

  • 101 CC, 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC ; CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC ; CC, 10 déc. 2010, n° 2010-77 (...)
  • 102 CC, 31 janv. 2019, n° 2019-823 QPC : l’objectif de protection de l’environnement est « sacré » OVC (...)
  • 103 CC, 17 juin 2011, n° 2011-134 QPC ; CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC ; CC, 7 sept. 2018, n° 2018 (...)

104 CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC.

105 CC, 10 déc. 2010, n° 2010-77 QPC ; CC, 29 nov. 2013, n° 2013-356 QPC.

106 CC, 17 oct. 2014, n° 2014-422 QPC.

107 CC, 17 oct. 2014, n° 2014-422 QPC.

108 CC, 16 mai 2012, n° 2012-249 QPC.

109 CC, 5 déc. 2014, n° 2014-434 QPC.

110 CC, 30 sept. 2011, n° 2011-169 QPC.

111 CC, 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC.

*C’est la même décision qui soulève l’OVC de protection de l’environnement et la sauvegarde de l’ordre public ; raison pour la somme totale des lignes (2) à (10) ne correspond pas à la somme totale des QPC dans lesquelles un OVC est invoquée (ligne (1))

  • 112 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC ; CC, 16 mai 2012, n° 2012-249 QPC ; CC, 30 sept. 2011, n° 2011-1 (...)
  • 113 CC, 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC ; CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC ; CC, 7 sept. 2018, n° 2018- (...)
  • 114 CC, 20 nov. 2015, n° 2015-498 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC ; CC, 1 août 2013, n° 2013-336 (...)
  • 115 CC, 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-373 QPC ; CC, 7 mai 2014, n° 2014-395 (...)

116 CC, 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC.

117 Voir note n° 103.

118 CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC.

119 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC ; CC, 10 déc. 2010, n° 2010-77 QPC.

120 CC, 17 oct. 2014, n° 2014-422 QPC.

121 CC, 5 déc. 2014, n° 2014-434 QPC.

  • 122 Voir notamment, CC, 3 fév. 2016, n° 2015-519 QPC ; CC, 20 oct. 2015, n° 2015-495 QPC ; CC, 29 mai 2 (...)

123 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC.

38 Ainsi, un OVC a été invoqué à l’appui de la QPC par le(s) requérant(e/s) dans une trentaine d’affaires. Entre 2010 et 2019, tous les OVC n’ont pas encore été mobilisés par le(s) requérant(e/s) ; seuls les OVC suivants l’ont été : l’objectif à valeur constitutionnelle d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi 117 , de lutte contre la fraude et l’évasion fiscale 118 , de bonne administration de la justice 119 , de sauvegarde de l’ordre public 120 et de bon usage des deniers publics 121 . Dans une douzaine de décisions, le Conseil constitutionnel a recouru à son considérant de principe pour rejeter le grief tiré de la méconnaissance d’un OVC, considérant que celui-ci ne pouvait pas « en lui-même » être invoqué à l’appui d’une QPC. Dans un peu moins d’une dizaine de QPC, c’est en invalidant la disposition législative attaquée sur un autre fondement qu’il a évité d’examiner le grief tiré de la méconnaissance d’un OVC. Dans une dizaine de QPC encore, le Conseil constitutionnel esquive autrement l’examen du grief tiré de la méconnaissance de l’OVC - soit qu’il l’ignore complètement, soit qu’il se contente d’énoncer que les dispositions « ne sont en tout état de cause pas inintelligibles » 122 . Au total, il n’accepte donc d’examiner explicitement le grief tiré de la méconnaissance d’un OVC qu’à une seule reprise, considérant en l’espèce que la méconnaissance de l’OVC d’intelligibilité et d’accessibilité de la loi affectait indirectement un droit ou une liberté constitutionnellement garantie 123 . En tout état de cause, si on lie ces éléments à l’issue des requêtes, on observe que le moyen tiré de la méconnaissance d’un OVC n’a jamais conduit à l’invalidation d’une disposition législative.

39 Que nous indiquent alors ces chiffres ?

40 D’un point de vue théorique, le Conseil constitutionnel a pu admettre l’invocabilité d’un OVC.

124 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC.

41 Ainsi, force est d’observer que la QPC n° 2012-285 a conduit à l’examen du grief tiré de la méconnaissance d’un OVC. Dans cette affaire était en cause l’article 100 f du Code des professions applicables dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle ( Gewerbeordnung ) - article n’ayant jamais fait l’objet d’une traduction officielle. A ce propos, le requérant considère notamment que « l'absence de version française faisant foi des dispositions contestées porte atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi et au premier alinéa de l'article 2 de la Constitution » 124 . Sur ce point, le Conseil constitutionnel répond ainsi : « si la méconnaissance de l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, ne peut, en elle-même, être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution, l'atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité de la loi qui résulte de l'absence de version officielle en langue française d'une disposition législative peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité  ».

42 Il répond donc en deux temps.

43 Dans un premier temps, il énonce ainsi son considérant de principe relatif à la non-invocabilité directe des OVC, considérant qu’il nuance dans un second temps pour considérer que, précisément, en l’espèce, l’absence de version en langue française d’une disposition législative peut être invoquée à l’appui d’une QPC. Il semble dès lors possible de discerner ici quelque chose comme une invocabilité indirecte de l’OVC, dès lors que sa méconnaissance conduit à une atteinte spécifique - celle résultant de l’absence de version en langue française d’une disposition législative ». Cela étant, ce constat ne conduit pas à l’invalidation de la disposition législative en cause car « compte tenu de la déclaration d'inconstitutionnalité prononcée au considérant 11, il n'y a pas lieu pour le Conseil constitutionnel d'examiner le grief tiré de la violation de ces exigences constitutionnelles  ».

44 Par ailleurs, le raisonnement suivi par le Conseil constitutionnel n’apparaît pas explicitement et un certain nombre d’interrogations persiste : quel est le droit (ou la liberté) auquel il est ici porté atteinte ? Faut-il en déduire qu’il découle de l’article 2 de la Constitution (disposant que « la langue de la République est le français ») un droit subjectif à ce que la totalité des documents officiels soit en français ? Faut-il alors en conclure, le cas échéant, que le Conseil constitutionnel a adopté le même raisonnement qu’en matière d’incompétence négative - à savoir, qu’il s’est interrogé sur le point de savoir si la méconnaissance d’un OVC était susceptible d’affecter un droit ou une liberté que la Constitution garantit ? Face à de telles interrogations, l’incertitude persiste. Si cette décision du 30 novembre 2012 empêche certes de conclure à la non-invocabilité absolue des OVC, elle ne permet pas pour autant de comprendre la logique à l’œuvre en la matière, et ce, d’autant plus qu’aucune autre décision, en dix ans de contentieux, n’admet par ailleurs cette invocabilité partielle. S’agit-il alors effectivement d’une illustration rare de l’invocabilité (partielle) des OVC (comme le pensait une partie de la doctrine dès les premières décisions du Conseil constitutionnel) ou seulement d’une exception à un principe de non-invocabilité (absolue) ?

  • 125 « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvr (...)
  • 126 En ce sens : Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., (section (...)

45 Sur ce point, la QPC n° 2011-169 laisse également susciter un doute quant à la possible invocabilité d’un OVC, celui-ci étant, cette fois, relatif au droit à un logement décent. En l’espèce, les requérants contestaient la constitutionnalité de l’article 544 du Code civil qui consacre le caractère absolu de la propriété. Ils considéraient que pour les personnes qui vivent dans des résidences mobiles, un tel principe constitue une atteinte au principe de dignité, au droit à la vie familiale normale et à l’OVC relatif au droit au logement décent. Après avoir rappelé l’existence d’un tel OVC, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur est libre, afin d’en assurer la mise en œuvre, d’apporter au droit de propriété des limitations, dès lors qu’elles ne conduisent pas à dénaturer ce droit (et que ledit législateur assure, en parallèle la sauvegarde de la liberté individuelle). Il conclut ensuite que l’article 544 du Code civil ne « méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit » 125 . Il se trouve que cette décision a été considérée comme une illustration de ce que les OVC (et en l’espèce celui relatif au droit à un logement décent) jouissent d’une invocabilité partielle 126 . Il est vrai qu’en l’espèce le Conseil constitutionnel ne réitère pas son considérant de principe relatif au caractère non invocable de la méconnaissance « en elle-même » d’un OVC. Il est vrai également qu’il prend en compte cet OVC dans ses développements. Mais en tout état de cause, le Conseil constitutionnel se cantonne ici à rappeler au législateur que « s’il [lui] appartient de mettre en œuvre l’objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent […] c’est à la condition » …que le droit de propriété ne s’en trouve pas dénaturé. A l’aune d’un dispositif particulièrement bref, précédé d’une argumentation lapidaire, il en conclut à la constitutionnalité de la disposition législative. Il semble dès lors difficile de conclure d’une décision aussi succincte (pour ne pas dire obscure) un principe d’invocabilité partielle des OVC.

46 Et que dire de la poignée de décisions qui se contentent d’énoncer qu’« en tout état de cause les dispositions législatives ne sont pas inintelligibles » ? Le Conseil constitutionnel a-t-il implicitement accepté d’examiner la conformité des dispositions législatives en cause aux griefs tirés de la méconnaissance d’un OVC (bien qu’il n’ait alors pas pris la peine d’expliciter son raisonnement) ? Ou, au contraire, cette brève formulation suggère-t-elle qu’il se refuse désormais à accorder du poids à un tel argument ?

47 Ainsi, si d’un point de vue théorique, l’analyse qualitative et quantitative de ces décisions ne permet effectivement pas d’invalider (radicalement) l’hypothèse de l’invocabilité indirecte (ou partielle) des OVC, bien que seul un petit nombre d’éléments et d’exemples plaident en sa faveur ; d’un point de vue pragmatique, en revanche, ces éléments convergent tendanciellement vers l’idée que le grief tiré de la méconnaissance d’un OVC ne produit pas les effets juridiques que les justiciables pouvaient légitimement escompter au regard de la « promesse » initiale de la QPC . L’absence d’éléments permettant de trancher définitivement ces questions invite à se placer, par-delà les débats théoriques et doctrinaux relatifs à l’invocabilité partielle (ou indirecte) des OVC, sur un plan pratique, empirique, pour observer que le grief tiré de la méconnaissance d’un objectif de valeur constitutionnelle ne produit jamais aucun effet juridique concret pour le-s requérant-es (le justiciable) puisque le grief n’entraîne jamais l’invalidation constitutionnelle de la disposition en cause.

b) L’invocabilité (indirecte) incertaine des OVC : conséquences et interrogations

48 L’invocabilité des OVC n’est donc certes théoriquement pas exclue mais elle apparaît malgré tout relativement ineffective. Il découle de cette conclusion tirée de l’analyse de dix années de contentieux de la QPC trois observations principales.

  • 127 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en li (...)

128 CC, 1 er août 2013, n° 2013-336 QPC.

  • 129 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en li (...)

49 En premier lieu, on peut d’abord souligner le paradoxe qui résulte de l’admission par le Conseil, d’une part, du grief tiré de l’incompétence négative du législateur au regard de l’idée selon laquelle « toute l’idéologie française des droits de l’homme est fondée sur cette idée d’intervention exclusive du législateur en matière de libertés » 127 sans que, d’autre part, le justiciable soit fondé à soulever avec succès celui de l’inintelligibilité de la loi. Le Conseil constitutionnel reconnaît d’ailleurs lui-même un lien entre l’incompétence négative et l’OVC relatif à l’intelligibilité de la loi lorsqu’il énonce, en 2013, qu’« en vertu de l'article 34 de la Constitution, la loi détermine les principes fondamentaux des obligations civiles et commerciales ; qu'il incombe au législateur d'exercer pleinement la compétence que lui confie la Constitution et, en particulier, son article 34 ; que le plein exercice de cette compétence ainsi que l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, lui imposent d'adopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques, qu'il doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque d'arbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination n'a été confiée par la Constitution qu'à la loi » 128 . Le lien unissant spécifiquement l’OVC d’intelligibilité de la loi et les questions de compétence 129 venait d’ailleurs à l’appui de l’hypothèse selon laquelle il était indirectement (ou partiellement) invocable dès lors que sa méconnaissance affectait, par ricochet, un « droit ou une liberté que la Constitution garantit ». Pourtant, ces deux griefs font l’objet d’un traitement juridictionnel différencié. Or, si le rejet par le Conseil constitutionnel de certaines inconstitutionnalités horizontales peut à première vue (et dans une certaine mesure du moins), être compris ; le refus d’établir un lien concret entre la nécessité de rédiger des dispositions précises (et non équivoques) et la protection des droits individuels apparaît (même à première vue) plus difficilement concevable. Là encore, il ne s’agit pas d’émettre un jugement sur le caractère effectivement limpide et/ou équivoque des dispositions en cause mais de s’interroger sur le refus du Conseil constitutionnel d’intégrer cet OVC dans la catégorie des « droits et libertés garantis par la Constitution », et partant, sur sa possible invocation à l’appui d’une QPC. Ce refus permet non seulement de mettre en lumière le caractère peu « concret » de son contrôle (en ce qu’il apparaît détaché de la manière dont la loi pourra être comprise, et donc appliquée, par ses destinataires) mais révèle également, en creux, l’absence de prise en compte par le Conseil constitutionnel de la théorie de l’effet horizontal des droits fondamentaux. En effet, si la disposition n’est pas claire et sans équivoque, il apparaît qu’elle soulèvera des difficultés d’application pour les pouvoirs publics mais aussi a fortiori pour les personnes privées également susceptibles d’avoir à la mettre en œuvre.

130 Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF, 2020, §558.

  • 131 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC, op. cit., (chapitre 5) (en l (...)

50 En deuxième lieu, cela signifie que le-s requérant-es ne peut pas invoquer les obligations de moyens qui pèsent sur le législateur. Ce dernier est certes obligé de respecter ces objectifs mais leur non-respect n’est pas susceptible d’être sanctionné dans le cadre d’une QPC - ce que certains auteurs justifient par référence à l’idée selon laquelle la QPC n’a pas pour « objet d’assurer la suprématie de la Constitution dans son entier » mais seulement celle des « droits fondamentaux » 130 . A première vue, cette exclusion apparaît dès lors plutôt défavorable à la protection des droits et libertés du justiciable dès lors que « nombre d’OVC sont matériellement des principes protégeant des droits et libertés » 131 . Si, sur le plan formel (ou théorique), il est possible de saisir la différence entre une obligation pesant sur le législateur et un droit consacré au bénéfice du justiciable, la pertinence de cette distinction est plus fragile sur le plan substantiel (et a fortiori contentieux). En effet, cet état du droit produit pour conséquence que, si le législateur se doit d’énoncer une loi intelligible afin d’assurer (notamment) la protection effective des libertés fondamentales, le justiciable ne jouit pas vraiment du droit à ce que les lois soient intelligibles. Tout au plus peut-on considérer, eu égard à l’admission par le Conseil constitutionnel de l’invocabilité indirecte du grief tiré de l’incompétence négative, qu’il a un droit à ce que le législateur légifère en matière de droit et de libertés (non à ce qu’il le fasse clairement). De la même manière, le législateur se doit de respecter la bonne administration de la justice mais le justiciable, qui jouit certes d’un droit au procès équitable, au recours effectif, à un tribunal impartial (etc.), n’a pas pour autant de droit générique à ce que la justice soit bien administrée.

  • 133 Le Conseil ignore par ailleurs dans cette décision l’OVC de protection de l’environnement qui était (...)

51 Par ailleurs, en troisième lieu, cette exclusion des OVC de la catégorie des moyens invocables à l’appui d’une QPC, justifiée par l’idée selon laquelle le justiciable ne doit pas se transformer en « procureur » 132 , l’empêche précisément de défendre la collectivité à l’appui de sa QPC. C’est ainsi qu’à l’occasion de la QPC n° 2014-422, le syndicat des cochers chauffeurs CGT-TAXIS contestait les techniques d’UBER en faisant valoir que « les techniques de réservation préalable au moyen de dispositifs électroniques mobiles permettent désormais de réserver une voiture avec chauffeur dans des conditions de rapidité et de simplicité qui conduisent en pratique à un empiétement sur l'activité pour laquelle les taxis jouissent d'un monopole ; que, compte tenu de la règlementation particulière à laquelle ces derniers sont seuls soumis, la possibilité d'une mise en concurrence des taxis avec les voitures de tourisme avec chauffeur porterait atteinte au principe d'égalité devant la loi ; que l'absence de règle imposant, pour les voitures de tourisme avec chauffeur, le respect d'un délai suffisant entre la réservation d'une voiture et la prise en charge du client porterait atteinte à la liberté d'entreprendre des taxis ; que l'insuffisante protection du monopole des taxis porterait atteinte au caractère patrimonial du droit de présentation de son successeur par le titulaire d'une licence de taxi et méconnaîtrait le droit de propriété ; qu'enfin, l'absence de restriction suffisante de l'activité de voiture de tourisme avec chauffeur méconnaîtrait les objectifs de sauvegarde de l'ordre public et de protection de l'environnement ». Rejetant les différents moyens, et refusant d’examiner le grief tiré de la méconnaissance de l’OVC de sauvegarde de l’ordre public 133 , le Conseil constitutionnel déclare la disposition législative en cause constitutionnelle. Dans la QPC n° 2014-434, la société requérante considérait qu’« en interdisant les remises sur le prix des examens réalisés par un laboratoire prestataire de service pour un autre laboratoire de biologie médicale ou pour un établissement de santé, ces dispositions apportent une restriction non justifiée à la liberté de fixation de leurs tarifs par les laboratoires de biologie médicale ; que l'augmentation du coût qui en résulte pour les établissements de santé porterait en outre atteinte à l'objectif de valeur constitutionnelle de bon emploi des deniers publics  ; qu'enfin, en excluant du champ de cette interdiction les laboratoires intégrés à des établissements de santé et ceux ayant conclu avec d'autres laboratoires des contrats de coopération, ces dispositions porteraient atteinte au principe d'égalité devant la loi ». Là encore, le Conseil constitutionnel, rejetant les différents moyens et refusant d’examiner le grief tiré de la méconnaissance de l’OVC de bon emploi des deniers publics, déclare la loi constitutionnelle. Ces décisions mènent à formuler l’hypothèse selon laquelle, derrière la question technique de l’invocabilité des OVC se dessine celle, bien plus substantielle, de l’impossibilité pour les requérant-es en QPC de faire valoir des intérêts qui ne seraient pas strictement individuels. Cette question révèle dès lors la conception restrictive de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » qui structure le contentieux de la QPC, fondée par une approche très « individualisante » des droits et libertés (sans pour autant, on le verra, que cette approche ne s’accompagne d’une appréhension in concreto de ces droits et libertés).

134 Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, op.cit., p. 559.

52 En dernier lieu, il faut considérer que cette incertitude est entretenue par le Conseil constitutionnel. On l’a dit, le Conseil constitutionnel ne tranche délibérément pas, de manière définitive, la question de l’invocabilité des OVC. Si, de fait, aucun grief tiré de la méconnaissance d’un OVC n’a jusqu’à présent conduit à l’invalidation d’une disposition législative, le Conseil constitutionnel refuse d’exclure catégoriquement, a priori et par principe, une telle invocabilité. Il apparaît alors possible de considérer que cette incertitude maintenue sur le statut contentieux des OVC confirme la thèse que la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » (au sens de l’article 61-1 de la Constitution) est à la main du Conseil constitutionnel. Plus encore, cette incertitude lui permet de garder une marge de manœuvre considérable sur l’issu du contentieux lui-même puisqu’elle lui permet de changer (facilement) son mode de raisonnement. En ce sens, l’analyse des principes exclus de cette catégorie indique jusqu’alors qu’il « revient seul au Conseil constitutionnel de délimiter les droits et libertés que la Constitution garantit ; C’est donc au fil des espèces et des griefs soulevés devant lui que le Conseil précise les droits constitutionnels invocables ou non en QPC, d’où un effet catalogue des droits et libertés et une justification parfois contestable des normes exclues. La liste des dispositions non-invocables ne permet pas nécessairement a contrario de fixer la liste des droits et libertés invocables. C’est le seul conseil qui possède la clé de la définition de ces droits et libertés invocables ou non » 134 .

c) Les conséquences : l’obscurité des critères permettant à un principe d’intégrer la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit »

53 Trois catégories de règles constitutionnelles semblent donc se dégager de l’analyse contentieuse de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » : celles qui, considérées comme énonçant directement un tel droit ou une telle liberté, sont invocables à l’appui d’une QPC ; celles qui n’en énoncent pas et qui ne sont, partant, jamais invocables ; et enfin, celles dont la méconnaissance ne peut être , en elle-même , être invoquée à l’appui d’une QPC mais qui semblent malgré tout pouvoir être indirectement invoquées lorsque cette méconnaissance est susceptible d’affecter un (autre) droit ou liberté que la Constitution garantit (invocabilité partielle ou indirecte). Or, seul le Conseil constitutionnel dessine les contours de cette catégorisation, et ce, sans qu’il soit réellement possible de la déchiffrer ou systématiser. 

54 Ce sont essentiellement deux types de principes - l’incompétence négative et les objectifs à valeur constitutionnelle - qui composent cette troisième catégorie et jouissent donc d’une invocabilité partielle. Mais l’analyse ici exhaustive des 730 QPC rendues entre 2010 et 2019 ne permet pas pour autant de systématiser ou dégager des critères permettant d’expliquer ce qui pousse le Conseil constitutionnel, si ce n’est une appréciation (non explicitée) au cas par cas des différents intérêts en présence, à admettre, dans certains cas, l’invocabilité partielle (dès lors que leur méconnaissance serait indirectement susceptible d’affecter des droits ou des libertés) de certains principes structurels (ou de certaines règles de compétences, d’organisation ou d’habilitation). En d’autres termes, c’est avant tout l’incertitude, l’imprécision ou l’indistinction qui règnent en ce qui concerne les critères permettant à un principe d’être intégré (ou non) dans la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ».

135 CC, 11 oct. 2013, n° 2013-386 QPC.

136 V. par exemple CC, 17 déc. 2010, n° 101-79 QPC.

55 Cette incertitude relative aux critères permettant à un principe « horizontal » d’être (malgré tout) considéré comme indirectement invocable fait émerger une interrogation : pourquoi le Conseil n’admet-il pas en principe l’invocabilité de tous les principes horizontaux dès lors que leur méconnaissance est susceptible, en l’espèce, d’affecter un droit ou une liberté individuelle ? En effet, en admettant que per se le manquement à une règle « horizontale » ne porte pas atteinte aux droits et libertés garantis, mais qu’il est des cas dans lesquels sa méconnaissance est malgré tout susceptible d’affecter un droit ou une liberté, on comprend mal pourquoi un tel raisonnement ne vaudrait pas pour toutes les règles de procédure, d’habilitation ou d’organisation ? Pourquoi l’idée selon laquelle la méconnaissance par le législateur ordinaire de sa propre compétence est susceptible d’affecter un droit ou une liberté ne s’applique-t-elle pas au législateur organique 135  ? Pourquoi ne pas admettre que la méconnaissance de l’exigence constitutionnelle de transposition des directives 136 est susceptible d’affecter les droits et libertés du justiciable si ladite directive consacrait précisément des droits individuels ?

  • 137 Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., (section 4) (en ligne) (...)

138 CC, 22 juil. 2016, n° 2016-555 QPC, cons. 15.

56 Sur ce point, il faut noter que d’autres principes semblent également soumis à cette logique, à l’instar du principe de séparation des pouvoirs. A son propos, il faut observer que dans un premier temps, le Conseil constitutionnel n’a pas rejeté son invocabilité dans une QPC n° 2010-29/37, ni même considéré que ce principe ne pouvait pas « par lui-même » être invoqué à l’appui d’une QPC 137 . Il a néanmoins estimé, dans un second temps, dans une QPC n° 2016-555, que la « méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs ne peut être invoquée à l’appui d’une QPC que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit   ». Il semble donc ici appliquer au principe de la séparation des pouvoirs la même logique que celle qui sous-tend l’invocabilité (partielle) de l’incompétence négative. Il semble, qui plus est, considérer en l’espèce que le principe est effectivement applicable puisqu’après avoir considéré que « les dispositions contestées, telles qu'interprétées par une jurisprudence constante, ne portent pas une atteinte disproportionnée au principe selon lequel le procureur de la République exerce librement, en recherchant la protection des intérêts de la société, l'action publique devant les juridictions pénales », il considère que «  le grief tiré de la méconnaissance du principe d'indépendance de l'autorité judiciaire doit donc être écarté [et qu’i]l en va de même du grief tiré de la méconnaissance du principe de séparation des pouvoirs  » 138 . Ledit principe semble donc être écarté non pas en raison de sa non-invocabilité mais en raison de la négation par le Conseil constitutionnel d’une atteinte caractérisée à son encontre. De la même manière, le Conseil constitutionnel semble admettre, dans une QPC n° 2011-134, l’invocabilité du principe de continuité de l’État et du service public. Ce principe, invoqué par les requérants pour faire obstacle aux dispositions relatives au régime de réorientation professionnelle des fonctionnaires, est certes rejeté par le Conseil constitutionnel mais non, là encore, en raison de sa non-invocabilité mais parce « les dispositions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de porter atteinte au principe de continuité de l'État ou du service public ; qu'en tout état de cause, elles n'ont pas non plus pour objet ou pour effet de remettre en cause la règle selon laquelle la fonction publique est organisée selon le régime de la carrière ; que, dès lors, le grief manque en fait ». Faut-il alors en conclure à l’existence d’un droit individuel à la continuité de l’État et du service public, voire à la séparation des pouvoirs ? L’absence de considérant indiquant que ce principe « n’institue aucun droit ou liberté garantit » ou a minima que « sa méconnaissance ne peut, en elle-même, être invoquée à l’appui d’une QPC » suggère que tel est bien le cas. Les critères qui permettent au Conseil d’admettre, ou non, l’invocabilité indirecte d’un principe constitutionnel, n’en apparaissent pas moins flous.

139 CC, 21 fév. 2013, n° 2012-297QPC.

140 Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op.cit., (section 4) (en ligne).

57 On doit également ici attirer l’attention sur la QPC n° 2015-465. En l’espèce, l’association requérante considérait qu’en « omettant de fixer les règles de désignation des membres du conseil académique appelés à siéger au sein de sa formation restreinte aux enseignants- chercheurs lorsqu'elle examine des questions individuelles relatives aux enseignants-chercheurs autres que les professeurs des universités », les dispositions contestées étaient notamment contraires au principe de « parité » consacré par le second alinéa de l’article 1 er de la Constitution. Le Conseil constitutionnel rejette cependant ce moyen, estimant que le second alinéa de l’article 1 de la Constitution entend certes permettre au législateur d’instaurer « tout dispositif tendant à rendre effectif l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales   ». Il ajoute qu’à ces fins, « il est loisible au législateur d’adopter des dispositions revêtant soit un caractère incitatif, soit un caractère contraignant mais qu’il lui appartient toutefois d’assurer la conciliation entre cet objectif et les autres règles et principes de valeur constitutionnelle auxquels le pouvoir constituant n’a pas entendu déroger  ». En précisant, toutefois, ensuite que «  cette disposition n'institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; que sa méconnaissance ne peut donc être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité », le Conseil constitutionnel semble qualifier le principe de parité d’objectif à valeur constitutionnelle. Partant, l’exclusion de l’invocabilité (directe) ces dispositions découle de leur reformulation par le Conseil constitutionnel en règles ne fixant que des objectifs pour le législateur. C’est ainsi que le second alinéa de l’alinéa 1 est exclu de la catégorie des principes susceptibles d’être invoqués à l’appui d’une QPC, fût-ce indirectement. En l’espèce, le Conseil exclut en effet l’invocabilité (même indirecte) du principe de parité puisqu’il considère ici qu’elle n’institue pas un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Il rabaisse donc la parité au rang des principes non-invocables, et ce alors même qu’il la qualifie d’objectif à valeur constitutionnelle, ce qui aurait dû le conduire à formuler son considérant de principe quant à l’invocabilité indirecte du principe (fût-ce de manière parfaitement hypothétique). Il est, à ce stade, difficile de déterminer s’il s’agit d’une simple erreur de rédaction ou d’une volonté délibérer de stigmatiser, en lui réservant un statut contentieux spécifique, l’objectif de parité. Plus encore, alors que le principe de parité est marqué au sceau de la non-invocabilité, le principe de laïcité est, quant à lui, considéré (dans une QPC du 21 février 2013) comme instituant bel et bien, quant à lui un droit ou une liberté que la Constitution garantit 139 . A son propos, un auteur considérait, avant 2013, qu’«  a priori , [la laïcité] n’est invocable que pour contrer une QPC dans la mesure où il constitue une limite à la liberté religieuse » 140 .

58 Les critères mobilisés par le juge pour justifier de la non-invocabilité, de l’invocabilité indirecte ou de l’invocabilité directe d’une règle constitutionnelle apparaissent donc relativement obscurs. Cette obscurité ne contribue a priori pas à renforcer la protection des libertés fondamentales - surtout lorsque l’approche adoptée par le Conseil constitutionnel n’est pas seulement fondée sur une conception restrictive de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » mais également très « abstraite » de celle-ci.

II-Des « droits et libertés » dont l’interprétation est tributaire d’une approche très abstraite du contrôle de constitutionnalité en QPC

  • 141 V. le dossier « La QPC façonnée par ses acteurs : quelles tendances ? », Les Nouveaux Cahiers du Co (...)

59 Promoteurs, acteurs et commentateurs de la réforme de 2008 - et au-delà - ont eu bon jeu de présenter le contrôle de constitutionnalité a posteriori comme un renforcement des droits des citoyens. L’argument de ce renforcement prenait largement appui sur le fait qu’il s’agissait de doter le juge constitutionnel français d’un moyen de porter une appréciation in concreto sur les dispositions législatives qui seraient mises en cause, le contrôle a posteriori reposant précisément sur le contrôle concret. Ainsi, comme c’est le cas dans certains pays européens - souvent pris en exemple pour l’efficacité de leur contrôle de constitutionnalité - « la distinction opérée entre un contrôle abstrait et un contrôle concret, telle qu'elle fut généralement expliquée, consistait à opposer un contrôle opéré en dehors de toute application de la loi à celui opéré à l'occasion d'une application de la loi. Cette présentation est encore celle largement retenue à l'étranger notamment dans les doctrines italienne ou allemande qui estiment que tout contrôle de constitutionnalité exercé sur une loi appliquée est un contrôle nécessairement concret » 141 . L’idée selon laquelle le contrôle opéré dans le cadre de la QPC serait un contrôle concret s’est assez largement imposé en France.

  • 142 Michel Verpeaux, « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs : compétence juridiction (...)
  • 143 Denys de Béchillon, « L'interprétation de la Cour de cassation ne peut pas être complètement tenue (...)

60 En ce sens, Michel Verpeaux souligne qu’« il s'agit d'un contrôle a posteriori et in concreto  » 142 , tandis que Denys de Béchillon considère que « le constituant y a maintes fois insisté : il a mis en place cette forme de contrôle pour offrir aux citoyens un droit nouveau ; pour qu'ils disposent enfin d'un moyen effectif et concret de se défendre contre d'éventuelles violations de la Constitution par le législateur. Cela emporte une exigence de logique : ce contrôle ne saurait avoir cette utilité pratique, inscrite encore une fois comme un droit dans notre Constitution, s'il ne porte pas sur les normes qui impactent effectivement et concrètemen t la vie des personnes » 143 .

  • 144 Michel Verpeaux, « Contentieux constitutionnel : normes de référence », Répertoire de contentieux a (...)
  • 145 Denys de Béchillon, « L'interprétation de la Cour de cassation ne peut pas être complètement tenue (...)
  • 146 Julien Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori », Les Nouveaux Cahiers du Conseil Constitu (...)
  • 147 Ibid.  ; dans le même sens : Edouard Dubout, « L'efficacité structurelle de la question prioritaire (...)

148 Julien Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori  », op. cit.

149 V. le dossier « La QPC façonnée par ses acteurs : quelles tendances ? », op. cit.

61 La logique du raisonnement est connue : dès lors que l’on considère que « le contrôle a priori présente l'inconvénient d'ignorer les applications futures possibles que la loi peut connaître et les risques qu'elle peut développer pour les liberté s  » 144 , le contrôle a posteriori apparaît comme renforçant les libertés, dans la mesure où il est censé permettre la prise en compte de l’application concrète de la loi et de la manière dont elle peut affecter les droits fondamentaux des justiciables. C’est d’ailleurs précisément pour cette raison que le Conseil constitutionnel accepte d’examiner, dans le cadre d’une QPC, non pas seulement la disposition textuelle per se mais aussi l’interprétation que les juridictions ordinaires peuvent en faire 145 . Certains auteurs estiment en effet qu’au-delà du contrôle de l’interprétation constante, la possibilité accordée au Conseil constitutionnel de contrôler « les changements de circonstances, l’influence du fait ou de moduler les effets de l’abrogation » 146 atteste la « part de concret » 147 du contrôle 148 . Ainsi, « lorsqu’a été imaginé, puis introduit, le dispositif du contrôle de constitutionnalité a posteriori en France, plusieurs auteurs ont utilisé les termes de ‘contrôle concret’ pour qualifier la QPC » 149 . Le contrôle exercé par le Conseil constitutionnel ne pourrait dès lors que renforcer les droits individuels des justiciables dans la mesure où ledit contrôle ne serait plus abstrait mais concret, c’est-à-dire prenant en compte les circonstances concrètes d’application de la loi et la manière dont ces dernières peuvent, factuellement, impacter les droits fondamentaux.

  • 151 Edouard Dubout, « L'efficacité structurelle de la question prioritaire de constitutionnalité en que (...)
  • 152 Il faut encore préciser que les analyses et promesses relatives à la QPC comme triomphe ou consécra (...)

62 Comme l’indique une auteure, la distinction traditionnellement établie entre contrôle a priori et contrôle a posteriori « avait l'avantage de la simplicité, et aurait dû conduire à qualifier naturellement notre QPC de contrôle concret » 150 . Toutefois, l’usage du conditionnel met d’emblée sur la voie que tel n’est pas pleinement le cas. C’est qu’en réalité, il convient de relativiser la lecture de la QPC comme contrôle concret. Après d’autres auteurs 151 , notre étude confirme cette nécessité : il n’est pas rare que le Conseil constitutionnel se refuse à examiner les conditions concrètes d’application de la loi 152 . Ceci se donne notamment à voir par son recours abondante à des expressions telles qu’« en elle-même » ou « par elle-même », pour juger que telle ou telle disposition constitutionnelle qui lui est déférée ne porte pas atteinte (« en elle-même ») à un droit ou une liberté que la Constitution garantit. C’est ici de nouveau l’analyse du contentieux relatif à l’article 34 qui permet d’observer qu’il ressort de la jurisprudence du Conseil constitutionnel une conception « abstraite » du contrôle exercé sur le respect des droits fondamentaux ( A ) ainsi que, plus largement, la manière dont il s’abstient parfois d’examiner les conditions concrètes d’application de la loi ( B ) ou dont il mobilise le considérant balais ( C ).

A. L’absence d’approche in concreto des griefs indirectement invocables

63 En matière d’incompétence négative, on l’a vu, le grief tiré de la méconnaissance de l’article 34 ne saurait être invoqué « par lui-même ».

153 CC, 18 juin 2012, n° 2012-254 QPC.

  • 154 Voir notamment : Anne Michel, L’argument de la nature des choses en droit. Etude de la rhétorique d (...)
  • 155 « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles (...)
  • 156 « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque l (...)
  • 157 Véronique Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel a-t-il une conception des libertés publiq (...)
  • 158 Bruno Genevois, « L’enrichissement des techniques de contrôle », Cahiers du Conseil Constitutionnel (...)
  • 159 Véronique Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel a-t-il une conception des libertés publiq (...)
  • 160 Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », Revue française de dro (...)

161 Considérant 6 de la décision.

  • 162 Anne Michel, L’argument de la nature des choses en droit. Etude de la rhétorique du Conseil constit (...)

64 Pourtant, dans un premier temps (dans la décision Kimberly Clark du 18 juin 2010), le Conseil n’opte pas pour cette approche. En effet, il énonce tout d’abord que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ». Mais il précisait peu après son considérant de principe, jugeant le 18 juin 2012 que « la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit » (…) » 153 . Une telle précision permet de poser l’hypothèse que le Conseil constitutionnel ne met pas en œuvre un contrôle in concreto dans le cadre de l’article 34. La locution « par elle-même » participe en effet d’une forme d’abstraction, sinon de détachement du Conseil dans le contrôle qu’il opère 154 . En l’espèce, dans la QPC du 18 juin 2012, la fédération requérante faisait notamment valoir que l’habilitation du pouvoir réglementaire relative à l’organisation de régimes spéciaux de sécurité sociale (au nombre desquels celui des mines) affectait les droits ou les libertés garantis tant par le onzième alinéa du préambule de la Constitution (relatif à la protection de la santé dont découle notamment le droit à une protection sociale) que par les articles 2 155 et 17 156 de la DDHC. A cet argument, le Conseil répond qu’ « il y a [effectivement bien] lieu de ranger au nombre des principes fondamentaux de la sécurité sociale, et qui comme tels relèvent du domaine de la loi, l'existence même d'un régime spécial de sécurité sociale ; qu'il en va de même de la détermination des prestations et des catégories de bénéficiaires ainsi que de la définition de la nature des conditions exigées pour l'attribution des prestations   ». Il considère « toutefois, [qu’] en l'espèce, la méconnaissance par le législateur de sa compétence ne prive pas de garanties légales les exigences découlant du onzième alinéa du Préambule de 1946 ; qu'elle n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; que, par suite, le grief tiré de la méconnaissance par le législateur de sa compétence doit être écarté ». A première vue, cet extrait n’a rien de surprenant. Il est certes de jurisprudence constante que la modification de la loi ne saurait priver de garanties légales des exigences de nature constitutionnelle. Mais s’il découle de cette technique de contrôle (parfois considérée comme découlant de l’ancienne théorie de l’effet « cliquet » 157 ) que le législateur ne peut pas supprimer les dispositions législatives qui garantissent la concrétisation des principes constitutionnels 158 , il en résulte également que le législateur peut supprimer les garanties légales de certains droits fondamentaux dès lors que cette suppression ne prive pas totalement de garanties les principes constitutionnels 159 . Le législateur peut ainsi revenir sur certaines garanties des droits et libertés, dès lors que ce retour en arrière ne vide pas pleinement de leur substance les droits constitutionnellement garantis 160 . Or, précisément, dans la décision du 18 juin 2012, le Conseil use de cette technique de raisonnement pour admettre l’habilitation du pouvoir réglementaire à réglementer certains régimes spéciaux de sécurité sociale. En l’espèce, il ne méconnaît ni ne conteste le fait que le législateur a bien méconnu sa compétence. Il admet même, fût-ce implicitement, que cette méconnaissance porte atteinte au 11 ème alinéa du préambule de 1946 (dont découle ici le droit à la protection sociale). Toutefois, il juge que cette méconnaissance ne prive pas de garanties légales les exigences découlant du préambule de 1946 ; il juge, en somme, que l’atteinte au droit de la santé n’est pas assez grave pour être perçue comme vidant entièrement de sa substance le principe constitutionnel de protection de la santé. Cet exemple paraît dès lors emblématique de la manière dont le Conseil constitutionnel détache son contrôle de toute forme d’éléments factuels et concrets, y compris dans le contentieux QPC. Certes, il précise bien que c’est «  en l’espèce  » 161 que l’on peut considérer que le législateur n’a pas privé de garanties légales le principe constitutionnel de protection de la santé. Dès lors, même s’il ne développe d’aucune façon le raisonnement qui le conduit à une telle affirmation (ce qui n’est pas sans soulever un certain nombre de difficultés), il reste néanmoins possible d’ imaginer que le Conseil a, en amont, procédé à une évaluation de l’impact concret de la méconnaissance par le législateur de sa compétence sur le noyau dur des exigences constitutionnelles relatives à la protection sociale. En revanche, lorsqu’il affirme que cette méconnaissance «  n'affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit  », il paraît difficile, même avec beaucoup d’imagination, d’identifier la moindre trace d’un raisonnement in concreto. Au contraire, une telle locution renvoie par hypothèse à une abstraction voire à une « nature » 162 du droit qui exclut la prise en compte de tout élément factuel ou ancré dans la réalité des requérant-es. La généralité de la formule laisse par ailleurs craindre que le Conseil valide en réalité ici la délégation par le législateur d’une partie de sa compétence pour réglementer certains régimes spéciaux de sécurité sociale, dès lors que cette délégation ne vide pas de sa substance le droit à la santé et ne méconnaît, « par elle-même » aucun droit ou liberté que la Constitution garantit ; et ce, sans compter qu’un doute persiste quant à l’étendue des droits et libertés concernés : ne s’agit-il « que » de ceux mentionnés par les requérant-es (en l’espèce le droit à la protection sociale, à la vie privée et à la propriété) ou tous les droits et libertés garantis par la Constitution (dès lors que le Conseil précise « qu’ aucun  » droit ou liberté n’est ici affecté) ?

163 CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC ; dans le même sens : voir aussi 2010-19/27, considérant 16

164 CC, 8 oct. 2014, n° 2014-419 QPC. Voir aussi : CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QPC.

  • 165 V. aussi, dans le même sens : CC, 29 janv. 2014, n° 2014-445 QPC ; CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QP (...)

65 Par ailleurs, l’article 34 de la Constitution ne peut être valablement invoqué que si le non-épuisement de la compétence par le législateur est le vecteur médiat d’une atteinte à un droit ou à une liberté - ce qui suppose que le Conseil constitutionnel considère le droit (ou la liberté) invoqué comme appartenant à la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ». Ainsi, dans l’affaire n° 2010-5, le Conseil rejetait le moyen tiré de l’incompétence négative du législateur en prenant appui sur le fait que les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité 163 . Plus tard, c’est encore parce qu’il a, en amont, exclu la justiciabilité de l’article 14 de la Déclaration de 1789 qui protège le droit de consentir à l’impôt, que le Conseil peut juger que « la méconnaissance par le législateur de l’étendue de sa compétence dans la détermination de l’assiette ou du taux d’une imposition n’affecte par elle-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit » et dès lors, écarter le grief tiré de l’incompétence négative du législateur en ce qui concerne la fixation du taux de la contribution au service public de l’électricité 164 . Dans cette décision très brève, le Conseil balaye dans un même mouvement l’hypothèse que le législateur ait pu méconnaître sa propre compétence et que les dispositions puissent de ce fait paraître inintelligibles 165 , exclusion qui s’explique notamment par la manière particulièrement « abstraite » dont il appréhende l’objectif d’intelligibilité de la loi et plus généralement tous les objectifs à valeur constitutionnelle.

166 CC, 25 sept. 2015, n° 2015-485 QPC.

66 Finalement, que ce soit dans le cadre de l’article 34 ou des OVC, la locution « par elle-même » produit des effets ambivalents : d’une part, elle suppose une mise à distance des faits et permet une forme de segmentation du contentieux. Cette segmentation est alors susceptible d’exclure l’admission d’affaires qui pourraient être considérées comme « collectives » (c’est-à-dire qui sont loin de ne concerner qu’un cas isolé mais bien de nombreux individus, à l’instar, par exemple des travailleurs prisonniers 166 ). En effet, dès lors que le moyen n’est pas « en tant que tel » invocable, il ne saurait fonctionner systématiquement. Cette forme d’individualisation conduit alors à restreindre les droits susceptibles d’être invoqués car c’est au cas par cas que le Conseil décide de son invocabilité, ce qui exclut les inconstitutionnalités en chaîne. Mais, d’autre part, cette locution laisse la porte ouverte à l’admission future d’un autre principe horizontal. Ainsi, si le grief est rejeté, car sa méconnaissance ne peut, en l’espèce, être invoquée à l’appui de la QPC, cela n’exclut pas (en théorie) qu’elle puisse l’être dans une future QPC, si les circonstances ainsi que les droits ou libertés en cause sont différents.

B. L’absence d’examen des conditions concrètes d’application de la loi

167 CC, 30 juil. 2010, n° 2010-14/22QPC.

67 La célèbre QPC 2010-14/22 du Conseil constitutionnel relative à la constitutionnalité de la garde à vue fournit une première illustration de ce que le Conseil peut écarter, parfois brutalement, la manière dont la loi est concrètement appliquée. En l’espèce, le Conseil considère qu’il « appartient aux autorités judiciaires et aux autorités de police judiciaire compétentes de veiller à ce que la garde à vue soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne ; qu'il appartient, en outre, aux autorités judiciaires compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de procédure pénale et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne gardée à vue et d'ordonner la réparation des préjudices subis ». Bien que peu développé, l’argumentaire du Conseil semble ici prendre en compte certains éléments « concrets » puisqu’il mentionne l’obligation pour les autorités judiciaires et de police judiciaire de respecter la dignité de la personne humaine « en toutes circonstances ». Pourtant, il ajoute ensuite laconiquement « que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l'application des dispositions législatives précitées n'a pas, en elle-même , pour effet d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité » 167 . La solution formulée par le Conseil est aussi claire qu’elle apparaît paradoxale : même si le principe de dignité devait effectivement être parfois méconnu (ce qui ne semble pas complètement exclu par le Conseil constitutionnel qui utilise l’adjectif « éventuel »), cette méconnaissance n’aurait pas pour autant, « en elle-même », pour effet d’invalider constitutionnellement les dispositions en cause. Drôle de paradoxe dont fait état ici l’une des premières « grandes » QPC du Conseil constitutionnel.

168 CC, 26 nov. 2010, n° 2010-71QPC.

68 Dans une autre décision, là encore relative à une privation de liberté (en l’espèce d’office), le Conseil se refuse encore à examiner l’application concrète de la loi (et du principe de dignité) par les professionnels de santé ainsi que les autorités administratives et judiciaires. Il estime là encore « qu'il appartient aux professionnels de santé ainsi qu'aux autorités administratives et judiciaires de veiller, dans l'accomplissement de leurs missions et dans l'exercice de leurs compétences respectives, à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances ; que la deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 326-3 du code de la santé publique rappelle cette exigence ; qu'il appartient, en outre, aux autorités compétentes, dans le cadre des pouvoirs qui leur sont reconnus par le code de la santé publique et, le cas échéant, sur le fondement des infractions pénales prévues à cette fin, de prévenir et de réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne hospitalisée sans son consentement et d'ordonner la réparation des préjudices subis que la méconnaissance éventuelle de cette exigence dans l'application des dispositions législatives précitées n'a pas, en elle-même, pour effet d'entacher ces dispositions d'inconstitutionnalité ; que, par suite, les dispositions soumises à l'examen du Conseil constitutionnel ne portent pas atteinte à la dignité de la personne » 168 .

  • 169 Le parti dont est issu Mme Le Pen (anciennement FN et désormais RN) critique de longue date cette o (...)

170 CC, 29 mars 2019, n° 2019-771.

171 CC, 5 oct. 2016, n° 2016-581 QPC.

69 La locution « en elle-même » joue donc un rôle important dans le discours contentieux du Conseil constitutionnel en QPC. Elle permet en effet au Conseil de mettre de côté l’impact que pourrait avoir l’application concrète de la loi sur les droits et libertés constitutionnels. Ceci apparaît de manière éclatante dans la décision QPC 2012-233 qui semble bien illustrer le caractère in abstracto du contrôle exercé par le Conseil. En l’espèce, la requérante faisait valoir que les règles imposant la publicité des soutiens reçus par les candidat-es à l’élection présidentielle (c’est-à-dire les règles imposant la connaissance de l’identité des 500 parrainages nécessaires au dépôt d’une candidature aux élections présentielles) étaient de nature dissuasive et risquaient de porter atteinte au pluralisme des courants d’idées et d’opinions. A ce moyen, le Conseil répond brièvement « qu'en instaurant une telle publicité, le législateur a entendu favoriser la transparence de la procédure de présentation des candidats à l'élection présidentielle ; que cette publicité ne saurait en elle-même méconnaître le principe du pluralisme des courants d'idées et d'opinions ». Indépendamment de toute appréciation portée sur le fond de la décision et du refus ici opposé par le Conseil, tant le laconisme de la justification que la locution « en elle-même » semblent indiquer l’absence de prise en compte des éventuels effets concrets de l’obligation de publicité sur la possibilité réelle pour une candidate - en l’occurrence, Marine Le Pen 169 - d’obtenir de facto le nombre requis de parrainages. Dans une autre affaire où était cette fois en cause l’impact d’une redevance sur le coût d’exploitation d’hydrocarbures, le Conseil répond longuement au moyen soulevé par la société requérante tiré d’une éventuelle rupture d’égalité devant les charges publiques. Mais il demeure laconique, sinon lapidaire, sur celui tiré d’une violation de la liberté d’entreprendre -à propos de laquelle il se borne à affirmer, sans aucune forme d’argumentation : «  par ailleurs, il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de porter atteinte à la liberté d'entreprendre  » 170 . De la même manière, dans une QPC n° 2016-581 relative à l’obligation de relogement des occupants d’immeubles faisant l’objet de certaines opérations d’urbanisme à l’initiative de la personne publique, le Conseil constitutionnel considère qu’« à supposer que le relogement des personnes évincées soit susceptible de se heurter à des difficultés pratiques, celles-ci ne sauraient être retenues pour l’examen de la constitutionnalité des dispositions contestées   » 171 .

70 Par-delà les interrogations que suscite donc la contribution de l’esquive « en elle-même » à l’approche abstraite de certains raisonnements déployés par le Conseil constitutionnel en QPC, on peut encore souligner que tout ceci jette un flou sur la manière dont les juges du filtre (Cour de cassation et Conseil d’Etat) exercent ensuite leur contrôle : la question doit-elle être considérée comme « nouvelle » lorsque le Conseil constitutionnel a déjà, dans un domaine similaire, considéré que, « par elle-même » telle ou telle disposition législative (ou telle ou telle délégation de compétence) ne portait pas atteinte à la Constitution ?

C L’absence de clarté du considérant « balais »

  • 172 Voir notamment Régis Fraisse, « La chose jugée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le (...)
  • 173 V. notamment (liste non exhaustive) : CC, 12 nov. 2010, n° 2010-63/64/65 QPC ; CC, 26 nov. 2010, n° (...)
  • 174 Voir notamment sur cette question : Régis Fraisse, « La chose jugée par le Conseil constitutionnel (...)
  • 175 Voir notamment, Thierry Di Manno, Le conseil constitutionnel : les moyens et conclusions soulevés d (...)

71 On soulignera enfin une dernière caractéristique du contentieux généré par la QPC qui, semblablement, amène à relativiser (sinon contester) le caractère concret du contrôle qu’exercerait le Conseil constitutionnel : c’est celle du considérant final que l’on voit souvent poindre dans les décisions. En effet, le Conseil conclut régulièrement ses décisions par ce qu’il n’est pas rare d’appeler, dans le cadre du contrôle DC, le considérant « balais » 172 formulé, peu ou prou, de la manière suivante : » considérant que les dispositions contestées, qui ne sont contraires à aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarées conformes à la Constitution » 173 . On connaît en effet l’existence de tels considérants dans le contrôle a priori exercé par le Conseil sur le fondement de l’article 61 de la Constitution ; mais à supposer qu’on puisse lui conférer le même sens ici, cela signifierait non seulement un net tournant « abstrait » du contrôle de constitutionnalité mais encore une potentielle fermeture de la QPC. Autrefois en effet, l’apparition de ce considérant dit balai avait pu être lue par la doctrine comme une forme de réponse du Conseil, en demi-mesure, aux interrogations relatives au point de savoir s’il pouvait s’auto-saisir 174 . Si la voie pleine et entière de l’auto-saisine était en réalité repoussée, certains voyaient dans l’apparition de ce considérant balai une manière pour le juge constitutionnel d’exercer, sur les lois qui lui étaient déférées, un contrôle plus vaste, plus global que celui auquel il procèderait s’il s’en tenait aux moyens d’inconstitutionnalité soulevés par les auteurs des requêtes. Ainsi, la présence du considérant était interprétée comme signifiant que le Conseil, étant allé au-delà, le cas échéant, des griefs d’inconstitutionnalité soulevés devant lui, avait en quelque sorte expurgé la loi déférée de tout motif d’inconstitutionnalité - qu’il délivrait une sorte de blanc-seing de constitutionnalité 175 .

72 Assurément, la transposition d’un tel raisonnement ou d’une telle interprétation de ce même considérant dans le contentieux de la QPC serait éminemment problématique. D’abord parce que cela impliquerait que, chaque fois que figure le considérant, le Conseil fermerait en réalité la porte à toute QPC future portant sur les dispositions législatives contestées (considérant qu’aucune question nouvelle n’est susceptible de se poser car il les a déjà toutes examinées) ; ensuite parce que, ce faisant, cela impliquerait que le Conseil assume de se prononcer sur la constitutionnalité desdites dispositions indépendamment de l’examen des conditions concrètes de leur application et de leur interprétation dans d’autres situations futures. Pour autant, il n’apparaît pas possible de trancher définitivement la question de savoir comment doit être interprété ce considérant balai.

73 Ainsi il apparaît tout à fait frappant de ce que le Conseil constitutionnel juge la règle et non les conditions de son application. Il a pris soin de préciser que l’application concrète de diverses règles de droit n’est pas justiciable de la QPC ; en d’autres termes, tant que les dispositions législatives attaquées sont conformes à la Constitution, le fait que leurs modalités concrètes d’application puissent, sur le terrain, méconnaître les standards concernés n’a pas vocation à nourrir le contentieux de la QPC.

74 Ainsi donc, la détermination des contours de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » paraît bien être une opération largement à la main du Conseil constitutionnel. Si le fait qu’il ait exclu du périmètre de la QPC nombre de dispositions constitutionnelles génériques ne saurait surprendre, on a pu ainsi souligner que le statut d’autres règles et principes constitutionnels était plus incertain. C’est notamment le cas de l’article 34, qui fonde l’incompétence négative du législateur et, plus encore, des OVC dont l’invocabilité n’est en principe pas totalement exclue mais qui, dans les faits, demeurent largement au seuil de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit » qui détermine la QPC. Plus avant, on a souligné que cette catégorie était interprétée à l’aune d’une approche très abstraite des droits fondamentaux, qui tranche largement avec l’idée communément admise - aux débuts de la QPC, en tous cas - selon laquelle le contrôle a posteriori serait (nécessairement) un contrôle in concreto .

75 On souhaiterait désormais compléter ces éléments d’analyse en portant le regard en amont de la décision QPC, afin de prendre la mesure de facteurs qui, tout un jouant un rôle important dans les contours imprimés, au fil de dix années de contentieux, à la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit », échappent au contrôle du Conseil constitutionnel. Comme on a déjà eu l’occasion de le suggérer, en effet, le Conseil lui-même ne saurait être tenu comptable des questions qui lui parviennent via la QPC. En ce sens, il est toute une part de ce que 10 années de contentieux QPC auront dessiné comme relevant des « droits et libertés que la Constitution garantit » qui dépend, en amont de ce pouvoir d’interprétation du Conseil constitutionnel, de la nature même des questions portées par les requérant-es. C’est pour saisir cette dimension-là de ce que recouvre la catégorie à laquelle s’intéresse la présente étude que l’on porte désormais le regard sur divers éléments caractérisant le profil des requérant-es afin de saisir quelques éléments complémentaires de détermination des contours des « droits et libertés que la Constitution garantit ».

Section 2 : Une catégorie pré-dessinée par les requérant-es

76 Le travail de collecte et de traitement de données auquel nous nous sommes livrés a notamment cherché à rassembler un maximum d’éléments d’information relatifs aux requérants en QPC, tout à la fois dans le but de comprendre qui s’était, globalement, saisi depuis 2010 de cette nouvelle voie de droit et dans celui de tester l’hypothèse de corrélations entre le profil des requérant-es et la substance des questions soulevées et/ou des moyens invoqués. Or parmi les éléments frappants qui ressortent de la mise en ordre statistique de dix années de QPC figure assurément l’importante représentation des personnes morales parmi les requérant-es ( I ). Après l’avoir documentée et analysée, on cherchera à tester l’hypothèse d’une corrélation entre cette proportion et la montée en puissance des libertés économiques dans le contentieux de la QPC ( II ).

I- Une forte proportion de personnes morales parmi les requérant-es de la QPC

77 Il faut d’abord rappeler quelques éléments qui ressortent de l’analyse de la physionomie générale du contentieux généré au fil de dix années de QPC. Il importe donc de décrire le groupe des requérants ayant actionné les 730 décisions rendues en QPC depuis 2010 ( A ), avant de souligner la place des personnes morales et, singulièrement parmi elles, des personnes morales porteuses d’intérêts économiques ( B ). Ces premiers éléments permettent d’établir que, pour cette catégorie spécifique et importante de justiciables, la QPC est venue enrichir leur répertoire d’action ( C ).

A. Les requérant-es de la QPC

78 L’analyse de notre corpus révèle que 49,5 % des décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le cadre de la QPC (n =361) sont issues de requêtes initialement formées par des personnes physiques, tandis que 41,5 % d’entre elles (n =303) sont l’aboutissement de questions soulevées par des personnes morales.

176 https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/as/root/bank_mm/QPC/plaquette_qpc.pdf

  • 177 L’idée selon laquelle il s’agit, en créant la QPC, de permettre au citoyen d’être un acteur du droi (...)
  • 178 Emmanuel Cartier dir., La QPC, le procès et ses juges , Dalloz, 2013, Coll. Méthodes du droit, p. 81 (...)

79 Le groupe des personnes physiques requérant-es en QPC n’appelle pas beaucoup de commentaires. Leur présence paraît parfaitement naturelle au regard de l’objet de la QPC qui est, précisément, de permettre à « toute personne qui est partie à un procès ou une instance de soutenir qu’une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit » 176 . Si la QPC était essentiellement une promesse citoyenne 177 , il est normal et même souhaitable que les personnes physiques s’en soient effectivement emparées. A vrai dire, si le chiffre indiquant que les requérant-es sont des personnes physiques dans 49,5 % des décisions ici analysées doit frapper, c’est davantage par sa relative modestie que par son importance. Et ce, d’autant plus qu’il est inférieur à celui qui avait pu être consolidé après quelques années d’application de la procédure : un premier bilan à deux ans établissait que « la QPC a attiré majoritairement des personnes physiques devant le Conseil constitutionnel (65 % des questions renvoyées au Conseil) » 178 .

80 Au-delà, il est difficile de tirer des enseignements significatifs du groupe des personnes physiques requérantes en QPC. Tout au plus peut-il être intéressant de noter que parmi les 361 décisions soulevées par des personnes physiques, seules 71 l’ont été par des femmes (soit 9,7 % du total), 79 d’entre elles étant par ailleurs soulevées par plusieurs personnes physiques dont des femmes et des hommes (soit 10,8 % du total). Par contraste, ce sont 277 décisions qui ont été soulevées exclusivement par des hommes (soit 37,9 % du total). Seule une mise en relation de ces chiffres avec des études plus globales relatives au recours différencié au juge par sexe (dont on ne sait pas si elles existent ou sont aisément accessibles) permettrait de poursuivre l’analyse.

  • 179 Stéphanie Hennette-Vauchez, « Les droits fondamentaux à Luxembourg. Droit et politique dans la dé (...)
  • 180 Silvio Marcus-Helmons, « L’applicabilité de la Convention européenne des droits de l’homme aux pers (...)
  • 181 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -1 re partie : Pourquoi ? » (...)

81 Plus significatif est en revanche l’élément statistique qui établit que des personnes morales sont à l’origine de 41,5 % des décisions QPC rendues en dix ans. Si par hypothèse la QPC permet de revendiquer la justiciabilité des « droits et libertés que la Constitution garantit », ce chiffre invite à revisiter le débat ancien relatif aux droits fondamentaux des personnes morales. La question est bien sûr résolue de longue date, en droit positif, par l’affirmative. Le droit européen a certainement joué un rôle important dans la consolidation de cette idée : tandis que le droit de l’Union européenne s’est précisément construit, sur la question des droits fondamentaux, en prenant appui sur un contentieux mû par des sociétés commerciales invoquant des droits fondamentaux 179 , la Convention européenne des droits de l’Homme énonce explicitement dans l’article 1 er du 1 er protocole additionnel, que « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens » ; et son article 34 ouvre le droit de recours individuel à « toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d’une violation par l’une des Hautes Parties contractantes des droits reconnus dans la Convention ou ses protocoles » -les personnes morales de tous ordres, y compris les entreprises, ayant très tôt été considérées, dès lors, comme recevables à agir 180 . Par la suite, en droit français et ne fût-ce que de manière pragmatique, ie. largement casuistique et sans être finement théorisée par eux, tant le juge judiciaire que le juge administratif ont emboîté le pas de la reconnaissance de l’invocabilité, par les personnes morales, de nombre de droits fondamentaux aussi divers que la liberté religieuse, la liberté d’association, le droit à l’accès et au bon fonctionnement de la justice ou encore la protection des secrets d’affaires 181 .

82 De ce point de vue, dès lors, la place éminente des personnes morales dans le contentieux de la QPC n’est pas ni novatrice, ni spécifique à ce contentieux. Elle peut néanmoins être étudiée à nouveaux frais : pas tant du point de vue de ce qu’elle révèle au regard de la question théorique de la titularité des droits fondamentaux mais de celui de ce que leur présence signifie du point de vue du façonnage de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ». En ce sens, ce n’est pas tant le fait que des personnes morales soient reconnues comme pouvant invoquer des droits fondamentaux via la QPC qui nous intéresse ici, que la « nature » des droits fondamentaux susceptibles d’être invoqués par ce biais. Porter le regard sur les questions prioritaires qu’elles posent (tant les dispositions qu’elles attaquent que les moyens qu’elles soulèvent) permet en effet de décrire la mesure dans laquelle les personnes morales requérantes en QPC façonnent, en amont de l’office et du travail interprétatif du Conseil constitutionnel, la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ».

  • 182 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -1 re partie : Pourquoi ? » (...)
  • 183 V. de manière emblématique : CC, 16 janvier 1982, n° 81-132 DC : « le principe d’égalité n’est pas (...)
  • 184 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -2 ème partie : Comment ? » (...)
  • 185 Ibid.  : « Une association sportive n’a pas vocation à se prévaloir de la liberté religieuse pas plu (...)

83 De ce point de vue, il importe évidemment d’affiner la catégorie « personnes morales ». Comme le démontre Xavier Dupré de Boulois dans les articles qu’il a consacré à la question, la possibilité pour les personnes morales d’invoquer des droits fondamentaux suppose la « transmutation des libertés collectives qui sont au principe de l’existence même de la personne morale comme groupement, qu’il s’agisse d’une association ou d’une société commerciale des membres en droits fondamentaux de l’entité personnifiée » 182 . En effet, quand bien même les droits fondamentaux des personnes morales ne seraient pas des attributs reconnus au sujet de droit « personne morale » en tant que tel mais, bien plutôt, des manifestations de l’exercice, par les personnes physiques qui en sont les fondateurs ou les membres, de leurs droits fondamentaux (et le Conseil constitutionnel raisonne bien en ce sens 183 ), il importe que ceux-ci puissent prendre la forme de droits de l’entité personnifiée pour être invoqués par elle. Or cette transmutation nécessaire passe, explique Xavier Dupré de Boulois, par le truchement de l’objet social 184 . Ce dernier influe dès lors considérablement sur le type de droits fondamentaux que telle ou telle personne morale sera, ou non, admise à invoquer en justice 185 . Pour qui veut mesurer le poids qu’exercent les 41,5 % des requérant-es des dix années de QPC ici étudiées sur le façonnage de la catégorie des droits et libertés que la Constitution garantit, il importe dès lors de prêter attention à leur objet social.

  • 186 Sur ce point, voir dans le présent dossier l’étude consacrée aux associations requérantes en QPC pa (...)
  • 187 Xavier Dupré de Boulois, « La QPC comme supermarché des droits fondamentaux ou les dérives du conte (...)

84 Il a donc paru important de procéder à une forme de classification des différentes personnes morales ayant soulevé des QPC entre 2010 et 2019. Sur la base de quels critères procéder ? Nous avons d’abord cherché à isoler celles des personnes morales dont la raison d’être avait à voir avec la protection et la promotion des droits fondamentaux. Puisque telle était, en effet, la raison d’être invoquée par nombre d’acteurs et de commentateurs de la procédure même de QPC, il importait en effet de saisir la mesure exacte dans laquelle associations et ONG de protection des droits humains s’étaient emparés de la procédure 186 . Nous avons ensuite souhaité isoler celles des personnes morales qui sont porteuses d’intérêts économiques (ie. dont l’objet social est de nature commerciale). En effet, plusieurs études antérieures au démarrage de notre projet nous avaient mis sur la piste d’une présence significative de personnes morales porteuses d’intérêts économiques dans le cadre de la QPC 187  : Il importait donc de pouvoir vérifier, ou non, cette hypothèse. Pour le reste, nous avons classé les personnes morales selon qu’elles étaient de droit public (collectivités locales et établissements publics de coopération intercommunale, établissements publics) ou porteuses d’intérêts privés mais non nécessairement économiques (syndicats, partis ou encore associations sans lien avec la défense des droits humains).

85 Ce travail de classification permet de poser deux principaux constats descriptifs : une relative variété des types de personnes morales requérantes en QPC en premier lieu, au sein de laquelle on peut tout de même, en second lieu, déceler un groupe nettement prévalent, celui des porteurs d’intérêts économiques.

B. La place des personnes morales porteuses d’intérêts économiques

86 Le résultat de notre codage est en effet le suivant (v. encadré) : parmi les personnes morales requérantes en QPC, ce sont bien les entreprises et fédérations d’entreprises qui arrivent en tête - et largement. Cette sous-catégorie représente en effet 27,7 % de l’ensemble, loin devant la 2 ème sous-catégorie par ordre de fréquence, qui plafonne à 6,7 % (il s’agit des associations dont la raison sociale n’a pas de lien avec la problématique des droits humains). Par contraste, les ONG de défense des droits humains ne sont à l’origine que de 6,4 % des QPC portées par des personnes morales.

Certaines QPC sont portées par plusieurs types de personnes morales ; ici le total est donc inférieur aux 303 décisions issues de QPC portées par des personnes morales.

  • 188 Christophe Jamin, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionn (...)
  • 189 Clémentine Bocquet, « La liberté d’entreprendre saisie par les justiciables-économiques : analyse d (...)
  • 191 L’auteure cite notamment la décision CC, 22 mai 2015, n° 2015-468/469/472 QPC comme résultant à la (...)

192 Ibid. , p. 77.

87 Cette mise en chiffres confirme donc l’hypothèse qui avait déjà pu être formulée ici et là d’un investissement notable des personnes morales porteuses d’intérêts économiques dans la QPC ; plus avant, elle la révèle dans une dimension d’importance. Car si, en effet, le contentieux porté par des personnes morales devant le Conseil constitutionnel représente 41,5 % de l’activité de ce dernier en QPC, et si en son sein, près d’un tiers (27,7 %) de ces requêtes sont le fait de personnes morales porteuses d’intérêts économiques, alors il y a fort à parier que la QPC comme voie de droit s’en trouve impactée. Et ce d’autant plus que, comme le note par exemple Christophe Jamin, ces acteurs peuvent compter parmi ceux « que l’on appelle des repeat players , autrement dit ces acteurs qui ont les moyens de revenir plusieurs fois devant les mêmes juridictions, ce qui finit immanquablement par faire bouger les lignes » 188 . La question des ressources paraît en effet cruciale puisqu’elle permet à elle seule de distinguer, parmi les requérants en QPC, les « justiciables-économiques » 189 et les autres. Or, les premiers disposent bien de ressources privilégiées qui leur permettent de déployer une grande imagination et activité procédurale pour maximiser leurs chances de faire aboutir leurs requêtes. L’analyse de Clémentine Bocquet sur les QPC relatives au conflit entre chauffeurs de taxis et VTC 190 est emblématique de ce point de vue : elle y détaille la manière dont les requérants ont pu démultiplier leurs efforts, se tournant tantôt vers le juge administratif, tantôt vers le juge judiciaire, pour accroître leurs chances de transmission de QPC au Conseil constitutionnel 191 . Elle souligne encore que dans ce contentieux, les « observations sont systématiques, les interventions fréquentes » 192 . Difficile d’imaginer des requérant-es personnes physiques capables de déployer la même intensité d’activité.

88 On peut, pour illustrer ce point, resserrer la focale sur certains sous-ensembles des 730 décisions rendues dans le cadre de la QPC ici étudiés. Il est ainsi intéressant de se pencher sur le profil spécifique des requérants ayant été à l’origine des 30 décisions du corpus dans lesquelles étaient attaquées des dispositions relevant du droit de l’environnement.

  • 193 A titre d’illustration, on peut renvoyer à l’étude coordonnée par Emilie Chevalier et Jessica Makow (...)

89 Ainsi, 16 des 30 décisions ici listées sont l’aboutissement de QPC soulevées par des requérants personnes morales porteuses d’intérêts économiques - entreprises ou syndicats professionnels. Ce chiffre peut être mis en relation avec celui des 10 décisions résultant de requêtes formées initialement par des associations de défense de l’environnement ou des droits des citoyens et riverains (de France nature environnement à l’association pour la gratuité du pont d’Oléron). En d’autres termes, on observe que même en matière d’écologie , terrain volontiers présenté comme marqué par une forte mobilisation militante et citoyenne, ce sont les personnes morales porteuses d’intérêts économiques qui dominent le contentieux QPC 193 .

90 Ces chiffres invitent en tout état de cause à poser, et éprouver, l’hypothèse selon laquelle une telle origine des requêtes en QPC pèse sur la manière dont sont dessinés, au fil de la procédure, les contours mêmes de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit ». Il importe pour ce faire de chercher à évaluer la mesure dans laquelle ces personnes morales porteuses d’intérêts économiques seraient plus enclines que d’autres types de requérant-es à invoquer, par le biais de la QPC, des questions mettant en cause une sous-catégorie particulière des « droits et libertés que la Constitution garantit », à savoir les libertés économiques (v. infra ). Reste qu’en toute hypothèse, cette représentation relativement importante des personnes morales porteuses d’intérêt économique dans le contentieux de la QPC atteste que cette nouvelle voie de droit a enrichi leur répertoire d’action.

C. La QPC comme nouvel élément du répertoire d’action des personnes morales porteuses d’intérêts économiques

  • 194 Marc Milet, « Groupes d’intérêt et contrôle de constitutionnalité en France depuis 2010. Conditions (...)
  • 195 Maxence Christelle, Betrand-Léo Combrade, Charles-Edouard Sénac, « La QPC et les représentants d’in (...)
  • 196 Si cette technique est ancienne et bien antérieure à la QPC (cf. Georges Vedel, « L’accès des citoy (...)
  • 197 Marc Milet, « Groupes d’intérêt et contrôle de constitutionnalité en France depuis 2010. Conditions (...)

91 La recherche pilotée par Marc Milet sur les groupes d’intérêt et la QPC contient des éléments qui confirment ce point ; leur rapport établit en effet que les contentieux QPC dans lesquels s’investissement les groupes d’intérêt « visent à assurer une rente de situation et à obtenir des gains contre un adversaire du champ économique plutôt qu’à revendiquer de nouvelles garanties et à protéger ses droits contre l’Etat », de sorte que la QPC apparaît de ce point de vue comme un « mode de régulation des rapports économiques » 194 . On est bien loin, ici, de la QPC comme voie d’accès des citoyens au juge constitutionnel en vue de la protection de leurs droits fondamentaux… Etant entendu qu’en outre, les études s’attachant au recours à la QPC par les groupes d’intérêt convergent pour établir que la requête en QPC n’est qu’une des multiples manières dont ils s’approchent du Conseil constitutionnel 195 . Il faudrait en effet ajouter aux seules décisions dans lesquels ils occupent la place centrale du requérant toutes celles où ils interviennent comme tiers à la procédure, où ils parrainent un litige, où ils soumettent des contributions extérieures 196 ou présentent des observations en lien avec un litige 197 . Au total, c’est donc bien une centralité nouvelle du contentieux constitutionnel sous toutes ses formes aux yeux des porteurs d’intérêts économiques qui s’est dessinée à la faveur de 10 années de QPC.

  • 198 V. encore : Arnaud Sée, « Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés économiques ? », in Samy (...)
  • 199 Denys de Béchillon, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutio (...)

92 Ce point est de première importance dans la mesure où il permet de souligner que le fait d’être (directement) requérant, c’est-à-dire porteur d’une QPC, n’est pour les personnes morales (porteuses d’intérêts économiques) qu’un des nombreux moyens d’intervention dans le contentieux constitutionnel : « les observations sont systématiques et les interventions fréquentes » 198 . Comme le souligne Denys de Béchillon dès 2009, il s’agit bien là d’une question centrale car les entreprises ont évidemment « intérêt » à « participer à la discussion (…) lorsque la décision que prendra la juge va commander le sort d’une règle de portée générale. A partir du moment où vous avez la possibilité de faire abroger une loi, à partir du moment où vous êtes en situation de faire annuler un décret de portée générale, à partir du moment où vous êtes en situation de stimuler le revirement d’une jurisprudence - c’est-à-dire toutes les hypothèses dans lesquelles la règle a un potentiel d’application erga omnes et où le jugement de cette règle a exactement le même potentiel et le même périmètre d’application que la règle elle-même, il faut se demander qui sont les intéressés à la discussion contentieuse. Et réfléchir aux conséquences qu’il convient d’en tirer. Il est évident que l’on pourrait adopter une lecture formaliste de ce problème en disant que, à partir du moment où les acteurs, quels qu’ils soient, n’ont pas le statut d’une partie au procès, il faut les ignorer souverainement. Cela a été longtemps pratiqué un peu partout de cette manière-là. Mais il n’est pas interdit de faire un petit effort de réalisme et de se dire que le tissu économique et peut être quelquefois le tissu social, ont une sorte de vocation naturelle à participer à une discussion qui, au sens large du terme, les intéresse parce qu’elle commande la vie ou la mort des normes qui s’appliquent à eux » 199 .

  • 200 https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/le-conseil-constitutionnel-rendra-deso (...)
  • 201 Historiquement nommées « portes étroites » (en écho au texte publié Georges Vedel ( « L’accès des c (...)
  • 202 Selon l’expression de Georges Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel : la porte ét (...)

203 Conseil constitutionnel, Communiqué du 24 mai 2019.

93 On le sait, cette question des multiples manières dont différents acteurs peuvent intervenir dans le contentieux constitutionnel a suscité de vifs débats au cours des dernières années ; toute la question de l’information relative à ceux qui font valoir des arguments devant le Conseil sans être partie à un litige, puis de la publication desdits arguments, a culminé avec le communiqué du Conseil constitutionnel du 24 mai 2019 200 admettant la publication des ‘contributions extérieures’ qui lui sont adressées à l’occasion de tel ou tel recours 201 . Ce point est d’une importance particulière pour le positionnement des personnes morales, et singulièrement des porteurs d’intérêts économiques, face au contentieux constitutionnel. D’abord parce que les « portes étroites » 202 ont, historiquement, été le mode d’accès privilégié de cette catégorie spécifique d’acteurs au prétoire constitutionnel. Ensuite parce qu’en toute hypothèse, les développements récents en faveur d’une transparence accrue ne valent que pour l’avenir ; le statut de ces contributions demeure en réalité inchangé (elles n’ont pas « le caractère de documents de procédure » 203 ) de sorte que non seulement le Conseil n’est pas tenu d’y répondre mais surtout, il est probable que toutes celles lui ayant été adressées en amont des années 2017-19 ne seront jamais rendues accessibles.

94 Nouvelle flèche à l’arc des actions juridiques des personnes morales porteuses d’intérêts économiques, la QPC révèle donc non seulement ses dimensions multiples mais aussi, sa puissance. Elle n’a bien sûr rien changé pour ce qui est des procédures ordinaires : tout requérant bien doté ou motivé en ressources juridiques peut en effet, aujourd’hui comme hier, faire le choix de se lancer dans des contentieux parfois longs et complexes. Mais s’il décide au contraire que son intérêt est dans la résolution rapide d’une action visant à la disparition d’une règle de droit, la QPC lui offre assurément un nouvel outil très utile. Il ne faut pas en effet perdre de vue la potentiellement redoutable efficacité de la QPC, qui peut permettre au requérant-e d’obtenir en quelques mois seulement l’abrogation d’une règle législative, en se bornant à confier le dossier à un avocat. Avant la QPC, un tel résultat ne pouvait être obtenu que par un long, patient et largement plus aléatoire travail de lobbying et d’influence.

II-Une coïncidence avec la montée en puissance des libertés économiques dans le contentieux constitutionnel

  • 204 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprise », Revue des droits d (...)
  • 205 Pierre-Yves Gahdoun, « L’ouverture du contentieux constitutionnel à de nouvelles matières », Les No (...)
  • 206 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprise », Revue des droits d (...)

95 Les hypothèses de travail relatives à l’existence d’une corrélation entre représentation significative des personnes morales porteuses d’intérêts économiques dans le contentieux de la QPC et renforcement des libertés économiques sont confortées par nombre d’analyses soulignant, de manière générale, la montée en puissance et le renforcement de ces dernières à la faveur de la QPC. Antoine Lyon-Caen avait déjà formulé en 2014 l’hypothèse d’un lien entre les deux données : non seulement les personnes morales porteuses d’intérêts économiques seraient présentes de manière significative dans le groupe des requérants à l’origine des QPC, mais plus encore elles mettraient en avant des questions et des arguments qui produiraient notamment pour effet le renforcement des libertés économiques dans l’ordre constitutionnel français 204 . Pressentant que la QPC était en passe de « changer la donne » 205 du point de vue de la place du domaine économique dans le droit constitutionnel, il soulignait que « ces appels à la liberté d'entreprendre et au droit de propriété ne sont pas l'œuvre spontanée du Conseil constitutionnel, mais avant tout des auteurs des saisines ou des rédacteurs des questions prioritaires de constitutionnalité. Toutefois en accueillant parfois, et parfois même, de manière éclatante les critiques constitutionnelles formulées en leur nom, le Conseil constitutionnel contribue à la crédibilité de telles critiques et pourrait, à son corps défendant, les stimuler » 206  ? Disons d’emblée que notre travail statistique confirme de manière brute cette hypothèse : nos analyses confirment que ce sont à 81,8 % les personnes morales qui invoquent, à l’occasion de QPC, des libertés économiques.

96 En réalité, il est particulièrement intéressant de souligner que, dès avant l’entrée en vigueur de la réforme constitutionnelle, cette montée en puissance avait été souhaitée et prévue par de nombreux acteurs ; c’était même pour certains acteurs l’un des objectifs, sinon des desseins, de la QPC ( A ). Plus avant, elle se vérifie dans le contentieux, dans la mesure où les libertés économiques sont effectivement massivement invoquées par ce groupe spécifique de requérants ( B ). Par-delà, certains éléments permettent même de penser que cette invocation des libertés économiques dans le contentieux de la QPC n’est pas sans effet sur l’issue des décisions rendues par le Conseil ( C ).

A. Un renforcement souhaité (un dessein ab initio ) du statut constitutionnel des libertés économiques

207 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2010-entreprises-et-droit-constitutionnel-actes.html

97 Le 26 mai 2010, un colloque était organisé par le CREDA, le centre de recherche sur le droit des affaires de la Chambre de commerce et d’industrie de la région Paris-Ile de France (CCIP) ; il était placé sous le haut patronage de Jean-Louis Debré, alors président du Conseil constitutionnel 207 . Le colloque avait pour thème L’entreprise et le droit constitutionnel . La tenue même de l’événement, quelques semaines à peine après l’entrée en vigueur de la réforme instituant la QPC, constitue en elle-même un puissant indicateur de l’intérêt porté par une structure comme la CCIP (établissement public administratif administré par des chefs d’entreprise et qui accompagne les entreprises dans leur création et leur développement) à la question de l’intérêt (ou des risques ?) que pourrait représenter la QPC pour l’entreprise. Le programme du colloque (v. encadré) confirme, si besoin était, cette analyse.

L’entreprise et le droit constitutionnel – Colloque du CREDA du 26 mai 2010

Ouverture, Patrick Simon, président de la CCIP

Propos introductifs, Jean-Louis Debré, président du Conseil constitutionnel

La question prioritaire de constitutionnalité au service de l’entreprise, Marc Guillaume

Les principes constitutionnels, Noëlle Lenoir, ancien ministre, ancien membre du Conseil constitutionnel, avocat au barreau de Paris

L’expérience du Portugal, Antonio Vitorino, ancien commissaire européen chargé de la Justice et des affaires intérieures, ancien juge au tribunal constitutionnel du Portugal, avocat au barreau de Lisbonne

L’expérience de l’Allemagne, Johannesburg Masing, juge à la cour constitutionnelle fédérale

La constitutionnalité et l’économie de marché, Yves Chaput, directeur scientifique du CERDA, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

La liberté d’entreprendre, Guy Carcassonne, Professeur à l’Université Paris Nanterre

Le contrat, Nicolas Molfessis, Professeur à l’Université Paris 2 Panthéon Assas

Les nationalisations et privatisations, Bruno Genevois, Président de section honoraire au Conseil d’Etat

L’environnement, Olivier Schrameck, président de la section du rapport et des études du Conseil d’Etat

La liberté de communication, Dominique Rousseau, Professeur à l’Université Montpellier I

La fiscalité, Daniel Gutmann, Professeur à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

Réflexions conclusives, Robert Badinter, Ancien président du Conseil constitutionnel, Ancien garde des Sceaux

208 Souligné par nous.

209 V. par exemple « Marc Guillaume, un haut fonctionnaire précieux », Le Monde, 6 mars 2015.

  • 210 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/pdf/2010-droit-constitutionnel/03-La %20QPC %20au %20s (...)
  • 211 Comme le souligne le professeur Bertrand Mathieu dans son propos introductif à la table-ronde du co (...)

98 Le titre de la communication prononcée par Marc Guillaume est particulièrement emblématique, à la fois en tant que telle (la QPC au service de l’entreprise 208 ), et du fait de la position institutionnelle spécifique de l’intéressé, qui était à l’époque secrétaire général du Conseil constitutionnel et dont toutes les sources convergent pour établir qu’il a joué un rôle décisif dans la conception et mise en œuvre de la réforme instituant la QPC 209 . Les deux éléments permettent d’établir que, depuis le cœur même de l’institution, il y avait bien quelque chose comme une main tendue au monde de l’entreprise à se saisir de la QPC et à investir l’arène du droit constitutionnel. Le propos qu’il tint à cette occasion corrobore largement cette analyse : descriptive et technique, pensée en forme de pense-bête procédural de la QPC (« la QPC ne peut être soulevée que par un écrit distinct et motivé, respecter de précises règles de délai », etc.), sa communication est l’occasion pour lui de proposer une définition des « droits et libertés que la Constitution garantit ». A la question rhétorique - « que recouvre cette locution ? » - , Marc Guillaume répond : « Elle ne recouvre pas les questions de procédure parlementaire, ni les empiètements de la loi sur le domaine réglementaire. Cette locution recouvre les principes constitutionnels comme la liberté d’entreprendre, la liberté contractuelle… » 210 . Aucune mention des droits des personnes physiques pourtant mis au fronton des discours nombreux de promotion et de soutien à la réforme. Le propos est ici tout entier et résolument tourné vers les entreprises 211  ; c’est certes l’objet du colloque dans lequel s’insère ledit propos, mais la définition proposée de l’expression clef de voûte de la QPC frappe néanmoins par sa brutale ignorance de toute liberté constitutionnelle autre qu’économique.

212 Jean-Louis Debré, Ce que je ne pouvais pas dire , Robert Laffont, 2016, p. 29.

213 Ibid., p.  287.

214 Ibid. , p. 161.

  • 215 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/pdf/2010-droit-constitutionnel/01-Ouverture %20QPC.pdf (...)
  • 216 Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2010, n° 29, en l (...)

99 En toute hypothèse, d’autres sources permettent de souligner l’attention qui a pu être prêtée, au plus haut niveau de l’institution, à la question de l’intérêt que le droit constitutionnel, et notamment la procédure de QPC, peut représenter pour le monde économique - et singulièrement pour l’entreprise. Le président Jean-Louis Debré révèle ainsi à de nombreuses reprises, dans l’ouvrage qu’il publie à l’issue de son mandat à la tête du Conseil, avoir multiplié les contacts avec les représentants d’entreprise - individuels comme corporatifs. Il relate ainsi avoir invité Mme Laurence Parisot, présidente du MEDEF, à déjeuner en janvier 2008 (« de tels contacts n’entrent pas dans les coutumes de cette maison, mais c’est précisément ce que je veux faire évoluer » 212 ), avoir organisé en 2014 un « petit déjeuner avec un chef d’entreprise important » qu’il rencontre « régulièrement en compagnie de Marc Guillaume » (il poursuit à ce propos : « pourquoi toujours fustiger les patrons, systématiquement les désigner tels que des ennemis, comme si nous étions revenus en plein XIXème siècle ? » 213 ), ou encore avoir déjeuné en 2013 avec « une dizaine de chefs d’entreprise que j’avais rencontrés pour la préparation de notre décision sur la loi de finances 2012 » 214 . Ces quelques éléments font écho au fait que le président de la CCIP insistait, dans ses remarques d’ouverture du colloque du CREDA de 2010, sur l’étroitesse des liens unissant le CREDA et plusieurs membres du Conseil constitutionnel. Il faisait ainsi référence à une étude réalisée par Robert Badinter sur l’avenir des juridictions économiques en Europe pour le CREDA, ainsi qu’aux « liens étroits et fructueux de collaboration » qui l’unissent à Noëlle Lenoir (membre du Conseil constitutionnel de 1992 à 2001) - laquelle aurait, conjointement à Guy Canivet, membre du Conseil constitutionnel au moment du colloque, porté cette manifestation scientifique « sur les fonts baptismaux » 215 . Et c’est sans compter sur le fait que la conférence organisée par la CCIP en 2010 n’est en réalité qu’une parmi tout un ensemble d’initiatives comparables, tournées elles aussi vers le décryptage et la préfiguration de l’intérêt que peut représenter la QPC pour l’entreprise. Parmi d’autres exemples, on peut ainsi mentionner la conférence « Entreprise et droits fondamentaux » organisée en novembre 2009 par la Société de législation comparée dans les locaux même du Conseil et publiée…. aux Cahiers du Conseil constitutionnel 216 .

100 Présentation de la QPC nouvellement créée comme tournée vers l’entreprise, entretien et développement des liens entre le Conseil constitutionnel et le monde économique… ces éléments relatifs au contexte d’entrée en vigueur de la QPC sont particulièrement intéressants lorsqu’ils sont rapportés à l’hypothèse d’un lien entre la représentation significative des personnes morales porteuses d’intérêts économiques parmi les requérants de la QPC d’une part et le renforcement des libertés économiques à la faveur de 10 années de pratique de ce contentieux nouveau constaté par nombre d’études d’autre part. C’est qu’en réalité, avant même de se poser la question de savoir si ce renforcement se donne à voir dans les effets de la QPC (c’est-à-dire dans la jurisprudence), on observe qu’il comptait effectivement parmi les objectifs assignés à la nouvelle voie de droit.

217 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2010-entreprises-et-droit-constitutionnel-actes.html

  • 218 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2010-entreprises-et-droit-constitutionnel-actes.html ( (...)

101 Les propos de Guy Carcassonne lors du fameux colloque du CERDA de 2010 mettent d’emblée sur cette piste : s’il y insiste sur le fait que, « dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel et dans le statut qui est aujourd’hui le sien, la liberté d’entreprendre est quelque peu sous-estimée tandis que sa proclamation se trouve, elle, surestimée » 217 , c’est pour mieux marteler qu’en ce sens, l’un des objectifs qu’il convient de poursuivre au travers de la procédure de QPC, est celui de la réhabilitation des libertés économiques. Objectif anobli, qui plus est, par un parallèle frappant entre libertés des personnes physiques et libertés des personnes morales : « on peut considérer que la liberté d’entreprendre est aux personnes morales ce que la liberté physique est aux personnes physiques. Il est toutefois évident, me semble-t-il, qu’elle est plus vitale encore, en tout cas quotidiennement, aux personnes morales, car la liberté des personnes morales, c’est (…) la liberté d’entreprendre. Et sauf à considérer que les personnes physiques et les personnes morales ne sont pas égales en dignité, l’on devrait, en bonne logique, être aussi scrupuleux vis-à-vis des personnes morales qu’on l’est vis-à-vis des personnes physiques à l’égard de leur liberté » 218 .

B. Un renforcement vérifié par dix années de pratique contentieuse de la QPC

102 Indubitablement présent à l’esprit de nombre d’acteurs et promoteurs de la QPC en amont comme au moment de son entrée en vigueur, ce renforcement des libertés économiques se vérifie-t-il dans le contentieux ? On examine ici un premier élément de réponse à cette question, en cherchant à mesurer d’abord la place de ces libertés dans les questions soulevées et moyens invoqués par les requérants ; on se tournera ensuite sur la question de leur place dans les décisions rendues par le Conseil.

  • 219 Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inachevée ? , LGDJ/Vare (...)

220 CC, 2010-10 QPC

103 Concernant le premier point, il se trouve que plusieurs indices convergent pour établir que tant les entreprises que les avocats vers lesquelles elles se sont tournées dans le cadre des QPC qu’elles ont soulevées ont bel et bien vu dans cette nouvelle voie de droit une opportunité qu’il convenait d’investir. La QPC a assurément exercé une grande influence sur certaines des transformations de la profession d’avocat depuis son entrée en vigueur. Elle a incité nombre d’entre eux à investir un champ - celui du droit constitutionnel - qui était demeuré jusqu’alors relativement marginal pour eux. La QPC a, de ce point de vue, d’abord eu l’attrait de la nouveauté pour certain-es avocats ; en témoignent par exemple les propos de Louis Boré, avocat au Conseil, admettant sans fard : « naturellement, j’ai voulu être parmi les premiers à soulever une QPC - j’ai eu la QPC numéro dix, ce qui est quand même assez rapide » 219 - faisant référence à la décision par laquelle fut obtenue l’abrogation de dispositions relatives au tribunal maritime commercial 220 .

  • 221 Raymond Espel, in Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inac (...)
  • 222 Raymond Espel, in Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inac (...)
  • 223 Christophe Jamin, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionn (...)
  • 224 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprendre », Revue des droits (...)

104 Mais si les avocats se sont naturellement intéressés à la QPC pour satisfaire ce nouveau pan des attentes et demandes de leurs clients, c’est bien parce qu’en amont celle-ci exerce un attrait certain pour les acteurs du champ de la régulation de l’économie en général - et singulièrement parmi eux, les entreprises. Le président honoraire de la chambre commerciale de la Cour de cassation analyse ainsi en 2016 que « la QPC (…) permet la ‘saisine entrepreneuriale’ du Conseil constitutionnel. Cette saisine entrepreneuriale donne aux opérateurs économiques une nouvelle offre juridique et juridictionnelle dans un contexte de vive concurrence entre systèmes juridiques économiques et organes de régulation des litiges tant en droit interne qu’en droit européen ou international » 221 . Ainsi, « grâce à la QPC, le droit constitutionnel français a rejoint de façon effective la grande famille du droit économique (…) pour y occuper une place éminente de manière particulièrement positive » 222 . Cette saisine entrepreneuriale est encore décrite, en d’autres termes, par Christophe Jamin lors du colloque Entreprise et droits fondamentaux de novembre 2009 : « Je crois que les entreprises commencent à prendre conscience [de l’intérêt de la QPC]. Il ne s’agit pas seulement pour elles de respecter les droits fondamentaux de leurs partenaires, de leurs salariés ou encore de leurs fournisseurs. Il s’agit aussi pour elles de se prévaloir de droits fondamentaux à leur bénéfice étant entendu que les personnes morales sont titulaires de tels droits… Il semble en outre que l’introduction de la QPC en droit français peut accentuer ce phénomène et produire des effets que je ne suis pas loin de qualifier de dévastateurs » - ou, en tous cas, de nature à dessiner un « nouveau monde » 223 auquel, notamment, les privatistes ne sont pas habitués. Quelques années plus tard, Antoine-Lyon Caen confirmait : « sur la scène constitutionnelle, la liberté d’entreprendre et le droit de propriété sont promis à être utilisés comme bouclier par les grandes entreprises contre des initiatives législatives qui contrarieraient leur stratégie » 224 .

  • 225 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés (...)

226 Ibid. , p. 41.

105 Cet argument, qui prête attention et importance à l’argumentation juridique, doit être pris au sérieux. L’émergence de nouveaux acteurs (les entreprises) sur un terrain qu’ils n’avaient guère jusque-là investi (le contentieux constitutionnel), via la production de discours faisant la part belle aux libertés économiques n’est en effet pas anodine du point de vue même de l’évolution du droit. C’est, en effet, que mobiliser ( a fortiori massivement ou de manière répétée) l’argument selon lequel les libertés économiques, sous toutes leurs facettes (liberté de déterminer le contenu du contrat, liberté des prix, liberté de ne pas souffrir d’entrave dans l’exercice d’une activité économique…), sont des libertés constitutionnelles, c’est arguer qu’elles « peuvent bénéficier d’une égale prétention à réduire la portée non plus seulement de l’action de l’Etat justifiée par l’intérêt général ou la poursuite d’un bien commun, mais également d’autres droits et libertés constitutionnels accordés à l’individu : égalité, liberté d’expression, droit à la vie privée, éducation, santé, droit de grève…. » 225 . C’est, en d’autres termes, la revendication de « l’égale fondamentalité (…) des droits et libertés qui expriment [les] valeurs ou intérêts particuliers [des catégories (communautés, groupes d’intérêts, sociétés…) qui dépassent l’individualité de l’homme des droits humains] » 226 . Au total, les libertés économiques ont donc été invoquées dans 114 des 730 décisions ici analysées, soit dans plus de 15,5 % des affaires de QPC.

C. Un renforcement efficace : les libertés économiques et l’issue des recours

106 Plus souvent invoquées par des requérants pour lesquels elles présentent un intérêt immédiat, les libertés économiques figurent plus souvent aujourd’hui qu’hier dans l’argumentation constitutionnelle du juge. Pour autant, leur force normative s’en trouve-t-elle renforcée ? Tendent-elles à prévaloir sur d’autres règles et principes constitutionnels ? Voilà les questions auxquelles il faut enfin répondre pour clore le raisonnement sur la corrélation entre présence significative de personnes morales porteuses d’intérêts économiques parmi les requérant-es de dix ans de QPC et la montée en puissance des libertés économiques à la faveur de cette nouvelle voie de droit.

227 Ibid. , p. 33.

  • 228 Ainsi, Louis Favoreu évoquait une « protection constitutionnelle atténuée » de la liberté d’entrepr (...)
  • 229 En ce sens, elles ne sont pas « mises en forme » constitutionnelle, v. encore : Véronique Champeil- (...)

230 CC, 16 janv. 1982, n° 81-132DC.

231 CC, 7 Déc. 2000, n° 2000-436DC.

232 CC, 19 déc. 2000, n° 2000-437 DC ; CC, 6 juin 2013, n° 2013-672DC.

  • 233 CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC : « les dispositions contestées (…) ont pour objet d’assurer un f (...)

234 CC, 21 janv. 2011, n° 2010-89QPC.

235 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC.

236 CC, 23 nov. 2012, n° 2012-282 QPC.

237 CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC.

238 CC, 13 juin 2013, n° 2013-672 QPC.

239 CC, 4 août 2016, n° 2016-736 DC.

  • 240 « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 (...)

107 On s’intéresse dès lors en premier lieu à la constitutionnalisation au sens fort de ces libertés économiques « mises en norme » 227 , processus relativement récent, qui explique que, de l’avis général, les libertés économiques ont longtemps eu un statut constitutionnel minoré, ou fragile 228 . Il est vrai qu’aucune règle constitutionnelle ne garantit, en tant que telle, l’exercice d’une activité économique 229  ; ce n’est que via la jurisprudence constitutionnelle - notamment à partir de la décision fondatrice de ce point de vue du 16 janvier 1982 230 - que l’on peut parler de libertés économiques constitutionnelles. Après avoir confirmé le rang constitutionnel du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, il a fallu au Conseil 18 ans pour censurer une loi sur le fondement de cette dernière 231  ; et il n’a consacré le statut constitutionnel de la liberté contractuelle qu’en 2013 232 . Depuis lors, il a certes enrichi sa jurisprudence et précisé la teneur de ces différentes libertés, dégageant des principes tels que le libre accès à la commande publique ou l’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, consacrant un principe de libre concurrence comme partie intégrante de l’intérêt général et précisant même que la libre concurrence entre opérateurs économiques, élément de l’ordre public économique 233 (à savoir le « fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé »), devait être lue comme un motif d’intérêt général justifiant une atteinte à la liberté d’entreprendre 234 . Cette dernière est par ailleurs explicitée du point de vue de son contenu, comme recouvrant « non seulement la liberté d’accéder à une profession ou une activité économique mais également la liberté dans l’exercice de cette profession ou de cette activité » 235 . La liberté d’entreprendre garantit donc la liberté des opérateurs d’accéder aux marchés 236 ainsi que les modalités du contrôle des autorités publiques sur les activités économiques 237 . De même, il garantit la liberté contractuelle entendue comme liberté de conclure et de choisir le cocontractant 238 et de déterminer le contenu du contrat 239 . En outre, le Conseil exerce vis-à-vis des éventuelles atteintes portées à la liberté d’entreprendre un contrôle de proportionnalité 240 .

  • 241 Georges Decocq, « L’apport de la QPC en droit de la concurrence et en droit financier », in Karine (...)
  • 242 Ainsi par exemple, Arnaud Sée déplorait en 2014 le fait que la QPC n’ait permis qu’une « faible pro (...)
  • 243 Par-delà les références citées supra, v. Laureline Fontaine, Alain Supiot, « Le Conseil constitutio (...)
  • 244 Comp. Jean-Louis Mestre, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la propriété », (...)

108 Au total, s’il demeure des auteurs pour juger que la protection des libertés économiques par le Conseil constitutionnel demeure « assez faible » 241 , il semble néanmoins que la QPC ait incontestablement fourni une opportunité de consolidation de leur statut constitutionnel. Une telle analyse, qui paraissait encore débattue après seulement trois ou quatre années de QPC 242 , semble aujourd’hui confortée 243 . Le droit constitutionnel de l’économie est donc arrivé, et le temps où la consécration du statut constitutionnel de la liberté d’entreprendre ou de la propriété pouvait apparaître comme audacieuse paraît bien éloigné 244  ; le registre constitutionnel de l’argumentation en matière économique est largement banalisé.

  • 245 Du point de vue de l’issue réservée aux litiges en QPC, notre analyse statistique a pris appui sur (...)

109 Quant au point de savoir si les libertés économiques sont, à la faveur de la QPC, devenues un argument gagnent, l’analyse statistique apporte quelques éclairages mais rencontre aussi sur ce point des limites. On peut en effet établir, en croisant les données relatives d’une part à l’issue du recours en QPC 245 et au type de dispositions invoquées d’autre part, les corrélations suivantes : 72,8 % des décisions dans lesquelles les requérants avaient invoqué la méconnaissance des libertés économiques (n =114) sont des décisions de conformité ; 16,7 % d’entre elles sont des décisions de non-conformité totale (n =19), et 7,9 % (n =9), des décisions de non-conformité partielle.

246 CC, 31 janv. 2020, n° 2019-823 QPC du 31 janvier 2020.

110 Certes, corrélation n’est pas causalité. A eux seuls, ces chiffres ne permettent pas de vérifier que les décisions de non-conformité sont rendues sur le fondement d’une atteinte aux libertés économiques ; de sorte qu’ils ne permettent pas d’établir que l’argument tiré de la méconnaissance d’une liberté économique prévaut dans 16,7 % des cas. Mais ils permettent toute de même de raisonner de manière comparative. D’abord, en précisant que, de manière générale sur les 730 décisions analysées, le taux moyen de décisions de conformité est de 66,6 %, pour 9,5 % de décisions de non-conformité partielle et 21,2 % de décisions de non-conformité totale. De ce point de vue, on constate que les décisions dans lesquelles les requérants ont invoqué (la violation, par hypothèse) de libertés économiques sont bien plus souvent qu’en moyenne générale des décisions de conformité (72,8 % contre 66,6 % en moyenne) ; elles sont aussi moins souvent qu’en moyenne des décisions de non-conformité (16,7 % contre 21,2 % pour la non-conformité totale ; 7,9 % contre 9,5 % pour la non-conformité partielle). En d’autres termes, l’argument tiré de la méconnaissance des libertés économiques paraît globalement et relativement moins efficace que d’autres du point de vue de l’obtention d’une censure constitutionnelle. Parmi les différents types de moyens invoqués que nous avons retenu dans notre classement, il faut dire que seule l’invocation de la Charte de l’environnement a pour effet de mener à un plus grand nombre de décisions de non-conformité (n =10) que de décisions de conformité (n =8) ; autrement dit, l’invocation de ce moyen perd dans 44,4 % des cas, mais gagne dans 55,5 % des cas (comme ce fut d’ailleurs le cas « face » au moyen de la liberté d’entreprendre, dans la décision remarquée rendue le 31 janvier 2020 246 mais située hors de notre corpus d’analyse). Mais, conformément à la moyenne générale de 66,6 % de décisions de conformité rendues en QPC, ce cas-là est tout à fait extraordinaire ; pour toutes les autres catégories de moyens, la probabilité d’une décision de non-conformité est plus faible que celle d’une décision de conformité. Les écarts entre ces probabilités varient toutefois, comme l’indique le tableau ici-bas.

  • 247 Antoine Gaudemet, « La QPC et le droit des affaires », in Laurent Leveneur, Claire-Marie Péglion-Zi (...)
  • 248 Arnaud Sée, « La QPC et les libertés économiques », Revue juridique de l’économie politique , 2014, (...)

111 Le regard jeté sur les écarts entre probabilité d’obtenir une décision de conformité et probabilité d’obtenir une décision de non-conformité confirme la moindre efficacité contentieuse quantitative de l’argument tiré de la liberté économique, puisque c’est bien pour ce moyen-là que l’écart entre les deux probabilités est le plus élevé, au profit de celle d’une décision de conformité. Certains auteurs avaient d’ailleurs déjà livré leur impression selon laquelle, bien que les praticiens du contentieux en droit des affaires se soient rapidement approprié la QPC et en aient soulevé en nombre (notamment dans certaines affaires particulièrement médiatiques, à l’instar des affaires EADS, Wildenstein, Cahuzac etc.), « le bilan de la QPC demeure limité [car] en proportion du nombre total de QPC soulevées en droit des affaires, il y a eu peu, très peu même, de déclarations de non-conformité » 247 . Arnaud Sée de la même manière soulignait en 2014 le caractère flou, sinon parfois erratique, du raisonnement suivi en la matière par le juge constitutionnel, signes selon lui d’une faible protection 248 .

  • 249 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés (...)
  • 250 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés (...)
  • 251 Denys de Béchillon, « Le volontarisme politique contre la liberté d’entreprendre », Nouveaux Cahier (...)
  • 252 Denys de Béchillon, « Le volontarisme politique contre la liberté d’entreprendre », Nouveaux Cahier (...)
  • 253 Véronique Champeil-Desplats, « La liberté d’entreprendre au pays des droits fondamentaux », Revue d (...)

112 L’analyse statistique, ou quantitative, est toutefois à manier avec prudence. D’abord, comme on l’a dit, parce que corrélation et causalité ne sont pas équivalentes. Ensuite parce que, en toute hypothèse, elle mérite d’être complétée par une analyse qualitative. Seule celle-ci permettrait, d’une part, de vérifier la place exacte du moyen tiré de la méconnaissance des libertés économiques dans la décision finale ; et c’est encore l’analyse qualitative, et elle seule, qui, d’autre part, permet d’identifier, le cas échéant, des innovations ou revirements jurisprudentiels qui demeurent cachés derrière les chiffres bruts. C’est bien ce que désigne Véronique Champeil-Desplats par référence à ce qu’elle appelle un processus de constitutionnalisation fortissimo sensu , qui désigne la diffusion axio-normative des libertés économiques 249 , avec pour résultat que « là où la pensée constitutionnelle occidentale de l’après-guerre recherchait une certaine neutralité des règles du jeu démocratique en matière économique pour ne pas prédéterminer le choix des élus, la constitutionnalisation revendiquée des libertés économiques s’accompagne d’une valorisation, voire d’une survalorisation, des prétentions et des modes d’organisation que celles-ci fondent à l’égard tant du fond que de la forme des normes juridiques qui structurent traditionnellement l’Etat moderne » 250 . De sorte que les éléments statistiques qui mènent à relativiser la force normative de l’argument tiré de la violation des libertés économiques ne sauraient, le cas échéant, suffire à rendre compte du fond des transformations liées à ce « renouveau » des libertés économiques, qui permettent la protection de « l’autonomie des entrepreneurs, leur aptitude à effectuer eux-mêmes les choix de gestion, de stratégie et de gouvernance qu’ils jugent bons. Le droit offert à chacun d’entreprendre librement se comprend avant tout comme une latitude d’autodétermination, pour ne pas dire une souveraineté. Dit autrement, le législateur ne peut se substituer à l’entreprise pour dire ce qui est bon pour elle et comment elle doit s’y prendre pour réaliser son objet social, a fortiori lorsqu’aucun motif d’intérêt général n’impose de lui ôter la possibilité de choisir entre plusieurs solutions susceptibles de parvenir au même résultat » 251 . Si une perspective libérale peut permettre à la doctrine de s’en réjouir, au motif que la liberté d’entreprendre pourrait, ainsi consolidée, faire obstacle à divers programmes législatifs et autres formes de « volontarisme politique » 252 , il faut concéder que ce constat vaut quel que soit ledit programme législatif - et notamment, y compris lorsqu’il vise la protection des droits des individus. Car en effet, cette mise en équivalence, via la catégorie des « droits fondamentaux » entre droits des personnes morales et droits des personnes physiques a pour effet que les droits ainsi reconfigurés permettent de faire « obstacle non plus seulement à l’action de l’État (…) mais également à d’autres droits et libertés qui s’inscrivent dans la catégorie traditionnelle des droits de l’Homme » 253 .

  • 254 Clémentine Bocquet, « La liberté d’entreprendre saisie par les justiciables économiques », op. cit.
  • 255 Valérie Bernaud, « La QPC a-t-elle changé le visage du droit constitutionnel du travail ? », Dr. So (...)
  • 256 Paul-Anthelme Adèle, « L’apport de la QPC en droit de la protection sociale », in Karine Foucher, d (...)
  • 257 Julien Bonnet, « L’effectivité des droits sociaux dans le cadre de la QPC », in Sylvie Torcol dir., (...)
  • 258 F. Chenedé, Pascale Deumier, « L’œuvre du Parlement, la part du Conseil constitutionnel en droit de (...)

259 Paul-Anthelme Adèle, « L’apport de la QPC en droit de la protection sociale », op. cit.

113 On observe d’ailleurs que c’est bien ainsi que certains contentieux emblématiques de la QPC ont opéré. Ainsi, dans les décisions relatives à la « libération » du marché des transports via l’assouplissement des règles relatives aux VTC (et, corrélativement, aux chauffeurs de taxi), on a vu les opérateurs exploiter toutes les ressources argumentatives. Comme le souligne Clémentine Bocquet, on voit dans ces affaires un très grand nombre de moyens d’inconstitutionnalité soulevés, les requérant-es (tantôt entreprises de VTC, tantôt entreprises de taxi) mobilisant assurément la liberté d’entreprendre, le droit de propriété ou la libre concurrence mais aussi, le principe d’égalité, la liberté d’aller et venir ou encore la présomption d’innocence 254 . C’est ainsi que le constat opéré par les spécialistes de droit du travail 255 , de droit de la protection sociale 256 ou de droits sociaux 257 se fait bien souvent plus critique, la QPC n’apparaissant ici comme n’ayant guère renforcé la protection des droits individuels. Et ce, d’autant plus que d’aucuns notent qu’en réalité, le Conseil constitutionnel serait « plus enclin à protéger les ‘droits-libertés’ que les ‘droits-créances’ qui apparaissent comme le vecteur de revendications sociales » 258  ; ou, dans le même ordre d’idées, que les droits sociaux fondamentaux ne sont plus pensés comme collectifs mais comme « des contreparties d’un effort individuel contributif » 259 .

114 Enfin, ces analyses relatives aux libertés économiques doivent encore être rapportées au fait que, pour certaines d’entre elles, elles sont d’apparition tardive dans le contentieux constitutionnel (rappelons ainsi que la liberté contractuelle n’a été consacrée en tant que liberté de rang constitutionnel qu’en 2013), de sorte que leur place pourrait bien continuer de croître à l’avenir de manière significative. En outre, les éléments de relativisation statistique de la force normative des libertés économiques n’entament en rien les conclusions précédentes, liées à une relative surreprésentation des personnes morales porteuses d’intérêts économiques parmi les requérants de la QPC d’une part, et à la corrélative montée en puissance des libertés économiques parmi les moyens invoqués en QPC d’autre part.

1 V. par exemple : Caroline Lantero, « Les libertés fondamentales au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative », 3 septembre 2018 : https://blogdroitadministratif.net/2018/09/03/les-libertes-fondamentales/

2 V. par exemple : J.-G. Huglo, E. Durlach, « Qu’est-ce qu’une liberté fondamentale au sens de la Chambre sociale ? », Revue de droit du travail , 2018, p. 346.

3 On parle ici bien sûr de contrôle et de souveraineté en dernier ressort : il ne s’agit pas bien sûr d’un pouvoir exclusif de tout autre, ne serait-ce qu’en raison du rôle éminent que jouent, en amont, les juges du filtre. Ainsi, tant le juge a quo que, par la suite, le Conseil d’Etat et la Cour de cassation, exercent également une influence, via leurs décisions de renvoi ou de non-renvoi, sur les contours de la catégorie ici analysée. Il n’en reste pas moins que c’est bien le Conseil constitutionnel qui parle en dernier ressort sur les contours de la catégorie. L’atteste de manière emblématique le statut constitutionnel de la parité : alors que le Conseil d’Etat avait jugé, dans sa décision de renvoi, que « le moyen tiré de ce qu’elles portent atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment de ce que le législateur a méconnu l’étendue de sa compétence en omettant de fixer les règles de désignation de ceux des membres élus du conseil académique qui seront appelés à siéger au sein de sa formation restreinte et de ce que cette méconnaissance affecte en particulier le principe d’égalité du suffrage, soulève une question présentant un caractère sérieux » (CE, 13 fév. 2015, n° 386118), le Conseil constitutionnel a au contraire jugé que les dispositions en cause de l’article 1 de la Constitution n'instituaient pas « un droit ou une liberté que la Constitution garantit » : CC, 24 avr. 2015, n° 2015-465QPC.

4 Véronique Champeil-Desplats, Les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, Economica/PUAM, 2001.

6 Parmi de nombreux exemples : la garde des Sceaux Rachida Dati présente la réforme constitutionnelle qui non seulement crée la QPC mais aussi le droit de pétition devant le Conseil Economique et Social et le Défenseur des droits, comme articulée à un « axe majeur » : « le renforcement des droits des citoyens » (Assemblée nationale, 3 ème séance du 22 mai 2008). Le député Jérôme Chartier parle par exemple de l’avènement, grâce à la QPC, d’une « démocratie juridique » (Assemblée nationale, 1 re séance du 8 juillet 2008).

8 Dans le même sens et pour un constat similaire : Karine Foucher dir., L'apport de la question prioritaire de constitutionnalité́ à la protection des droits et libertés : un bilan , Dalloz, 2020, Coll. Thèmes et commentaires.

19 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , p. 251, à propos de CC, 13 mai 2011, n° 2011-126QPC, qui est qualifiée (à l’inverse des autres) de « grande décision », p. 254.

20 D’ailleurs, le rapporteur de la commission des lois à l’Assemblée nationale de la loi constitutionnelle créant la QPC explicitait le fait qu’il s’agissait, à travers cette nouvelle procédure, d’assurer la protection « à la fois (d)es droits et libertés garantis par la Déclaration de 1789, l’ensemble des principes particulièrement nécessaires à notre temps énoncés par le préambule de la Constitution de 1946 et les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République » : Rapport n° 892, Jean-Luc Warsmann, 15 mai 2008 - liste complétée par le rapporteur du Sénat Jean-Jacques Hyest qui y ajoute la Charte de l’environnement (Rapport n° 387, 11 juin 2008).

21 De fait, ont ainsi été reconnus comme consacrant des droits et libertés au sens de l’article 61-1 de la Constitution : le principe d’égalité de la loi découlant de l’article 1 er de la Constitution (CC, 9 juillet 2010, n° 2010-13 QPC), d’indivisibilité de la République (CC, 18 juil. 2014, n° 2014-407QPC), la liberté individuelle (CC, 30 juil. 2010, n° 2010-14/22QPC)…

22 Dominique Rousseau, Pierre-Yves Gahdoun, Julien Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel , 11 ème éd., 2016, p. 258.

23 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC op.cit. , chapitre 5 « Les principes susceptibles d’être invoqués dans le cadre d’une QPC », à propos de CC, 18 juin 2010, décision n o  2010-5 QPC,  SNC Kimberly Clark ; CC, 22 juillet 2010, décision n o  2010-4/17 QPC, R. p. 156, M.  Alain C. et autre (version en ligne).

Au regard de quelles normes soulever la question prioritaire de constitutionnalité ? (version en ligne).

26 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , LGDJ, 2013, op.cit. (chapitre 5) (en ligne).

27 Patricia Rrapi, « L’incompétence négative dans les QPC : de la double négation à la double incompréhension », Les nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, 2012/1, n° 34, p. 163.

28 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op. cit. , (chapitre 5) (en ligne).

37 Michel Verpeaux, « Compétences des collectivités territoriales et respect de leur autonomie financière », Actualité Juridique Droit Administratif , 2011, p. 218 qui se réfère aux propos du rapporteur public.

39 V. par ex. : CC, 18 juin 2010, n° 2010-5 QPC : « les dispositions de l'article 14 de la Déclaration de 1789 (…) n'instituent pas un droit ou une liberté qui puisse être invoqué, à l'occasion d'une instance devant une juridiction, à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité sur le fondement de l'article 61-1 de la Constitution ».

40 Dominique Rousseau, Pierre-Yves Gahdoun, Julien Bonnet, Droit du contentieux constitutionnel, 11è ed., LGDJ, 2016, Coll. Domat droit public, p. 260.

43 CC, 23 nov. 1977, n° 77-87 DC ; en revanche, la liberté de l’enseignement (également élevée au rang de PFLR par cette décision) a, elle, été consacrée en QPC : CC, 14 nov. 2014, n° 2014-425 QPC).

46 Aucune décision rendue en QPC n’apparaît à propos du monopole de fait dans les tables analytiques du Conseil : https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/2021-01/1958_202101_tables.pdf (v. notamment p. 1458).

49 CC, 19 juin 2009, n° 2008-564 DC ; la décision poursuit : ses dispositions « s’imposent aux pouvoirs publics et aux autorités administratives dans leur domaine de compétence respectif ».

54 Voir notamment : Véronique Champeil-Desplats, « La protection de l’environnement, objectif de valeur constitutionnelle : vers une invocabilité asymétrique de certaines normes constitutionnelles ? Remarques sur la décision n° 2019-823 du 31 janvier 2020 », Lettres ADL, Revues des droits de l’homme, févr. 2020.

55 Damien Fallon, « Les vicissitudes de l'incompétence négative en QPC », Constitutions , 2018, p. 241 se référant à Rapport présenté par M. J.-L. Warsmann sur le projet de loi organique relatif à l'application de l'article 61-1 de la Constitution, Ass. nat. XIIIe législature, n° 1898, p. 46.

56 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , , op.cit., (chapitre 5) (en ligne).

58 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence négative », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , n° 46, Janv. 2015, p. 7.

59 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence négative », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , n° 46, Janv. 2015, p. 7.

61 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , , op.cit., (chapitre 5) (en ligne)

66 Nos données relèvent que sur 84 QPC dans lesquelles le moyen relatif à l’incompétence négative est invoqué, 56 décisions aboutissent à une décisions de conformité ; 2 un non-lieux ; 10 à une non-conformité partielle et 16 à non-conformité totale.

70 Voir notamment : CC, 2 déc. 2016, n° 2016-600 : « Il résulte de tout ce qui précède que, hormis les mots : ‘À l'exception de celles qui caractérisent la menace que constitue pour la sécurité et l'ordre publics le comportement de la personne concernée’, les cinquième à dixième alinéas du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955, qui ne sont pas entachés d'incompétence négative [nous soulignons] et ne méconnaissent aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit, doivent être déclarés conformes à la Constitution ». Ici, le Conseil affirme sans argumenter le défaut d’incompétence négative ». Mais cette décision n’est pas isolée. Certains auteurs mentionnent une quinzaine de décisions en ce sens ; voir notamment : Damien Fallon, « Les vicissitudes de l'incompétence négative en QPC », Constitutions , 2018, p. 241.

71 Jacques Arrighi de Casanova, « Quel avenir pour la jurisprudence Kimberly Clark  ? », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, janv. 2015.

72 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en ligne).

73 Ariane Vidal-Naquet, « L’état de la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur l’incompétence négative », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , n° 46, Janv. 2015, p. 7 : «  Si l’on peut recenser près de 60 décisions (50 DC / 9 QPC) qui contiennent l’expression même d’« incompétence négative », plus d’une centaine de décisions se réfère à des hypothèses dans lesquelles le législateur est resté en-deçà de sa compétence, n’a pas pleinement exercé sa compétence, ne l’a pas épuisée ou a méconnu sa compétence…  ».

74 Ibid  ; Voir par exemple la décision 2014-488 QPC, 11 avril 2014 ou encore la décision 2013-336 QPC, 1 er  août 2013, permettant d’ailleurs souvent au Conseil constitutionnel de se sortir d’une situation épineuse.

82 Par exemple, CC, 13 avr. 2012, n° 2012-234, QPC : « Considérant, en second lieu, que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où est affecté un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; qu'il résulte toutefois des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent pas en cause les règles ou les principes fondamentaux placés par la Constitution dans le domaine de la loi ; que, par suite, en ne fixant pas lui-même les conséquences sur la procédure du défaut de paiement de la contribution pour l'aide juridique ou du droit de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel, le législateur n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence » Dans cette affaire, le Conseil refuse ainsi le moyen tiré de l’incompétence négative par un raisonnement particulièrement alambiqué. Voir aussi, CC, 9 sept. 0214, n° 2014-411 QPC : « que la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l'appui d'une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où cette méconnaissance affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit ; Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » ; que ces dispositions figurent au nombre des droits et libertés que la Constitution garantit ; qu'il incombe au législateur et, dans le cadre défini par la loi, aux autorités administratives de déterminer, dans le respect des principes ainsi énoncés, les modalités de la mise en œuvre de ces dispositions ; Considérant que la décision de rendre opposables par anticipation certaines dispositions du projet de plan a pour objet d'assurer la sécurité des personnes et des biens à l'égard des risques naturels prévisibles ; qu'elle ne peut être adoptée que si « l'urgence le justifie » ; qu'elle a pour seul effet d'interdire ou de restreindre, à titre provisoire et conservatoire, des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations ; que, par suite, elle ne constitue pas une décision publique ayant une incidence sur l'environnement au sens de l'article 7 de la Charte de l'environnement ; que le grief tiré de la méconnaissance de cet article est donc inopérant ». Le Conseil semble ainsi rejeté le grief tiré de l’incompétence négative car il ne s’agit pas d’une décision publique et que, partant, l’article 7 n’est pas invocable.

84 Pierre de Montalivet, « Les objectifs de valeur constitutionnelle », Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2006, n° 20.

85 Guillaume Drago, Contentieux constitutionnel français, PUF, 2020 se référant au rapport Hyest, n° 378 p. 177 et au rapport Portelli, n° 637, p. 40.

88 Pierre de Montalivet, « Les objectifs de valeur constitutionnelle », op. cit.  ; Bertrand Mathieu, Michel Verpeaux Contentieux constitutionnels des droits fondamentaux , 2002, p. 275.

89 Cette catégorie est désormais composée de quatorze OVC. Treize ont été dégagées dans le cadre du contentieux DC ; un a été consacré récemment dans le cadre du contentieux QPC (CC, 31 janvier 2020, n° 2019-823 QPC).

90 Même si bien sûr les juges du filtre jouent là aussi un rôle important. Ainsi, par exemple : CE, 15 juillet 2010, n° 340492 (exclusion du principe de l’annualité budgétaire de la catégorie des « droits et libertés que la Constitution garantit) ; CE, 15 septembre 2010, n° 330734 (rejet du principe de décentralisation) ; CCass, 12 octobre 2011, n° 1140064 (exclusion du principe de l’unité territoriale) ; CCass, 2 novembre 2018 n° 1840033 (exclusion de l’article 77 de la Constitution) ; CE, 28 décembre 2016 n° 403928 (exclusion de l’article 75-1 de la Constitution) ; CE 9 septembre 2016, n° 438822 (exclusion du principe de sécurité juridique).

93 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en ligne).

96 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en ligne).

97 CC, 4 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC.

98 CC, 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC.

99 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC, op. cit., (chapitre 5) (en ligne).

101 CC, 28 mai 2010, n° 2010-3 QPC ; CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC ; CC, 10 déc. 2010, n° 2010-77 QPC ; CC, 17 juin 2011, n° 2011-134 QPC ; CC, 30 sept. 2011, n° 2011-169 QPC ; CC, 7 oct. 2011, n° 2011-175 QPC ; CC, 16 mai 2012, n° 2012-249 QPC ; CC, 5 oct. 2012, n° 2012-277 QPC ; CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC ; CC, 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC ; CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC ; CC, 7 juin 2013, n° 2013-318 QPC ; CC, 1 août 2013, n° 2013-336 QPC ; CC, 29 nov. 2013, n° 2013-356 QPC ; CC, 28 fév. 2014, n° 2013-370 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-373 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC ; CC, 7 mai 2014, n° 2014-395 QPC ; CC, 17 oct. 2014, n° 2014-422 QPC ; CC, 5 déc. 2014, n° 2014-434 QPC ; CC, 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC ; CC, 20 nov. 2015, n° 2015-498 QPC ; CC, 3 fév. 2016, n° 2015-519 QPC ; CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QPC ; CC, 5 oct. 2016, n° 2016-581 QPC ; CC, 10 fév. 2017, n° 2016-611 QPC ; CC, 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC ; CC, 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC ; CC, 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; CC, 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC ; CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC ; CC, 22 fév. 2019, n° 2018-767 QPC ;CC, 19 avr. 2019, n° 2019-777 QPC.

102 CC, 31 janv. 2019, n° 2019-823 QPC : l’objectif de protection de l’environnement est « sacré » OVC mais il n’est pas directement « invoqué » par les requérants. Ces derniers arguent de ce que » l'interdiction d'exportation, instaurée par [les] dispositions [en cause], de certains produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées par l'Union européenne serait […] sans lien avec l'objectif de protection de l'environnement et de la santé dans la mesure où les pays importateurs qui autorisent ces produits ne renonceront pas pour autant à les utiliser puisqu'ils pourront s'approvisionner auprès de concurrents des entreprises installées en France. ». Le Conseil répond que « le législateur a assuré une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre la liberté d'entreprendre et les objectifs de valeur constitutionnelle de protection de l'environnement et de la santé. Le grief tiré de la méconnaissance de cette liberté doit donc être écarté ». De la même manière, dans la décision CC, 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC, les requérants arguent de ce que « l'atteinte portée à ces libertés par la mesure d'interdiction de séjour ne saurait, dans la mesure où une « entrave à l'action des pouvoirs publics » ne constitue pas nécessairement une menace pour l'ordre public, être justifiée par l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public ».

103 CC, 17 juin 2011, n° 2011-134 QPC ; CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC ; CC, 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC ; CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC ; CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC ; CC, 5 oct. 2012, n° 2012 -277 QPC ; CC, 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC ; CC, 7 oct. 2011, n° 2011-175 QPC ; CC, 20 nov. 2015, n° 2015-498 ; CC, 7 mai 2014, n° 2014-395 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC ; CC, 7 juin 2013, n° 2013-318 QPC ; CC, 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; CC, 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC ; CC, 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC ; CC, 10 fév. 2017, n° 2016-611 QPC ; CC, 19 avr. 2019, n° 2019-777 QPC ; CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-373 QPC ; CC, 28 fév. 2014, n° 2013-370 QPC ; CC, 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC ;CC, 3 fév. 2016, n° 2015-519 QPC ; CC, 5 oct. 2016, n° 2016-581 QPC ; CC, 22 fév. 2019, n° 2018-767 QPC. ; CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QPC.

112 CC, 30 nov. 2012, n° 2012-285 QPC ; CC, 16 mai 2012, n° 2012-249 QPC ; CC, 30 sept. 2011, n° 2011-169 QPC ; Eventuellement, si on admet qu’ils sont invoqués : CC, 30 sept. 2011, n° 2011-169 QPC ; CC, 9 juin 2017, n° 2017-635 QPC.

113 CC, 23 nov. 2012, n° 2012-283 QPC ; CC, 27 sept. 2018, n° 2018-735 QPC ; CC, 7 sept. 2018, n° 2018-729 QPC ; CC, 5 oct. 2012, n° 2012-277 QPC ; CC, 7 oct. 2011, n° 2011-175 QPC ; CC, 17 juin 2011, n° 2011-134 QPC ; CC, 10 déc. 2010, n° 2010-77 QPC ; CC, 22 juil. 2010, n° 2010-4/17 QPC ; CC, 29 nov. 2013, n° 2013-356 QPC ; CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC ; CC, 5 déc. 2014, n° 2014-434 QPC ; CC, 17 oct. 2014, n° 2014-422 QPC.

114 CC, 20 nov. 2015, n° 2015-498 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-374 QPC ; CC, 1 août 2013, n° 2013-336 QPC ; CC, 7 juin 2013, n° 2013-318 QPC ; CC, 15 déc. 2017, n° 2017-682 QPC ; CC, 3 oct. 2017, n° 2017-657 QPC ; CC, 10 fév. 2017, n° 2016-611 QPC ; CC, 19 avr. 2019, n° 2019-777 QPC.

115 CC, 29 mars 2018, n° 2017-695 QPC ; CC, 4 avr. 2014, n° 2014-373 QPC ; CC, 7 mai 2014, n° 2014-395 QPC ; CC, 28 fév. 2014, n° 2013-370 QPC ; CC, 3 fév. 2016, n° 2015-519 QPC ; CC, 5 oct. 2016, n° 2016-581 QPC ; ; CC, 26 juil. 2018, n° 2018-768 QPC ; CC, 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC ; CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QPC ; CC, 22 fév. 2019, n° 2018-767 QPC.

122 Voir notamment, CC, 3 fév. 2016, n° 2015-519 QPC ; CC, 20 oct. 2015, n° 2015-495 QPC ; CC, 29 mai 2015, n° 2015-470 QPC ; CC, 29 janv. 2015, n° 2014-445 QPC.

125 « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, s'il appartient au législateur de mettre en œuvre l'objectif de valeur constitutionnelle que constitue la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, et s'il lui est loisible, à cette fin, d'apporter au droit de propriété les limitations qu'il estime nécessaires, c'est à la condition que celles-ci n'aient pas un caractère de gravité tel que le sens et la portée de ce droit en soient dénaturés ; que doit être aussi sauvegardée la liberté individuelle ; Considérant que l'article 544 du code civil, qui définit le droit de propriété, ne méconnaît par lui-même aucun droit ou liberté que la Constitution garantit »

126 En ce sens : Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., (section 4) (en ligne).

127 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en ligne).

129 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC , op.cit., (chapitre 5) (en ligne)

131 Bertrand Mathieu, Dominique Rousseau, Les grandes décisions de la QPC, op. cit., (chapitre 5) (en ligne).

133 Le Conseil ignore par ailleurs dans cette décision l’OVC de protection de l’environnement qui était également soulevé.

137 Dominique Rousseau, La question prioritaire de constitutionnalité, op. cit., (section 4) (en ligne) : dès lors que, « elle visait à préserver l’exercice de la fonction juridictionnelle contre l’immixtion des autres pouvoirs et étroitement liée avec l’exigence de garantie des droits ».

141 V. le dossier « La QPC façonnée par ses acteurs : quelles tendances ? », Les Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel , 2013, n° 38.

142 Michel Verpeaux, « Contrôle de constitutionnalité des actes administratifs : compétence juridictionnelle », Répertoire du contentieux administratif , janvier 2011, §51.

143 Denys de Béchillon, « L'interprétation de la Cour de cassation ne peut pas être complètement tenue à l'écart du contrôle de constitutionnalité des lois » , La Semaine Juridique JCP , 14 juin 2010, n o  24, p. 676.

144 Michel Verpeaux, « Contentieux constitutionnel : normes de référence », Répertoire de contentieux administratif , janvier 2020, §33.

145 Denys de Béchillon, « L'interprétation de la Cour de cassation ne peut pas être complètement tenue à l'écart du contrôle de constitutionnalité des lois », La Semaine Juridique JCP , 14 juin 2010, n o  24, p. 676.

146 Julien Bonnet, « Les contrôles a priori et a posteriori », Les Nouveaux Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2013, n° 40.

147 Ibid.  ; dans le même sens : Edouard Dubout, « L'efficacité structurelle de la question prioritaire de constitutionnalité en question », Revue du droit public, 2013, n° 1, p. 107.

151 Edouard Dubout, « L'efficacité structurelle de la question prioritaire de constitutionnalité en question », op. cit. ; Marthe Fatin-Rouge Stefanini, « La singularité du contrôle exercé  a posteriori  par le Conseil constitutionnel : la part de concret et la part d'abstrait »,  Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , 2013, n o  38 ; et Jordane Arlettaz, Julien Bonnet dir., L’objectivation du contentieux des droits et libertés , LGDJ, 2014.

152 Il faut encore préciser que les analyses et promesses relatives à la QPC comme triomphe ou consécration d’un contrôle concret de constitutionnalité allaient d’emblée bien vite en besogne dès lors qu’elles omettaient le façonnage opéré, en amont, par les juridictions du filtre qui était bien susceptible de priver le Conseil constitutionnel de la possibilité de mesurer la part des conditions concrètes d’application de la loi sur la sauvegarde des droits et libertés constitutionnels. Emblématique de ce point de vue est la décision de non-renvoi prise par la Cour de cassation le 8 mai 2018 en matière de harcèlement : la haute juridiction judiciaire juge en effet que « les dispositions législatives critiquées, qui exigence des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie de la victime se traduisent par une altération de sa santé physique ou mentale, sont rédigées en des termes suffisamment clairs et précis et dans le strict respect du principe de légalité des délits et des peines pour que l’interprétation de ce texte, qui entre dans l’office du juge pénal, puisse se faire sans risque d’arbitraire » (Cass. Crim., 9 mai 2018, n° 18-90.007). En effet, tant la définition législative du harcèlement moral (art. 222-33-2-2 Code pénal) que son application concrète constituent assurément une zone d’incertitude aussi grande que, jadis, celle du harcèlement sexuel (cf. la décision Cass. Crim., 29 fév. 2012, n° 11-85.377, qui avait donné lieu à CC, 4 mai 2012, n° 2012-240 QPC).

154 Voir notamment : Anne Michel, L’argument de la nature des choses en droit. Etude de la rhétorique du Conseil constitutionnel, Thèse de doctorat en droit public, Université Paris Saclay, 2016, p. 191 : les expressions « par soi-même », « par elle(s)-même(s), par lui-même, par eux même […] supposent la préexistence du sens véritable de qu’est la chose, soit comme objet singulier, soit comme essence à l’origine d’un genre ».

155 « Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression ».

156 « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité ».

157 Véronique Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel a-t-il une conception des libertés publiques ? », Jus Politicum , 2012, n° 7, qui souligne la non-coïncidence entre l’expression «  ne prive pas de garanties légales les exigences constitutionnelles » et l’ancien effet cliquet.

158 Bruno Genevois, « L’enrichissement des techniques de contrôle », Cahiers du Conseil Constitutionnel , 2009, n° hors-série.

159 Véronique Champeil-Desplats, « Le Conseil constitutionnel a-t-il une conception des libertés publiques ? », op. cit.

160 Grégory Mollion, « Les garanties légales des exigences constitutionnelles », Revue française de droit constitutionnel , 2005/2, n° 62), p. 257.

162 Anne Michel, L’argument de la nature des choses en droit. Etude de la rhétorique du Conseil constitutionnel, op.cit.

165 V. aussi, dans le même sens : CC, 29 janv. 2014, n° 2014-445 QPC ; CC, 22 avr. 2016, n° 2016-537 QPC ; CC, 8 oct. 2014, n° 2014-419 QPC ; CC, 13 fév. 2015, n° 2013-431 QPC.

169 Le parti dont est issu Mme Le Pen (anciennement FN et désormais RN) critique de longue date cette obligation de publicité, mettant en avant la difficulté spécifique pour ce parti longtemps sulfureux de réunir des signatures exprimant publiquement le soutien à sa présence dans l’arène de la compétition présidentielle.

172 Voir notamment Régis Fraisse, « La chose jugée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de ses décisions et la QPC », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 30, janvier 2011 ; Marc Guillaume, « QPC : textes applicables et premières décisions », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 29, octobre 2010.

173 V. notamment (liste non exhaustive) : CC, 12 nov. 2010, n° 2010-63/64/65 QPC ; CC, 26 nov. 2010, n° 2010-70 QPC ; CC, 29 sept. 2010, n° 2010-44 QPC ; CC, 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC ; CC, 31 janv. 2014, n° 2013-363 QPC ; CC, 14 fév. 2014, n° 2013-367 QPC ; CC, 6 juin 2014, n° 2014-399 QPC ; CC, 13 juin 2014, n° 2014-401 QPC ; CC, 19 sept. 2014, n° 2014-412 QPC ; CC, 5 déc. 2014, n° 2014-433 QPC.

174 Voir notamment sur cette question : Régis Fraisse, « La chose jugée par le Conseil constitutionnel dans les motifs et le dispositif de ses décisions et la QPC », Nouveaux cahiers du conseil constitutionnel, n° 30, janvier 2011 ;

175 Voir notamment, Thierry Di Manno, Le conseil constitutionnel : les moyens et conclusions soulevés d’office, Presses universitaires d’Aix en Provence, 1994 ; plus récemment : Anne-Charlène Bezzina, Les questions et les moyens soulevés d’office par le Conseil constitutionnel, Dalloz, 2014.

177 L’idée selon laquelle il s’agit, en créant la QPC, de permettre au citoyen d’être un acteur du droit est centrale aux débats parlementaires ayant présidé à l’adoption de la révision constitutionnelle de 2008. V. encore Olivier Duhamel, « La QPC et les citoyens », Pouvoirs , 2011, n° 137, p. 183 et, pour une relativisation, Armel le Divellec, « La QPC, déclin de la pensée constitutionnelle », in Dominique Rousseau et Pasquale Pasquino dir., La QPC, une mutation réelle de la démocratie française ? , Mare et Martin, 2018, p. 92.

178 Emmanuel Cartier dir., La QPC, le procès et ses juges , Dalloz, 2013, Coll. Méthodes du droit, p. 81.

179 Stéphanie Hennette-Vauchez, « Les droits fondamentaux à Luxembourg. Droit et politique dans la détermination des contours de l’office du juge », in L’Union européenne, union de droit, union des droits. Mélanges offerts à Philippe Manin , Pedone, pp. 775-794 ; Laurent Scheeck, « The relationship between the European Courts and integration through human rights », Zeitschrift für ausländisches öffentliches Recht und Völkerrecht , 2005, vol. 65, n° 4, p. 837.

180 Silvio Marcus-Helmons, « L’applicabilité de la Convention européenne des droits de l’homme aux personnes morales », JTDE 1996, pp. 150-153.

181 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -1 re partie : Pourquoi ? », RDLF , 2011, chron. 15. ; v. aussi du même auteur, « Les droits fondamentaux des personnes morales -2 ème partie : Comment ? », RDLF , 2011, chron. 17. Dans ces deux papiers, l’auteur fait l’argument d’une recevabilité théorique comme d’une désirabilité normative de la reconnaissance de droits fondamentaux aux personnes morales -tant ceux qui sont inhérents à la qualité de personne juridique, que d’autres liés à la protection de la personne morale comme organisation ainsi encore, que ceux liés à la réalisation de l’objet social de la personne morale. Il précise toutefois qu’une forme de hiérarchisation des droits fondamentaux en considération de la nature de leurs titulaires est souhaitable : même auteur, « Les droits fondamentaux des personnes morales -3 ème partie : jusqu’où ? », RDLF , 2012, chron. 1.

182 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -1 re partie : Pourquoi ? », RDLF , 2011, chron. 15.

183 V. de manière emblématique : CC, 16 janvier 1982, n° 81-132 DC : « le principe d’égalité n’est pas moins applicable entre les personnes morales qu’entre les personnes physiques, car les personnes morales étant des groupements de personnes physiques, la méconnaissance du principe d’égalité entre celles-là équivaudrait nécessairement à une méconnaissance de l’égalité entre celles-ci », cité par Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -1 re partie : Pourquoi ? », op. cit..

184 Xavier Dupré de Boulois, « Les droits fondamentaux des personnes morales -2 ème partie : Comment ? », op. cit..

185 Ibid.  : « Une association sportive n’a pas vocation à se prévaloir de la liberté religieuse pas plus qu’une société commerciale ne peut se voir reconnaître les droits reconnus aux partis politiques ».

186 Sur ce point, voir dans le présent dossier l’étude consacrée aux associations requérantes en QPC par Véronique Champeil-Desplats.

187 Xavier Dupré de Boulois, « La QPC comme supermarché des droits fondamentaux ou les dérives du contentieux objectif des droits », RDLF , 2014, chron. n° 2 ; Stéphanie Hennette-Vauchez, « …’les droits et libertés que la Constitution garantit’ : quiproquo sur la QPC ? », Revue des droits de l’Homme, 2016, n° 10.

188 Christophe Jamin, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2010, n° 29, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/conference-sur-l-entreprise-et-les-droits-fondamentaux

189 Clémentine Bocquet, « La liberté d’entreprendre saisie par les justiciables-économiques : analyse des fondements juridiques de l’uberisation de la société à travers les QPC VTC-taxis », in Sylvie Torcol dir., Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marché , Revue des droits de l’Homme, n° 11/2017, p. 72.

191 L’auteure cite notamment la décision CC, 22 mai 2015, n° 2015-468/469/472 QPC comme résultant à la fois de deux renvois par la chambre commerciale de la Cour de cassation et d’un renvoi par le Conseil d’Etat.

193 A titre d’illustration, on peut renvoyer à l’étude coordonnée par Emilie Chevalier et Jessica Makowiak qui établit que, sur la période 2010-2019, le contentieux de la QPC n’a représenté qu’environ 3 % de l’activité contentieuse globale d’une structure telle que l’association France Nature Environnement : Dix ans de QPC en matière d’environnement : quelle (r)évolution ?, Janvier 2020, p. 41, https://www.conseil-constitutionnel.fr/sites/default/files/2020-10/202010_qpc2020_synthese_limoges_environnement.pdf

194 Marc Milet, « Groupes d’intérêt et contrôle de constitutionnalité en France depuis 2010. Conditions de ‘mobilisations constitutionnelle’ et usages du recours à la QPC », Titre VII , Hors-série Octobre 2020.

195 Maxence Christelle, Betrand-Léo Combrade, Charles-Edouard Sénac, « La QPC et les représentants d’intérêt : techniques d’influence et influences sur la technique », Titre VII , Hors-série Octobre 2020.

196 Si cette technique est ancienne et bien antérieure à la QPC (cf. Georges Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel : la porte étroite », La Vie Judiciaire , 11-17 mars 1991, pp. 1-14), elle connaît une forte montée en puissance à la faveur de la QPC : Maxence Christelle, Betrand-Léo Combrade, Charles-Edouard Sénac, « La QPC et les représentants d’intérêt : techniques d’influence et influences sur la technique », op. cit.

197 Marc Milet, « Groupes d’intérêt et contrôle de constitutionnalité en France depuis 2010. Conditions de ‘mobilisations constitutionnelle’ et usages du recours à la QPC », op. cit.

198 V. encore : Arnaud Sée, « Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés économiques ? », in Samy Benzina dir., Le Conseil constitutionnel est-il le gardien des libertés ?, LGDJ/Presses de l’Université de Poitiers, 2021.

199 Denys de Béchillon, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2010, n° 29, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/conference-sur-l-entreprise-et-les-droits-fondamentaux

200 https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/le-conseil-constitutionnel-rendra-desormais-publiques-les-contributions-exterieures-qu-il-recoit

201 Historiquement nommées « portes étroites » (en écho au texte publié Georges Vedel ( « L’accès des citoyens au juge constitutionnel : la porte étroite », La vie judiciaire, 11-17 mars 1991, p. 9) à propos du nécessaire accès citoyen au Conseil constitutionnel) mais parfaitement invisibilisées dans la procédure constitutionnelle, ces contributions extérieures ont vu leur statut changer drastiquement au cours des années récentes. Dans un premier temps (communiqué du 23 février 2017), le Conseil avait admis l’existence de telles contributions ; par la suite, il avait décidé de publier la liste des contributions reçues, mais sans en rendre le contenu disponible (v. pour une première publication, CC, 23 mars 2017, n° 2017-7 DC). En illustration des positions opposées qu’il est possible d’adopter sur cette question, voir d’un côté le rapport consacré à cette question par Denys de Béchillon ( https://www.leclubdesjuristes.com/wp-content/uploads/2017/02/Club-des-juristes-Notes-Portes-etroites-Fev-2017.pdf ) et la réponse que lui a apportée Thomas Perroud, « La neutralité procédurale du Conseil constitutionnel », Revue des droits de l’Homme , 2019, n° 15 ( https://journals.openedition.org/revdh/5618 ).

202 Selon l’expression de Georges Vedel, « L’accès des citoyens au juge constitutionnel : la porte étroite », La vie judiciaire, 11-17 mars 1991.

204 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprise », Revue des droits de l’Homme , 2014, n° 5.

205 Pierre-Yves Gahdoun, « L’ouverture du contentieux constitutionnel à de nouvelles matières », Les Nouveaux Cahiers du Conseil constitutoinnel , 2018, n° 58 : « Il est peu de dire que, avant l’arrivée de la QPC, le domaine économique tenait une place bien modeste dans le contentieux constitutionnel (…). Mais la QPC a changé la donne. Au doigt mouillé, il semble bien en effet que la matière économique jalonne de plus en plus souvent les décisions du Conseil et nourrit aujourd’hui un nombre important de QPC ». Dans le même, v. encore Pierre Delvolvé, « Les libertés économiques », RFDA , 2017, p. 33. Mais contra  : Arnaud Sée, « La QPC et les libertés économiques », Revue juridique de l’économie politique , 2014, n° 718, étude 5 et, même auteur : « Le Conseil constitutionnel gardien des libertés économiques ? », op. cit.

206 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprise », Revue des droits de l’Homme , 2014, n° 5.

210 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/pdf/2010-droit-constitutionnel/03-La %20QPC %20au %20service %20de %20l'entreprise.pdf , p. 3.

211 Comme le souligne le professeur Bertrand Mathieu dans son propos introductif à la table-ronde du colloque consacrée au droit comparé, qu’il préside : « alors même que le droit constitutionnel s’est jusqu’à présent beaucoup intéressé à l’entreprise, l’entreprise s’est beaucoup moins intéressée au droit constitutionnel. Et pour cause ; le droit constitutionnel n’était guère un instrument au service de l’entreprise ».

215 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/pdf/2010-droit-constitutionnel/01-Ouverture %20QPC.pdf

216 Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2010, n° 29, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/conference-sur-l-entreprise-et-les-droits-fondamentaux

218 https://www.creda.cci-paris-idf.fr/colloques/2010-entreprises-et-droit-constitutionnel-actes.html (lien corrompu au 13 juin 2021, document dans les fichiers des auteures).

219 Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inachevée ? , LGDJ/Varenne, 2016, p. 136.

221 Raymond Espel, in Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inachevée ? , op. cit. , p. 138

222 Raymond Espel, in Table-ronde, in Julien Bonnet et Pierre-Yves Gahdoun, La QPC, une révolution inachevée ? , op. cit. , p. 138.

223 Christophe Jamin, in Conférence Entreprise et droits fondamentaux, Cahiers du Conseil Constitutionnel, 2010, n° 29, en ligne : https://www.conseil-constitutionnel.fr/nouveaux-cahiers-du-conseil-constitutionnel/conference-sur-l-entreprise-et-les-droits-fondamentaux

224 Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprendre », Revue des droits de l’Homme, 2014, n° 5.

225 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », in Sylvie Torcol dir., Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marche , source, p. 40.

228 Ainsi, Louis Favoreu évoquait une « protection constitutionnelle atténuée » de la liberté d’entreprendre : Louis Favoreu, « La jurisprudence constitutionnelle et le droit de propriété », in Conseil constitutionnel, La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la jurisprudence , Economica, 1989, p. 133. Sur les développements qui suivent, v. not. Arnaud Sée, « Le Conseil constitutionnel, gardien des libertés économiques ? », op. cit.

229 En ce sens, elles ne sont pas « mises en forme » constitutionnelle, v. encore : Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », op. cit., pp. 33-34.

233 CC, 12 oct. 2012, n° 2012-280 QPC : « les dispositions contestées (…) ont pour objet d’assurer un fonctionnement concurrentiel du marché dans un secteur déterminé ; en les adoptant, le législateur n’a pas apporté au principe de la liberté d’entreprendre une atteinte qui ne serait pas justifiée par les objectifs de préservation de l’ordre pubic économique qu’il s’est assigné ».

240 « il est loisible au législateur d’apporter à la liberté d’entreprendre, qui découle de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l’intérêt général, à la condition qu’il n’en résulte pas d’atteintes disproportionnées aux objectifs poursuivis » : il censurait sur ce fondement en 2002 les restrictions apportées aux licenciements économiques par la loi dite de modernisation sociale : CC, 12 janv.2002, n° 2001-455DC.

241 Georges Decocq, « L’apport de la QPC en droit de la concurrence et en droit financier », in Karine Foucher dir., L’apport de la QPC à la protection des droits et libertés. Un bilan , Dalloz, 2020, p. 67, p. 70 : « en conséquence, le législateur peut y déroger [aux libertés économiques] assez facilement ».

242 Ainsi par exemple, Arnaud Sée déplorait en 2014 le fait que la QPC n’ait permis qu’une « faible progression » de la protection constitutionnelle des libertés économiques : Arnaud Sée, « La QPC et les libertés économiques », Revue juridique de l’économie publique , 2014, n° 718, étude n° 5. Reste que, la même année, Antoine Lyon-Caen développait une analyse bien différente, et presque opposée : « Ceux qui n'avaient pas prévu le mouvement ou ne parvenaient pas à le prendre au sérieux sont dorénavant prévenus : la liberté d'entreprendre et le droit de propriété deviennent des mesures constitutionnelles courantes des lois anciennes comme des textes nouveaux ». Il déplorait la force de ce statut renouvelé du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre, notamment du point de vue de la redéfinition des équilibres propres au droit du travail qu’elle emportait : « au premier rang des dispositifs législatifs soumis à l'épreuve de ces mesures, ceux qui forment le droit du travail, ce droit conçu pour établir une distance entre les travailleurs subordonnés et le marché, et qui se voit donc sommé de revoir la distance que, non sans peine, il avait mise entre le salariat et le marché. Mais l'épreuve est également imposée à certains dispositifs de protection sociale et aux législations qui tendent à organiser des professions » : Antoine Lyon-Caen, « La vitalité constitutionnelle de la liberté d’entreprise », Revue des droits de l’Homme , 2014, n° 5.

243 Par-delà les références citées supra, v. Laureline Fontaine, Alain Supiot, « Le Conseil constitutionnel est-il une juridiction sociale ? », Droit Social , 2017, p. 754.

244 Comp. Jean-Louis Mestre, « Le Conseil constitutionnel, la liberté d’entreprendre et la propriété », Recueil Dalloz , 1984, chron. 1.

245 Du point de vue de l’issue réservée aux litiges en QPC, notre analyse statistique a pris appui sur l’issue telle qu’elle figure en tête des décisions rendues par le Conseil constitutionnel : conformité, décision avant de dire droit, non-lieu à statuer, non-conformité totale, non-conformité partielle. Nous avons par ailleurs isolé les décisions dans lesquelles le Conseil formulait une réserve d’interprétation.

247 Antoine Gaudemet, « La QPC et le droit des affaires », in Laurent Leveneur, Claire-Marie Péglion-Zika dir., QPC et droit privé , Dalloz, 2019, p. 76.

248 Arnaud Sée, « La QPC et les libertés économiques », Revue juridique de l’économie politique , 2014, n° 718, étude 5 et, même auteur : « Le Conseil constitutionnel gardien des libertés économiques ? », op. cit.

249 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », op. cit. , p. 33.

250 Véronique Champeil-Desplats, « Réflexions sur les processus de constitutionnalisation des libertés économiques », op. cit. , p. 41.

251 Denys de Béchillon, « Le volontarisme politique contre la liberté d’entreprendre », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , 2015, n° 49.

252 Denys de Béchillon, « Le volontarisme politique contre la liberté d’entreprendre », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , 2015, n° 49.

253 Véronique Champeil-Desplats, « La liberté d’entreprendre au pays des droits fondamentaux », Revue de droit du travail , 2007, p. 19.

254 Clémentine Bocquet, « La liberté d’entreprendre saisie par les justiciables économiques », op. cit..

255 Valérie Bernaud, « La QPC a-t-elle changé le visage du droit constitutionnel du travail ? », Dr. Soc. , avril, 2014 et, même auteure, « Faut-il (encore)soulever des QPC en droit du travail ? », Dr. Soc. 2012, p. 458 et « Vers un renouvellement du droit constitutionnel du travail par les ‘décisions QPC’ ? », Dr. Soc. , 2011, p. 1011. V. encore : Gilles Auzero, Sébastien Tournaux, « L’apport de la QPC en droit du travail », in Karine Foucher dir., L’apport de la QPC à la protection des droits et libertés , op. cit. , p. 23, p. 25 : « il s’avère que la QPC a produit de maigres résultats relativement à l’avancée des droits et libertés fondamentaux en droit du travail ».

256 Paul-Anthelme Adèle, « L’apport de la QPC en droit de la protection sociale », in Karine Foucher, dir., L’apport de la QPC à la protection des droits et libertés , op. cit. , p. 39.

257 Julien Bonnet, « L’effectivité des droits sociaux dans le cadre de la QPC », in Sylvie Torcol dir., Le contentieux des droits et libertés fondamentaux à l’épreuve de l’économie de marche , source, p. 61.

258 F. Chenedé, Pascale Deumier, « L’œuvre du Parlement, la part du Conseil constitutionnel en droit des personnes et de la famille », Nouveaux Cahiers du Conseil constitutionnel , 2013, n° 39, p. 7, spéc. p. 15.

Pour citer cet article

Référence électronique.

Stéphanie Hennette-Vauchez et Laurie Marguet , « La QPC et les « droits et libertés que la Constitution garantit » : consécration et façonnage d’une nouvelle catégorie du droit constitutionnel » ,  La Revue des droits de l’homme [En ligne], 20 | 2021, mis en ligne le 28 juin 2021 , consulté le 27 avril 2024 . URL  : http://journals.openedition.org/revdh/12388 ; DOI  : https://doi.org/10.4000/revdh.12388

Stéphanie Hennette-Vauchez

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Exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel

Par Maxime Bizeau, Avocat de formation, diplômé de l'école d'avocats du Barreau de Paris

exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel

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Afin d’appliquer la méthodologie de la dissertation juridique , vous trouverez ci-dessous un exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel.

Il s’agit d’un corrigé pour le sujet suivant : « Quel est le domaine de la loi aujourd’hui ? »

J’espère que cet exemple vous aidera à comprendre ce qu’on attend de vous dans une dissertation juridique, particulièrement en droit constitutionnel.

Bonne lecture !

Sujet corrigé : « Quel est le domaine de la loi aujourd’hui ? »

« La Loi est l’expression de la volonté générale. » Il ressort de cette formule énoncée à l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 que la loi, en tant que produit de la volonté du peuple souverain, ne saurait être limitée dans son champ d’intervention.

C’est pourquoi jusqu’en 1958, le domaine de la loi, c’est-à-dire son champ d’intervention, les matières dans lesquelles le législateur intervient pour édicter des règles, était illimité. Il faut d’emblée préciser que le terme « loi » ne doit pas ici être entendu dans un sens large comme toute norme posant une règle juridique obligatoire, mais plutôt dans un sens plus strict et juridiquement usuel comme tout texte voté par le Parlement (ce qui n’inclut donc pas la Constitution, le droit de l’Union européenne et les règlements). En particulier, sous la IIIème République et la IVème République, le domaine de la loi était déterminé par le Parlement lui-même qui fixait la limite entre la loi, qui relevait de sa compétence, et le règlement, qui relevait de la compétence de l’exécutif. Ainsi, une loi pouvait être prise dans n’importe quelle matière. Le gouvernement n’édictait des règlements que pour exécuter des lois. La différence entre la loi et le règlement ne résidait pas dans leurs domaines, mais au niveau de leur forme ; la loi était un acte voté par le Parlement, tandis que le règlement était un acte pris par le pouvoir exécutif.

En 1958, le constituant a souhaité mettre en place un parlementarisme rationalisé pour libérer le gouvernement de la tutelle du Parlement et renforcer ses prérogatives. Pour ce faire, la Constitution du 4 octobre 1958, texte fondateur de la Vème République, soustrait du domaine de la loi de nombreuses questions relevant davantage de l’administration et de la gestion courante des affaires publiques. Plus précisément, l’ article 34 fixe le domaine de la loi, et l’article 37, en complément de l’article 34, affirme que ce qui n’est pas du domaine de la loi est du domaine du règlement. Autrement dit, le gouvernement a une compétence de principe et le législateur une compétence d’attribution, ce qui peut apparaître comme une révolution. Le Parlement n’a plus la compétence de ses compétences ; il ne détermine plus quels domaines relèvent de la loi et, a fortiori , quels domaines relèvent du règlement, ce qui ouvre au pouvoir règlementaire un large champ de compétences.

Néanmoins, la “révolution“ opérée par les articles 34 et 37 de la Constitution a été relativisée par la doctrine. Jean-Louis Pezant, ancien membre du Conseil constitutionnel, déclarait ainsi en 1984 que « le domaine des rapports entre la loi et le règlement est l’un de ceux qui a vu se creuser le fossé le plus large entre le dessein initial – souvent qualifié, au regard d’un long passé, de révolutionnaire – et le fonctionnement réel des institutions de la Vème République » et que « la “révolution juridique“ opérée par les articles 34 et 37 en matière de répartition des domaines de la loi et du règlement a vu, un à un, ses principaux acquis largement restreints dans leur portée » (Jean-Louis Pezant, Loi/règlement, la construction d’un nouvel équilibre, Revue française de science politique, 1984, n° 4-5, p. 922). Il précisait ensuite que le domaine de la loi pouvait résulter d’autres articles de la Constitution et que la loi ne se privait pas d’intervenir régulièrement dans le domaine règlementaire, allant même jusqu’à qualifier le domaine de la loi d’«  extensible » .

Au regard de ces considérations, il convient donc d’étudier si, sous la Vème République, le domaine de la loi est véritablement circonscrit par l’article 34 de la Constitution.

En réalité, si le domaine de la loi est délimité de manière précise par la Constitution (I), il n’en demeure pas moins qu’il a fait l’objet d’une extension continue sous la Vème République (II).

I) La délimitation précise du domaine de la loi par la Constitution

La Constitution délimite strictement les domaines respectifs de la loi et du règlement en ses articles 34 et 37 (A). Toutefois, d’autres normes à valeur constitutionnelle donnent compétence à la loi dans diverses matières (B).

A) Le domaine de la loi fixé par les articles 34 et 37 de la Constitution

Considérés à l’époque comme une véritable révolution de notre droit public ( « Ce que l’on nous propose est, en réalité, une révolution profonde, une révolution qui va même au-delà de ce que les rois eux-mêmes ont réclamé… » s’inquiétait le doyen Julliot de la Morandière, Documents pour servir à l’histoire de l’élaboration de la Constitution du 4 octobre 1958, vol. III, La Documentation française, 1991, p. 398), les articles 34 et 37 de la Constitution ont profondément modifié la répartition des compétences entre la loi et le règlement.

D’abord, l’article 34 de la Constitution définit de manière précise le domaine de la loi. En particulier, cet article énonce que la loi « fixe les règles » concernant huit matières et « détermine les principes fondamentaux » concernant six autres matières. Il faut donc distinguer entre les domaines pour lesquels la loi fixe les règles et les domaines pour lesquels la loi détermine les principes fondamentaux. Dans le premier cas, la loi détermine les règles dans le détail. Dans le second cas, elle ne détermine que les grands principes, le détail étant renvoyé à des règlements d’application. Il faut préciser que l’article 34 mentionne également les lois de finances qui déterminent les ressources et les charges de l’Etat, les lois de financement de la sécurité sociale qui déterminent les conditions générales de son équilibre financier et fixent ses objectifs de dépenses et les lois de programmation qui déterminent les objectifs de son action, fondant la compétence de la loi dans ces matières. Il ressort donc de cet article 34 que le législateur dispose d’une compétence d’attribution.

L’article 34 est complété par son pendant, l’article 37 alinéa 1, qui octroie au pouvoir réglementaire une compétence de principe en affirmant dans son premier alinéa que « les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire ».

Par ailleurs, il existe des procédures fixées par la Constitution pour faire respecter la frontière entre la loi et le règlement. En particulier, l’article 37 alinéa 2 permet de délégaliser (sur autorisation du Conseil constitutionnel) un texte adopté en la forme législative mais qui est en réalité du domaine règlementaire. Cette procédure permet d’éviter de recourir à la voie parlementaire pour modifier des textes de forme législative, mais de nature réglementaire. Dans la grande majorité des cas, le Conseil constitutionnel fait droit à la demande du Premier ministre et procède à la délégalisation des dispositions qui lui sont soumises.

Mais les articles 34 et 37 ne sont pas les seuls articles de la Constitution qui fixent la frontière entre la loi et le règlement.

B) Le domaine de la loi complété par d’autres dispositions à valeur constitutionnelle

L’article 41 de la Constitution permet au gouvernement ainsi qu’au Président de l’assemblée intéressée de déclarer irrecevables, pendant le déroulement de la procédure législative (donc avant que le texte ne soit adopté), les propositions de loi et les amendements qui ne relèvent pas du domaine de la loi. En cas de désaccord entre l’assemblée et le gouvernement sur cette irrecevabilité, le Conseil constitutionnel peut être saisi par l’un ou l’autre afin de trancher si le texte est de la compétence du Parlement ou du gouvernement.

En outre, en dehors de l’article 34, d’autres articles de la Constitution fixent la compétence de la loi pour certaines matières. Relèvent ainsi de la compétence du législateur le droit électoral (article 3), la déclaration de guerre (article 35), la prorogation de l’état de siège (article 36), l’autorisation de ratifier ou approuver certains traités (article 53 alinéa 1), l’organisation des conditions dans lesquelles l’autorité judiciaire assure la sauvegarde de la liberté individuelle (article 66), et l’organisation de la libre administration des collectivités territoriales (article 72).

Par ailleurs, la compétence du Parlement peut également résulter d’autres dispositions du bloc de constitutionnalité. Ainsi, la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 fait référence à l’intervention de la loi dans plusieurs de ses articles. Il faut à ce titre citer l’article 4 de la déclaration de 1789 qui donne compétence à la loi pour restreindre la liberté, l’article 8 de cette même déclaration qui donne compétence à la loi pour fixer les délits et les peines et l’article 17 qui fonde la compétence du législateur pour les privations du droit de propriété. De même, en vertu du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, seul le législateur peut réglementer le droit de grève. Enfin, la Charte de l’environnement de 2004, qui fait référence à la loi (notamment à ses articles 3, 4 et 7), étend également la compétence du législateur.

Ainsi, il apparaît que le domaine de la loi est fixé par l’article 34 de la Constitution et complété par d’autres dispositions à valeur constitutionnelle (I). Toutefois, le domaine de la loi n’est pas figé dans le marbre de la Constitution et a fait l’objet d’une extension sous la Vème République (II).

II) L’extension continue du domaine de la loi sous la Vème République

« La “révolution“ visant à faire du règlement édicté par l’exécutif un concurrent de la loi “expression de la volonté générale“ est pour l’essentiel restée lettre morte. » (Bertrand Mathieu, La part de la loi, la part du règlement, De la limitation de la compétence réglementaire à la limitation de la compétence législative, Pouvoirs 2005/3, n° 114, p. 73). Autrement dit, la loi a reconquis ses positions, malgré le texte de la Constitution. En réalité, la Vème République a été le théâtre d’une extension continue du domaine de la loi en raison du caractère essentiellement mouvant de ce dernier (A) et d’une jurisprudence favorable développée par le Conseil constitutionnel (B).

A) Un domaine essentiellement mouvant

Le domaine de la loi n’est pas figé et est amené à évoluer.

D’abord, l’article 34 de la Constitution énonce, dans son dernier alinéa, que « les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique » . Ainsi, le domaine de la loi peut être « précisé » et « complété » par une simple loi organique. Les lois organiques sont des lois qui ont pour objet de préciser et compléter la Constitution. Elles sont édictées selon une procédure particulière. En effet, elles ne peuvent être promulguées qu’après avoir été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel (article 46 alinéa 5 de la Constitution). La procédure d’élaboration des lois organiques est donc différente de celle utilisée pour élaborer les lois ordinaires. Le contrôle effectué par le Conseil constitutionnel rend leur promulgation plus difficile. Pour autant, une révision de la Constitution doit normalement être approuvée ou bien par référendum, ou bien à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès. Ainsi, les modalités de révision de l’article 34 de la Constitution facilitent la révision du domaine de la loi en comparaison à la procédure classique de révision de la Constitution. A ce titre, la loi organique n° 2017-54 du 20 janvier 2017 relative aux autorités administratives indépendantes et autorités publiques indépendantes est venue compléter le domaine de la loi en établissant que « toute autorité administrative indépendante ou autorité publique indépendante est instituée par la loi. La loi fixe les règles relatives à la composition et aux attributions ainsi que les principes fondamentaux relatifs à l’organisation et au fonctionnement des autorités administratives indépendantes et des autorités publiques indépendantes. »

En outre, le domaine de la loi a été étendu par différentes révisions constitutionnelles qui ont modifié l’article 34 de la Constitution. En particulier, la révision constitutionnelle de 1996 a intégré à l’article 34 les lois de financement de la sécurité sociale. De même, la révision de 2005 et la révision de 2008 y ont respectivement ajouté les principes fondamentaux de la préservation de l’environnement, et la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias.

Par ailleurs, la pratique gouvernementale a également permis une extension du domaine de la loi. Si la procédure de l’article 41 de la Constitution était fréquemment utilisée au début de la Vème République, elle ne l’est aujourd’hui que de manière très épisodique. A quelques exceptions près, le gouvernement n’a pratiquement jamais utilisé cet article 41 depuis 1980, permettant ainsi à des textes d’être adoptés en la forme législative alors qu’ils ne relevaient pas du domaine de la loi.

Mais au-delà de ces considérations, le Conseil constitutionnel a joué un rôle déterminant dans l’extension du domaine de la loi.

B) Un domaine régulièrement renforcé par le Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel a développé une jurisprudence favorable à l’extension du domaine de la loi.

D’abord, saisi d’un recours visant, entre autres, à faire sanctionner l’édiction par le législateur d’une règle ne relevant pas du domaine de la loi, le Conseil constitutionnel a répondu que les procédures des articles 41 et 37 alinéa 2 de la Constitution ont un caractère facultatif et que « par les articles 34 et 37, alinéa 1 er , la Constitution n’a pas entendu frapper d’inconstitutionnalité une disposition de nature réglementaire contenue dans une loi, mais a voulu, à côté du domaine réservé à la loi, reconnaître à l’autorité réglementaire un domaine propre et conférer au Gouvernement, par la mise en œuvre des procédures spécifiques des articles 37, alinéa 2, et 41, le pouvoir d’en assurer la protection contre d’éventuels empiétements de la loi » (Cons. const., 30 juillet 1982, n° 82-143 DC, Blocage des prix et des revenus). Autrement dit, une loi peut contenir des dispositions de nature réglementaire si le gouvernement ne s’y oppose pas. Puisque le domaine du règlement a été institué au profit du gouvernement, ce dernier peut renoncer à s’en prévaloir et accepter un empiétement de son pouvoir. En pratique, il est fréquent que le Premier ministre dépose un projet de loi alors que le gouvernement aurait pu prendre un règlement pour faire passer la mesure. Cette pratique ayant été validée par le Conseil constitutionnel, cela contribue à renforcer le domaine de la loi.

Ensuite, le Conseil constitutionnel, contrairement à ce qu’indique la lettre de l’article 34 de la Constitution, n’a pas fait respecter la distinction entre les matières pour lesquelles la loi fixe les règles (dans le détail) et celles pour lesquelles la loi ne doit fixer que les principes fondamentaux. Il a laissé le législateur intervenir dans le détail dans toutes les matières énumérées à l’article 34 de la Constitution, ce qui participe à une extension du domaine de la loi.

Enfin, le Conseil constitutionnel ne permet pas au législateur d’abandonner ou de négliger son propre domaine. Il censure les cas d’incompétence négative du législateur, c’est-à-dire les cas où le législateur a délégué sa compétence au pouvoir réglementaire alors qu’il aurait dû l’exercer lui-même.

C’est tout pour cet exemple de dissertation juridique en droit constitutionnel !

J’espère que cela vous aidera pour vos futures dissertations.

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19th Edition of Global Conference on Catalysis, Chemical Engineering & Technology

  • Victor Mukhin

Victor Mukhin, Speaker at Chemical Engineering Conferences

Victor M. Mukhin was born in 1946 in the town of Orsk, Russia. In 1970 he graduated the Technological Institute in Leningrad. Victor M. Mukhin was directed to work to the scientific-industrial organization "Neorganika" (Elektrostal, Moscow region) where he is working during 47 years, at present as the head of the laboratory of carbon sorbents.     Victor M. Mukhin defended a Ph. D. thesis and a doctoral thesis at the Mendeleev University of Chemical Technology of Russia (in 1979 and 1997 accordingly). Professor of Mendeleev University of Chemical Technology of Russia. Scientific interests: production, investigation and application of active carbons, technological and ecological carbon-adsorptive processes, environmental protection, production of ecologically clean food.   

Title : Active carbons as nanoporous materials for solving of environmental problems

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N° 12 - avril 2024

  • Audience publique QPC : le 13 mars 2024, le Conseil constitutionnel a siégé à Toulouse
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Audience publique de question prioritaire de constitutionnalité

Après s'être déplacé à Metz, Nantes et Pau (2019), Lyon (2020), Bourges (2021), Marseille et Montpellier (2022), Bordeaux et Douai (2023), le Conseil constitutionnel a siégé une dixième fois hors de ses murs le 13 mars dernier, dans les locaux de la Cour administrative d'appel de Toulouse où l'accueillait Monsieur Jean-François MOUTTE, Président de la Cour administrative d'appel.

Le Conseil constitutionnel a tenu son audience publique sur les questions prioritaires de constitutionnalité n°2023-1083 et 1084.

Cette audience publique délocalisée répond à la volonté du Président Laurent Fabius de faire mieux connaître le Conseil et ces « questions citoyennes » que sont les questions prioritaires de constitutionnalité.

A cette occasion, les membres du Conseil constitutionnel se sont également rendus dans le lycée Toulouse-Lautrec et le lycée Saint-Sernin afin d'échanger avec les élèves sur les missions et le rôle du Conseil constitutionnel.

Puis le 21 mars, le Président Fabius, a commenté les décisions des QPC examinées la semaine précédente puis échangé avec des étudiants de la Toulouse School of Economics (TSE) et de l'Université Toulouse Capitole.

Citer cet article

« Audience publique QPC : le 13 mars 2024, le Conseil constitutionnel a siégé à Toulouse », Titre VII [en ligne], n° 12, L'enseignement , avril 2024. URL complète : https://www.conseil-constitutionnel.fr/publications/titre-vii/audience-publique-qpc-le-13-mars-2024-le-conseil-constitutionnel-a-siege-a-toulouse

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  19. « Protection des libertés et QPC »

    En deuxième lieu, le Conseil constitutionnel a transposé à la QPC la technique des réserves d'interprétation utilisées dans le cadre du contrôle a priori. Il l'a notamment fait en matière pénale ou de procédure pénale. Pour faire respecter les droits de la défense, il a ainsi jugé que l'article 393 du CPP ne saurait permettre que ...

  20. Elektrostal Map

    Elektrostal is a city in Moscow Oblast, Russia, located 58 kilometers east of Moscow. Elektrostal has about 158,000 residents. Mapcarta, the open map.

  21. Victor Mukhin

    Catalysis Conference is a networking event covering all topics in catalysis, chemistry, chemical engineering and technology during October 19-21, 2017 in Las Vegas, USA. Well noted as well attended meeting among all other annual catalysis conferences 2018, chemical engineering conferences 2018 and chemistry webinars.

  22. Elektrostal' , Russia Moscow Oblast

    What time is it in Elektrostal'? Russia (Moscow Oblast): Current local time in & Next time change in Elektrostal', Time Zone Europe/Moscow (UTC+3). Population: 144,387 People

  23. Décision n° 2024-1086 QPC du 25 avril 2024

    Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-1086 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article 84 de l'ordonnance n° 45-2441 du 19 octobre 1945 portant code de la nationalité française, dans sa rédaction initiale.

  24. Metallurgicheskii Zavod Electrostal AO (Russia)

    Metallurgicheskii Zavod Electrostal AO (Russia) In 1993 "Elektrostal" was transformed into an open joint stock company. The factory occupies a leading position among the manufacturers of high quality steel. The plant is a producer of high-temperature nickel alloys in a wide variety. It has a unique set of metallurgical equipment: open induction ...

  25. Décision n° 2024-1085 QPC du 25 avril 2024

    Elle a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le n° 2024-1085 QPC. Elle est relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du b de l'article L. 5219-8 du code général des collectivités territoriales. Au vu des textes suivants : la Constitution ;

  26. Audience publique QPC

    La vie du Conseil constitutionnel. Audience publique QPC : le 13 mars 2024, le Conseil constitutionnel a siégé à Toulouse; Réunion internationale "Justice, Générations futures et Environnement" Colloque sur « Le contrôle de constitutionnalité des lois financières » Accueil de la Cour constitutionnelle fédérale allemande